Marc Kieffer: «Une multitude de nouvelles compétences sont nécessaires dans le cadre de la transition énergétique.» (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Marc Kieffer: «Une multitude de nouvelles compétences sont nécessaires dans le cadre de la transition énergétique.» (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

L’industrie luxembourgeoise subit de plein fouet la transition écologique et la transformation digitale. Dans ce contexte, quels seront les emplois et les qualifications de demain? Marc Kieffer, secrétaire général de la Fedil, apporte un éclairage sur la question.

Les entreprises de l’industrie luxembourgeoises sont-elles encore créatrices d’emploi?

Marc Kieffer. – «Dans l’ensemble, le taux de création d’emploi reste supérieur au taux de remplacement. Toutefois, il est nécessaire que les entreprises réfléchissent aux compétences dont elles ont besoin lorsque des postes deviennent vacants suite à des départs à la retraite ou des démissions. Elles en profitent alors pour adapter leurs effectifs à leur ­projet de développement et aux adaptations nécessaires dans l’entreprise. En raison de deux impératifs majeurs, à savoir la transformation digitale et la transition énergétique, de nouveaux postes et profils sont recherchés. Cela nécessite une adaptation profonde des compétences dans de nombreux secteurs de l’industrie.

Vous avez des exemples?

«Prenons le secteur du bâtiment et du parachèvement: une multitude de nouvelles compétences sont nécessaires dans le cadre de la transition énergétique, comme l’isolation, l’installation de pompes à chaleur et les systèmes photovoltaïques. Cela nécessite l’adaptation des compétences techniques traditionnelles. Il en va de même pour les entreprises industrielles qui doivent être moins énergivores, ce qui implique des investissements majeurs. Par ailleurs, dans l’industrie automobile, le moteur à combustion sera progressivement remplacé par un moteur électrique, nécessitant une réadaptation des compétences.

Qu’en est-il du facteur de changement amené par la digitalisation de l’industrie?

«Avec la transformation digitale, l’auto­matisation et la digitalisation se renforcent. De ce fait, les fonctions de base se transforment de plus en plus en fonctions de surveillance et de maintenance.

C’est un défi pour les employés en milieu de carrière qui doivent faire évoluer leurs compétences… 

«C’est en effet un enjeu de taille, et cela nécessite des efforts considérables de la part des entreprises et des services publics. Les entreprises, en particulier, ont tout intérêt à tenter de conserver leurs salariés en place lorsqu’elles subissent des transformations. Elles doivent donc investir massivement dans le reskilling et l’upskilling de leurs employés pour assurer leur survie.

Les niveaux de formation exigés par les entreprises industrielles

La demande de diplômés issus du programme de formation professionnelle DAP est en forte hausse, ce qui en fait de loin la formation la plus recherchée par les entreprises industrielles au Luxembourg. (Source: Fedil)

La demande de diplômés issus du programme de formation professionnelle DAP est en forte hausse, ce qui en fait de loin la formation la plus recherchée par les entreprises industrielles au Luxembourg. (Source: Fedil)

En même temps, on remarque que les formations menant à des diplômes d’aptitude professionnelle (DAP) ont le vent en poupe. 

«Le DAP est de plus en plus valorisé, mais il faut veiller à ce qu’il puisse suivre l’évolution des besoins de l’industrie. Les profils recherchés évoluent, avec une demande croissante pour des profils techniques et des qualifications plus élevées. À l’avenir, les besoins pourraient se déplacer vers des formations de techniciens, des BTS ou des bachelors. En outre, lorsqu’on remplace des employés, il est important de considérer l’évolution de la valeur des diplômes. Si vous prenez quelqu’un qui a effectué un apprentissage il y a plusieurs années, cette personne a dû continuellement mettre à jour ses compétences.

Faut-il donc davantage promouvoir les formations BTS?

«Il est essentiel de noter que les formations BTS, bien qu’elles aient été conçues en fonction des besoins des entreprises, sont malheureusement peu connues des étudiants. C’est regrettable, car il y a un besoin important pour ces profils.

Si les besoins en BTS sont amenés à s’accroître, comment s’assurer qu’un diplômé d’un DAP puisse poursuivre sa formation vers un BTS? 

«Grâce au processus de Bologne, il est prévu que des passerelles existent entre les niveaux inférieurs pour permettre une progression à la fois au sein de l’entreprise et en termes de compétences. De plus, l’accent est mis sur la validation des acquis de l’expérience, qui, à mon avis, est une voie encore sous-utilisée pour permettre aux employés de valider un certain nombre de compétences sur la base de leur expérience. De plus, je crois que la capacité de disposer de diplômes correspondant à un certain nombre de compétences est un point crucial.

Les fonctions de base se transforment.
Marc Kieffer

Marc Kieffersecrétaire généralFedil

Des années d’expérience ne compensent-elles pas certains diplômes? 

«Si. Chaque individu doit rester ouvert à l’évolution et à son environnement de travail. Dans le contexte actuel de transition énergétique, si le responsable financier indique à l’ingénieur qu’il doit réaliser des économies en termes de coûts énergétiques, ce dernier doit travailler avec les finances pour trouver une solution. Autrement dit, la formation et le diplôme ne sont que le ticket d’entrée. Après cela, il est nécessaire d’évoluer, non seulement dans son propre domaine de compétences, mais aussi dans tous les autres domaines de compétences. Même si une personne n’a pas le diplôme le plus élevé, si elle possède les compétences nécessaires, cela vaut beaucoup plus qu’un diplôme détenu.

Avec la digitalisation et la décarbonisation de l’industrie, des entreprises font face à des restructurations. Qu’existe-t-il pour les accompagner dans cette phase? 

«Il existe tout un cadre pour aider les entreprises qui doivent, en vue de leur restructuration, se séparer de certains de leurs employés. Des efforts significatifs ont été entrepris par l’Agence pour le développement de l’emploi (Adem), notamment en formant les demandeurs d’emploi avec les compétences requises par le marché. Cette démarche est encapsulée dans l’initiative Skills for Jobs, où les demandeurs d’emploi bénéficient d’une amélioration et d’une réorientation de leurs compétences en fonction des besoins du marché. Récemment, l’Adem a également créé un service dédié à l’accompagnement des employés toujours en poste, mais qui nécessitent une préparation en vue d’éventuels changements. C’est une innovation notable, car jusqu’à présent, elle ne pouvait intervenir qu’une fois les personnes inscrites comme demandeurs d’emploi. Avec ce nouveau service, les salariés peuvent bénéficier d’une préparation préalable et d’une mise à niveau pour être prêts à se réinsérer sur le ­marché de l’emploi dès leur départ de l’entreprise.»

L’importance de l’orientation professionnelle

Aujourd’hui, la situation de l’orientation professionnelle a évolué, avec des institutions comme la Maison de l’orientation. «Il est essentiel que ces services traduisent les résultats de nos enquêtes et montrent les professions d’avenir, souligne Marc Kieffer. Notre initiative HelloFuture a pour but d’intéresser les jeunes aux métiers techniques en leur offrant une expérience concrète via une plateforme de stages. Il est crucial de montrer ce que l’on fait dans ces métiers», ajoute le secrétaire général de la Fedil, insistant sur l’importance de l’expérience personnelle dans le choix d’une carrière.

Cette interview a été rédigée pour l’édition magazine de , disponible en kiosque dès ce 12 juillet. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

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