Il y a trois ans, le magnat des télécoms égyptien Naguib Sawiris a investi la moitié de sa fortune dans l’or. Aujourd’hui, à la tête de La Mancha au Luxembourg, il veut aller plus loin. (Photo: Nader Daoud / World Economic Forum)

Il y a trois ans, le magnat des télécoms égyptien Naguib Sawiris a investi la moitié de sa fortune dans l’or. Aujourd’hui, à la tête de La Mancha au Luxembourg, il veut aller plus loin. (Photo: Nader Daoud / World Economic Forum)

La Mancha, holding luxembourgeoise du milliardaire égyptien Naguib Sawiris, a lancé cette semaine un nouveau fonds d’investissement à 1,5 milliard de dollars depuis le Luxembourg. Officiellement, pas pour devenir l’actionnaire principal d’une nouvelle mine d’or à 1,8 milliard de dollars.

«La création d’un fonds est la conséquence naturelle de ce que nous faisons depuis que nous avons vendu nos actifs dans Evolution et Endeavour en 2015. Passer à une structure de fonds et accueillir de nouveaux investisseurs arrive à point nommé lorsque nous voyons des opportunités dans un secteur de l’exploitation aurifère qui est fragmenté et doit encore être consolidé. La Mancha Capital Advisory sera appuyé par un comité consultatif que je présiderai et qui comprendra un nombre de personnalités bien connues du secteur minier, dont plusieurs ont déjà conseillé et travaillé auprès de La Mancha.»

Lundi, au beau milieu de l’été, le milliardaire égyptien Naguib Sawiris, 956e fortune mondiale selon Forbes et propriétaire, par exemple, de 88% d’Euronews, annonce lui-même la création de son nouveau fonds d’investissement. La Mancha Fund SCSp est doté de «tous les assets des mines d’or de La Mancha, ainsi que d’un investissement de 100 millions de dollars d’un partenaire stratégique qui investit désormais aux côtés de la famille Sawiris. À ce jour, le fonds est investi au-delà de 1,4 milliard de dollars d’actifs et évalue un certain nombre de nouvelles opportunités. Il sera, en temps utile, ouvert à d’autres investisseurs qualifiés», .

Ces assets stratégiques sont les trois participations que détient la holding luxembourgeoise:

- 19,3% d’Endeavour Mining, acquis en majorité le 30 mars dernier pour 200 millions de dollars. Endeavour, producteur d’or d’Afrique de l’Ouest qui exploite quatre mines en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, est entré dans le top 10 des producteurs d’or mondiaux à la faveur de deux fusions;

- 33,4% de Golden Star, acquis en mars 2020 via une autre société luxembourgeoise, La Mancha Investments, pour 126 millions de dollars. La société canadienne exploite la mine d’or de Wassa au Ghana et a publié ce jeudi ;

- 35,1% d’Altus Strategies, acquis pour environ 9 millions de dollars en février 2020. Cette société a remporté en février 2021 un appel d’offres international pour quatre offres (neuf blocs à explorer), lancé par l’Autorité égyptienne des ressources minérales (EMRA), via sa filiale détenue à 100%, Akh Gold. Quatre contrats sur dix mis en vente lors du premier Mining Day égyptien pour 11 millions de dollars, .

Outre les 56.000 kilomètres carrés de concessions que l’Égypte finira d’attribuer d’ici septembre, le gouvernement cherche un repreneur privé pour la Shalateen, société publique assise sur 1 million d’onces d’or. Officiellement, les négociations avec Naguib Sawiris ont été interrompues à l’automne. (Photo: EMRA)

Outre les 56.000 kilomètres carrés de concessions que l’Égypte finira d’attribuer d’ici septembre, le gouvernement cherche un repreneur privé pour la Shalateen, société publique assise sur 1 million d’onces d’or. Officiellement, les négociations avec Naguib Sawiris ont été interrompues à l’automne. (Photo: EMRA)

Shalateen, le gisement à 1,8 milliard de dollars

La création du fonds coïncide avec l’appel d’offres de l’État égyptien pour exploiter des blocs à l’ouest du Nil, appel d’offres qui s’est déjà traduit par une quinzaine de contrats. Les autres seront connus à la mi-septembre, l’Égypte souhaitant non seulement engranger des dollars, mais aussi susciter jusqu’à un milliard de dollars d’investissements d’ici 2030.

Il serait étonnant que le milliardaire égyptien ait renoncé à un autre projet «pharaonique»: prendre le contrôle de la mine de Shalateen, en Égypte aussi. Ce gisement, qui abriterait jusqu’à un million d’onces d’or, est détenu à 35% par l’Autorité égyptienne des ressources minérales, à 34% par l’Organisation des projets de service national du ministère de la Défense, à 24% par la Banque nationale d’investissement et à 7% par la Compagnie égyptienne des ressources minérales. 

La concession à 1,8 milliard, au prix de l’once d’or, entre-t-elle toujours dans les plans de La Mancha? Seulement si l’on considère Shalateen comme une «jeune société» publique d’un point de vue juridique, puisqu’elle a été créée pour protéger le site en attendant de le donner pour une exploitation à une plus large échelle. Après l’interruption annoncée des négociations à l’automne dernier, le communiqué officiel de la holding luxembourgeoise dit qu’elle s’intéresse plutôt aux «jeunes sociétés capables de créer de la valeur d’ici trois à cinq ans» en respectant trois axes:

- promouvoir l’amélioration de l’efficacité opérationnelle en rationalisant la base de coûts, améliorer les capacités de gestion si nécessaire, optimiser la durée de vie des plans miniers, accroître l’efficacité des usines et renforcer les plans d’action ESG;

- aider à débloquer des opportunités de croissance organique et de création de valeur en définissant des plans d’exploration à long terme, le développement d’actifs et la construction de nouvelles mines, et l’augmentation du débit des usines;

- favoriser et soutenir les opportunités de croissance externe via des acquisitions, de la consolidation régionale et l’exploration de fusions avec des acteurs plus importants.

En novembre dernier, «La Mancha a signé un ‘accord de manifestation d’intérêt’ avec le gouvernement du Nigéria, un endroit que Sawiris considère comme ayant des ressources aurifères potentielles», écrit Miningmx. «Il pense également que le Soudan et le Soudan du Sud offrent un potentiel énorme.»

En 2018, le magnat des télécoms avait investi la moitié de sa fortune – de près de six milliards de dollars à l’époque – dans l’or, jugeant que la valeur connaîtrait un pic de consommation et serait toujours une valeur refuge de premier plan en cas de crise. Selon le Conseil mondial de l’or, ce jeudi, le métal jaune n’a toujours pas retrouvé ses niveaux d’avant-pandémie, même si les banques centrales ont acheté 200 tonnes d’or de plus au premier semestre et si les fonds en ETF ne semblent pas être aussi gourmands que ces dernières et que les consommateurs en bijoux.

«Même si les ETF ne répéteront probablement pas la performance record de 2020, le besoin de couvertures de risque efficaces et l’environnement continu de taux bas confortent notre point de vue selon lequel les investisseurs augmenteront leurs allocations stratégiques tout au long de l’année», prédit Louise Street, analyste principale des marchés au World Gold Council. Les stratégies «sans limite» des États face à la pandémie et la hausse de l’inflation vont forcément avoir des conséquences sur l’or. Un jour ou l’autre.