La Cour des comptes européenne appelle la Commission européenne à lancer une évaluation de l’adéquation du cadre existant du marché européen des fonds d’investissement avec les objectifs attendus. (Photo: ECA)

La Cour des comptes européenne appelle la Commission européenne à lancer une évaluation de l’adéquation du cadre existant du marché européen des fonds d’investissement avec les objectifs attendus. (Photo: ECA)

Pour la Cour des comptes européenne (ECA), les avantages du marché unique européen des fonds d’investissement se font attendre, principalement à cause des obstacles transfrontaliers qui n’ont pas su être surmontés.

L’audit du secteur des fonds d’investissement, . Et il est à penser que son contenu donnera du grain à moudre aux professionnels des fonds de la Place, qui se plaignent mezzo voce des difficultés à faire passer les frontières européennes aux fonds d’investissement et qui, depuis des années, craignent – et alertent – sur la renationalisation des marchés financiers au sein de l’UE.

Le constat? Pour la Cour des comptes européenne, «l’objectif d’un véritable marché unique des fonds d’investissement n’a pas été réalisé et les activités transfrontalières restent rares. La surveillance des fonds varie d’un État membre à l’autre, la protection des investisseurs demeure faible et le suivi des risques systémiques n’est pas satisfaisant.»

«L’objectif était qu’un marché des fonds d’investissement plus intégré multiplie les sources de financement pour les entreprises de l’UE tout en offrant aux investisseurs une meilleure protection et un choix plus large», rappelle Rimantas Šadžius, le membre de la Cour responsable de l’audit. Qui pointe du doigt «plusieurs faiblesses persistantes qui continuent à plomber les avantages offerts par l’environnement d’investissement de l’UE».

Une juxtaposition de marchés nationaux

Au premier rang de ces faiblesses, la Cour cite l’inexistence d’une véritable activité transfrontalière: «Dans la plupart des pays de l’UE, les fonds d’investissement sont distribués essentiellement sur le marché national.» En pratique, au mieux, les fonds européens sont distribués dans quatre ou cinq pays, guère plus.

Conséquence: nombre d’avantages attendus pour les investisseurs, comme une diminution des frais et un plus grand choix de placements, ne se sont pas encore concrétisés. «Les coûts restent élevés et varient considérablement d’un État membre à l’autre. Les obstacles à l’entrée sur le marché subsistent, ce qui signifie que les conditions de concurrence ne sont toujours pas équitables», relève la Cour. En précisant que certaines causes à ces problèmes, comme la fiscalité, ne peuvent pas être réglées par le droit de l’Union.

Et logiquement, l’offre n’est pas transparente pour les consommateurs. Si ces derniers sont désormais mieux informés que par le passé des risques, de la performance et des coûts des investissements, «il leur est toujours difficile de comparer les fonds disponibles dans l’ensemble de l’UE». Pire, certains abus comme les coûts indus liés à des pratiques de vente opaques ou les conseils peu objectifs d’intermédiaires financiers, qui les incitent à opter pour des produits ne correspondant pas à leurs besoins, restent difficilement sanctionnables. La Cour souligne également le risque d’écoblanchiment, favorisé actuellement par l’absence de toute réglementation.

Une surveillance européenne incohérente

Enfin, les auditeurs de la Cour des comptes européenne dénoncent un problème de cohérence et d’efficacité dans la surveillance des fonds.

L’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), l’agence de l’UE en charge de promouvoir la convergence en matière de surveillance, est jugée trop dépendante du bon vouloir des autorités nationales de surveillance et de la volonté de son propre conseil des autorités de surveillance pour obtenir des informations et est incapable de dire si la surveillance exercée dans les différents États membres est d’un niveau équivalent. Pas plus qu’elle ne peut déterminer si des progrès ont été réalisés dans la voie de la convergence en la matière.

Pour ce qui est de la surveillance systémique, la Cour relève que «jusqu’à présent, aucun inventaire des pratiques existant dans les États membres pour surveiller le risque systémique n’a été réalisé». 

Pour la Cour des comptes européenne, l’approche législative de la Commission est pour partie la cause de ces malfonctions. Et elle plaide pour que l’on ait moins recours à des directives qui prennent beaucoup de temps à être transposées et laissent trop de place aux interprétations nationales au profit de règlements. Et que la Commission lance une évaluation de l’adéquation du cadre existant avec les objectifs à atteindre.

Le rapport spécial 04/2022 «Fonds d’investissement: malgré les actions de l’UE, les investisseurs ne bénéficient pas encore d’un véritable marché unique» est disponible sur le internet de la Cour des comptes européenne.