Chaque année, Randstad mène une étude sur la marque employeur, à l’international et au Luxembourg. Pourquoi une telle démarche?
. – «Tous les ans, notre initiative Randstad Employer Brand Research évalue la notoriété et l’attractivité des 40 employeurs les plus importants du pays. De manière plus générale, en questionnant plus de 1.000 personnes actives au Luxembourg, elle entend identifier les éléments déterminants dans le choix d’un employé ou d’un candidat pour un employeur. Cette étude, toujours très attendue, offre des indications importantes pour les organisations qui cherchent à recruter, à renforcer leur attractivité.
Quels enseignements tirer des résultats de cette enquête?
«L’un des intérêts est de pouvoir établir une comparaison entre ce que les employeurs pensent être important pour attirer les profils et les attentes effectives exprimées par les employés. Pour ces derniers, notre dernière enquête révèle que les éléments qui priment pour qualifier l’employeur idéal sont, par ordre d’importance, l’attractivité du package salarial, la sécurité de l’emploi à long terme, un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle, une ambiance de travail plaisante et la santé financière de l’entreprise. L’intérêt pour le contenu de la fonction, par exemple, n’arrive qu’en septième position. Pour les employeurs, la perception de ce qui est important est différente. Ceux-ci placent la sécurité de l’emploi en première position, suivie par la santé financière, l’attractivité salariale, l’intérêt pour la fonction, la localisation de l’entreprise. L’équilibre entre vie privée et vie professionnelle n’arrive qu’en septième position.
Comment, au départ de ce constat, renforcer sa marque employeur?
«Lorsqu’on définit une politique salariale, ces éléments doivent être pris en compte. Si l’on veut être attractif, il faut autant que possible parvenir à aligner ce qu’offre l’entreprise et les attentes des candidats. De manière plus globale, il y a lieu aussi de travailler sur la perception de l’entreprise que peuvent avoir les employés, les candidats et le marché de l’emploi dans son ensemble. Une organisation peut offrir des avantages importants, au-delà du salaire, sans que cela soit perceptible ou suffisamment mis en valeur. L’enjeu est de pouvoir valoriser ces divers éléments, selon les forces et faiblesses de l’entreprise, pour améliorer la perception que le marché en a.
Si l’on veut être attractif, il faut autant que possible parvenir à aligner ce qu’offre l’entreprise et les attentes des candidats.
La question du télétravail est aujourd’hui beaucoup discutée. Au Luxembourg, avec une force de travail qui compte de nombreux frontaliers, confrontés à des limites fiscale et sociale liées au travail à distance, comment la pratique évolue-t-elle?
«La dernière édition de l’étude s’est intéressée plus particulièrement à cet aspect. On constate, sur les trois dernières années, un recul du recours au télétravail. En 2023, 30% des salariés travaillent encore partiellement en télétravail, contre 50% en 2021. Si ce recul est important, une majeure part de la population active continue de travailler régulièrement à distance. La pratique du télétravail va perdurer. Les candidats souhaitent pouvoir en profiter. Les employeurs doivent donc intégrer cette possibilité, en définissant un cadre.
Dans le marché de l’emploi actuel, marqué par une pénurie structurelle de talents, dans quelle mesure est-il essentiel d’investir dans sa marque employeur?
«Comme vous le dites, les compétences sont très disputées. On assiste à une réelle guerre des talents. Au second semestre 2022, celle-ci semble s’être intensifiée, notamment avec des recrutements réalisés en mobilisant des packages salariaux hors norme. Il y a un danger à céder à la surenchère. Notre enquête, notamment, interroge le panel sur les principales raisons qui pousseraient les salariés à quitter leur employeur. Arrivent en tête, ex æquo, «une proposition qui ne se refuse pas», à travers laquelle se traduit cette dynamique de surenchère, et «la possibilité d’améliorer son équilibre entre vie professionnelle et vie privée». Vient ensuite un ensemble d’éléments, comme «la réduction du temps de trajet», «une perte d’intérêt dans sa fonction actuelle», «un manque de perspective d’évolution».
L’étude s’intéresse aussi à la manière avec laquelle les personnes actives trouvent de nouvelles opportunités. Que peut-on en dire?
«Pour les personnes à la recherche active d’un emploi, les canaux traditionnels, notamment les job boards, restent des canaux privilégiés. Cependant, le réseau personnel est privilégié par celles et ceux qui s’ouvrent à de nouvelles opportunités. Les relations personnelles constituent l’un des moyens les plus efficaces pour trouver un emploi. Les réseaux sociaux sont utilisés par une personne sur trois pour la recherche d’un emploi.
Si vous deviez formuler des recommandations aux organisations confrontées à des enjeux importants de recrutement, que leur diriez-vous?
«Comme je l’évoquais au début, il faut avoir conscience que les attentes des travailleurs à l’égard de l’employeur ont évolué, comme leur rapport au travail. Aujourd’hui, les salariés, et notamment les plus jeunes, sont sensibles à d’autres aspects. Il est difficile de leur demander d’être engagés totalement vis-à-vis de leur emploi, de faire des heures supplémentaires dans la perspective de bâtir une carrière. L’équilibre entre engagement professionnel et épanouissement personnel est plus important à leurs yeux, tout comme l’ambiance de travail, la diversité et l’inclusion. Cela ne veut pas dire que ces personnes souhaitent moins travailler, au contraire. Ce qu’elles attendent, plus qu’un salaire, c’est un projet et un environnement dans lesquels elles trouveront à s’épanouir.
Dans un marché de l’emploi dynamique, où les candidats ont l’embarras du choix, la marque employeur est un élément important.
Renforcer sa marque employeur est donc essentiel. Mais, concrètement, sur quels éléments travailler?
«Les entreprises doivent avant tout adapter leur message, développer un discours qui parle à leurs collaborateurs comme aux futurs candidats. Dans un marché de l’emploi dynamique, où les candidats ont l’embarras du choix, la marque employeur est un élément important. L’enjeu est de renforcer son attractivité, de se positionner comme un employeur pour qui l’on a envie de travailler. C’est cependant un travail de longue haleine, qui doit être mené à la fois en interne et vis-à-vis de l’extérieur.
Quand on regarde les sociétés les plus attractives au Luxembourg, ce sont des organisations qui mobilisent des moyens importants pour se rendre visibles et renforcer leur notoriété à travers divers canaux. Elles affichent leurs valeurs vis-à-vis de l’extérieur tout en veillant à les faire vivre en interne, faisant de leurs employés des ambassadeurs de leur marque. Ce travail, s’il doit être mené, n’est cependant pas évident. Au cœur d’une entreprise, en effet, plusieurs générations, avec des attentes différentes, doivent cohabiter. Tout l’enjeu, à travers la culture d’entreprise, est de parvenir à rassembler autour d’un projet, en répondant aux souhaits de chacun.
Nous avons largement évoqué l’exigence pour chaque entreprise de renforcer son attractivité. Mais, in fine, l’attractivité des acteurs ne dépend-elle pas aussi de celle de l’ensemble de l’écosystème économique luxembourgeois?
«La question de l’attractivité du Luxembourg est aussi importante. Les acteurs économiques en dépendent. On se rend compte, à ce sujet, que la situation est plus complexe aujourd’hui qu’il y a quelques années. Le logement est plus difficilement accessible. Les temps de trajet s’allongent. L’inflation, notamment au niveau des coûts de l’énergie, fait que les travailleurs calculent davantage l’opportunité de parcourir chaque jour des distances parfois importantes pour se déplacer. Au niveau des pays limitrophes, on voit de nouvelles opportunités d’emploi émerger. Les limitations liées au télétravail sont également un frein. Il faut apporter des réponses à ces enjeux, mais aussi travailler sur la marque employeur du pays. Le Luxembourg, ne l’oublions pas, a de nombreux atouts à faire valoir, liés à ses prestations sociales notamment, et à la qualité de son environnement.
Quelques chiffres à retenir de la dernière étude
42%
C’est le taux de personnes interrogées qui affirment qu’une offre financière attrayante pourrait les inciter à changer d’employeur.
32%
Le facteur du temps de trajet préoccupe. Près d’un tiers des sondés déclarent qu’ils seraient prêts à quitter leur emploi en raison de la durée de leur trajet quotidien entre leur domicile et leur lieu de travail. L’étude indique que le télétravail est pratiqué par près d’une personne sur trois (30%).
12%
Côté rétention des talents, ce sont 12% des sondés qui ont l’intention de changer d’emploi dans les six prochains mois.
Cette interview a été rédigée pour l’édition magazine de e, disponible en kiosque dès ce 12 juillet. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.
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