Pour la première fois depuis 17 ans, Jean Asselborn a bloqué un texte européen dans l’intérêt des valeurs européennes. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Pour la première fois depuis 17 ans, Jean Asselborn a bloqué un texte européen dans l’intérêt des valeurs européennes. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a réussi un tour de force au Conseil européen des ministres de l’Intérieur de l’UE sur la question afghane.

Au sein de la diplomatie européenne, le Luxembourg n’est pas réputé pour être un État membre aimant ralentir les dossiers. Mais lundi, (LSAP) n’a pas eu d’autre choix que de bloquer une ébauche d’un texte européen sur la stratégie à adopter dans le dossier de l’accueil des migrants afghans. «C’est la première fois depuis 17 ans que je procède de telle manière. C’est nouveau pour moi et je n’ai en effet pas pour habitude de bloquer une déclaration de l’Union européenne. Je peux dire que je découvre la pression que cela engendre», livre le ministre des Affaires étrangères à Paperjam en revenant de Bruxelles.

En marge, mardi, de la réunion exceptionnelle des ministres de l’UE sur la question des migrants qui ont fui l’Afghanistan, Jean Asselborn a clairement donné le ton. «J’espère qu’il va y avoir une résistance à Sebastian Kurz, chancelier fédéral d’Autriche, et à Janez Janša, président de Slovénie, tous deux clairement et définitivement en phase avec Orban, Salvini et Le Pen. Ils rejettent tous la solidarité humaine directe dans ce contexte extrêmement dramatique pour les victimes de la torture en Afghanistan», a aussi déclaré le ministre des Affaires étrangères .


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Encore traumatisés par la gestion de la crise des migrants en 2015, les États membres sont très divisés sur la question de l’accueil. L’Autriche, la Slovénie ou encore la Hongrie se sont déjà clairement positionnées en défaveur d’une ouverture de l’Union européenne. En coulisse, plusieurs pays européens semblent partager cette même crainte. Mais Jean Asselborn a usé de tout son poids et de son expérience diplomatique pour réussir à ouvrir une porte.

«J’avais l’option de m’appuyer sur la soulignant qu’il fallait tout mettre en œuvre pour assurer les engagements de réinstallation de tous ceux qui en ont besoin, surtout les filles, les femmes, les anciens juges, les défenseurs des droits de l’Homme ou toute autre personne menacée en Afghanistan. Mais certains États membres considèrent que le G7, ce n’est pas l’Union européenne, ce qui est faux. Ma deuxième option était de convaincre la Commission européenne et la commissaire Ylva Johansson de convoquer au mois de septembre un forum de haut niveau pour mettre en œuvre les engagements pris à la réunion du G7», explique le ministre.

Jean Asselborn a donc obtenu un second round dans l’espoir de voir les États membres retrouver le chemin de la solidarité. «Si le Canada, le Royaume-Uni ou les États-Unis prennent des engagements fermes, l’Europe ne peut pas rester divisée. Nous avons une obligation morale d’aider ceux qui tiennent à nos valeurs; nous ne pouvons pas les abandonner», poursuit le ministre Asselborn.

Après la manœuvre, plusieurs capitales européennes ont félicité, en coulisse, le ministre luxembourgeois pour son initiative.

Entre quatre yeux, j’ai dit au ministre autrichien de faire attention à ce qu’il fait.
Jean Asselborn

Jean Asselbornministre des Affaires étrangères et européennes Luxembourg

«Ce n’est pas la panacée, je n’ai rien fait d’énorme, mais c’est au moins un espoir. L’Union européenne peut dire que l’on a ouvert la porte. J’ai fait cette manœuvre, car j’ai senti que je ne pouvais pas laisser passer ça. Une personne qui vient d’Afghanistan voit le Royaume-Uni annoncer 20.000 places et rien du côté de l’Union européenne. Ce serait terrible et c’est pour cela que j’ai agi», ajoute Jean Asselborn.

Le ministre Asselborn rappelle également que l’Union européenne doit rester fidèle à ses valeurs en faisant preuve de solidarité avec le peuple afghan, meurtri par les guerres et les persécutions.

Toujours en coulisse, il espère faire avancer les valeurs européennes sur la question afghane. «Entre quatre yeux, j’ai dit au ministre autrichien de faire attention à ce qu’il fait. S’il ne veut rien faire et qu’il ne veut pas accepter de gens, d’accord. Mais qu’il ne bloque pas d’autres pays, qu’il ne bloque pas l’initiative européenne. Je lui ai dit que sa stratégie était mauvaise tant pour l’Autriche que pour l’Union européenne. Le premier réflexe d’un pays face à un problème humanitaire aussi important ne peut pas être ‘surtout, pas de réfugiés chez nous’», conclut le ministre socialiste.