Isabelle Schlesser est directrice de l’Adem depuis 2013.  (Photo: Andrés Lejona/archives Maison Moderne)

Isabelle Schlesser est directrice de l’Adem depuis 2013.  (Photo: Andrés Lejona/archives Maison Moderne)

L’Adem ne cesse de devoir s’adapter à un marché du travail en constante mutation. Sa directrice, Isabelle Schlesser, revient sur les tendances à court et long terme et sur l’accélération numérique.

Comment la demande de main-d’œuvre a-t-elle évolué suite à la crise sanitaire?

– «On assiste plutôt à une baisse du volume des offres d’emploi depuis le début de la crise. À partir de mars 2020, la baisse a été très forte, mais sur les deux derniers mois [mars et avril 2021], près de 3.000 nouvelles offres d’emploi ont été déclarées chaque mois. Ce qui est une bonne tendance.

La situation est en réalité très différente d’un secteur à l’autre... En avril 2019, nous avions 600 offres d’emploi dans le secteur hôtelier. Maintenant, nous en avons 400, c’est vrai, mais il y a six mois, nous n’en avions presque aucune. Le secteur du commerce de détail n’est pas non plus comparable à ce qu’il était avant, mais des secteurs comme la construction sont vraiment en plein essor, ainsi que ceux de la santé et du nettoyage.

Le segment du chômage de longue durée semble avoir été particulièrement touché par la crise…

«Deux points délicats étaient en effet le chômage des jeunes et le chômage de longue durée. Mais quand on regarde les chiffres des jeunes chômeurs, la tendance est très positive. C’est toujours comme ça après une crise: au début, les jeunes souffrent, mais quand le marché repart, ce sont les premiers embauchés.

Les chômeurs de longue durée [inscrits depuis plus d’un an] représentent, pour leur part, la moitié de tous nos clients, soit plus de 9.000 personnes. C’est le chiffre le plus élevé que nous ayons jamais eu au Luxembourg... En tant que service public de l’emploi, c’est notre défi de proposer des mesures pour aider à développer l’employabilité, la formation, le coaching, pour ouvrir à nouveau des perspectives.

Les demandeurs d’emploi ont-ils de nouvelles exigences?

«Les demandeurs d’emploi ne sont pas des salariés classiques. D’un point de vue financier, c’est une situation très difficile. Vous n’avez aucune certitude sur l’évolution de la situation, combien de temps elle va durer, pas [ou moins] de ressources financières. Les gens deviennent stressés, se sentent impuissants, perdus, désespérés.

Une autre chose que nous voyons et qui est plus positive, c’est que les gens sont plus ouverts à changer de carrière... Nous avons, d’une part, à disposition des gens qui travaillaient dans des restaurants ou des hôtels et, d’autre part, nous avons une très forte demande de chauffeurs de bus. Certains se sont ouverts et ont dit: ‘Peut-être qu’être chauffeur de bus serait une bonne chose pour moi.’ Ces personnes ont l’habitude de travailler en équipe, d’avoir des contacts avec les clients, elles ont donc des compétences qui pourraient aussi être importantes en tant que chauffeurs de bus. Nous devons inciter les gens à se recycler parce que tout le monde sait que le marché du travail évolue très rapidement.

Les employeurs exigent-ils des ensembles de compétences différents?

«Des compétences numériques, bien sûr, mais aussi plus de soft skills, la capacité à s’adapter rapidement à de nouvelles situations. La situation est tellement incertaine pour les employeurs qu’ils ont besoin de salariés qui peuvent faire face à ça... Ils insistent également beaucoup sur des compétences en communication.

Comment l’Adem a-t-elle pivoté suite à la crise sanitaire?

«On est une entreprise comme une autre, donc ça nous a frappés de plein fouet, d’autant plus qu’on avait l’habitude de mettre l’accent sur les entretiens en présentiel, entre le demandeur d’emploi et le conseiller… Du coup, il a fallu tout revoir. On avait déjà prévu ça avant la pandémie, mais ça a accéléré la digitalisation. Maintenant, ça marche bien et c’est plus facile pour le conseiller et le client.

L’autre plus gros défi était le chômage partiel, dont nous gérons la partie financière. Mais maintenant, je pense que tous nos autres programmes de numérisation iront beaucoup plus vite que prévu.»

Cet article a été initialement publié dans l’édition imprimée de Delano de juillet 2021.