Alexis Bienvenu envisage la croissance des marchés financiers au rythme des décisions de déconfinement. (Photo: La Financière de l'Échiquier)

Alexis Bienvenu envisage la croissance des marchés financiers au rythme des décisions de déconfinement. (Photo: La Financière de l'Échiquier)

L’émergence du Covid-19 en Europe et aux États-Unis a provoqué un séisme boursier comme on en avait rarement observé. Après six semaines de confinement, la tempête semble s’être rapidement calmée et la confiance remonte. Alexis Bienvenu, gérant de portefeuille pour La Financière de l’Échiquier, fait le point pour Paperjam sur l’évolution des marchés.

Un peu plus d’un mois après une chute vertigineuse, comment évoluent les marchés financiers?

Alexandre Bienvenu. – «Depuis le 24 mars déjà, ils ont entamé une remontée à une allure aussi vertigineuse que celle à laquelle ils avaient descendu la pente. L’ascension se fait un peu plus calmement depuis quelques semaines, mais la belle remontée observée entre fin mars et début avril a été préservée. Aux États-Unis, au niveau du S&P, la progression est déjà de 25% depuis les niveaux les plus bas. L’Europe avance un peu plus lentement, mais elle est déjà passée de -30% à -20% actuellement.

À quoi est lié ce redressement assez spectaculaire?

«C’est dû à différents facteurs qui nous semblent assez durables et qui nous donnent des raisons de rester modérément confiants, même si nous sommes conscients de toujours danser au-dessus d’un volcan. On a d’abord vu des injections de liquidités énormes de la part des banques centrales dans le monde entier, mais particulièrement au niveau de la Fed qui en est venue à acheter des obligations spéculatives, ce qu’elle n’avait jamais fait. Ensuite, on a également pu observer l’action des gouvernements auprès des entreprises à travers des prêts importants. Les plans de soutien ont atteint entre 3% et 6% de PIB, ce qui correspond plus ou moins à l’ampleur de ce qui sera à déplorer sur l’ensemble de l’année. Or, autant les États que les banques centrales se disent prêts à faire encore beaucoup plus. On ne voit actuellement aucune limite à l’action des banques centrales.

Les réactions ont été à la hauteur de la crise?

«Ce qu’on peut observer aujourd’hui c’est que les soutiens sont concomitants avec la crise, ce qui est assez rare. En général, il faut d’abord bien comprendre les crises et prendre conscience de leur ampleur avant de voir des réactions se dessiner. Dans le cas présent, comme elle a été provoquée par les décisions de confinement des autorités, des contre-feux ont pu immédiatement être déclenchés. Et comme les banques centrales et les gouvernements avaient déjà huilé des dispositifs importants en 2008-2009 et en 2011-2012 lors de la crise des pays du sud de l’Europe, ils ont pu être mis en place rapidement et sans limites. Nous estimons donc que le danger est bien circonscrit et bien combattu.

Comme (la crise) a été provoquée par les décisions de confinement des autorités, des contre-feux ont pu immédiatement être déclenchés.

Alexis Bienvenugérant de portefeuillesLa Financière de l'Echiquier

On peut déjà parler d’un retour à la normale?

«Il reste quand même deux raisons de rester prudent. D’abord, personne ne peut savoir où en sera la crise sanitaire au niveau mondial dans trois ou six mois. L’autre point préoccupant est la valorisation des actions. En particulier les actions américaines qui ont retrouvé des niveaux de valorisation difficiles à justifier. Les niveaux atteints ne reflètent pas du tout une ambiance de crise. D’autant qu’il n’existe aucune visibilité sur les bénéfices futurs, leur estimation étant déjà une mission très compliquée en temps normal. C’est un point très délicat, surtout que ces valorisations sont tirées par les quelques grandes sociétés technologiques comme Amazon, Facebook et Google, des valeurs qui bénéficient plutôt du confinement et qui sont désormais très chères.

Même si la remontée des marchés paraît déjà étonnante, doit-on s’attendre à de nouvelles progressions au fur et à mesure des annonces de déconfinement par les gouvernements?

«Probablement. Tout d’abord, comme je l’ai déjà souligné, les banques centrales ne sont pas au bout de leur action. Deuxièmement, tout le monde s’est jusqu’ici montré prudent. Donc, entre les gens qui conservent du cash comme les gérants et l’appétit pour le risque qui n’est pas à un niveau très élevé, il reste de la place pour de bonnes surprises.

Beaucoup d’activités qui ont été massacrées vont remonter la pente.

Alexis Bienvenugérant de portefeuilleLa Financière de l'Echiquier

Alors que les PIB des États sont en train de plonger partout dans le monde, les marchés remontent. Doit-on admettre qu’ils sont déconnectés de la réalité?

«On pourrait voir ça comme une déconnexion du monde réel. Il est clair que, par rapport au nombre de chômeurs, il y a déconnexion. Par contre, d’autres aspects fondamentaux, comme les achats pratiqués par les banques centrales, permettent ce mouvement. Elles permettent aux États de proposer des taux d’intérêt très bas et donc de s’endetter sans frais, parfois même à des taux négatifs. Tout ce processus entraîne des conséquences positives dans l’économie réelle. En s’endettant, les États établissent des plans de soutien qui, au final, portent l’économie réelle. Grâce à ces actions, la crise devrait être moins profonde et moins durable qu’elle n’aurait été si on n’avait rien fait. Cela, les marchés l’ont compris. En fait, les marchés semblent déconnectés, mais c’est surtout parce qu’ils ont anticipé un redressement plus rapide grâce aux actions prises rapidement pour combattre la crise. Ce n’est donc pas une déconnexion, plutôt une connexion qui ne se voit pas.

Face au déconfinement, doit-on s’attendre à un rebond en bourse pour certains secteurs?

«Oui, des secteurs comme l’hôtellerie, les voyages, les transports devraient remonter la pente. Mais ce sera long. La remontée s’amorcera à peine au cours de l’été. Comme ces actions ne valent plus très cher, on peut s’attendre à un rebond très important. Mais on ne le verra peut-être pas immédiatement. Il faut d’abord trouver des solutions pour permettre à ces entreprises de survivre alors qu’elles n’engrangent aucune rentrée. Mais ce sont des domaines qui pourraient être très prometteurs à un horizon de six mois. À encore plus longue échéance, on devrait aussi observer un rebond important pour le pétrole. Le déconfinement sera long, les stocks sont importants, mais des investissements sont aussi à l’arrêt à cause des prix trop faibles. Un jour, si l’activité reprend un rythme normal, on pourrait donc à nouveau connaître un problème d’offre. Beaucoup d’activités qui ont été massacrées vont remonter la pente.»