L e Board d'ICF Luxembourg Crédit : ICF

L e Board d'ICF Luxembourg Crédit : ICF

Le manager-coach est-il la réponse aux besoins de l’entreprise du XXIe siècle? Est-ce un n-ième effet de mode comme le manager-leader au siècle dernier? Ou un autre nom donné au servant leader apparu dans les années 1970 et revenu en grâce avec les méthodes agiles dans les années 2000?

Rassurons-nous en relisant Henry Mintzberg : Managers deal with different issues as time moves forward, but not with different managing1. Rappelons-nous ensuite que, si le coaching est l’art de poser des questions puissantes afin que le coaché trouve ses propres réponses, Socrate le pratiquait déjà il y a 2500 ans.

Si les deux rôles ne sont pas nouveaux, l’expression manager-coach entretient une ambigüité. Quand un manager donne à un collaborateur un feedback sur un dysfonctionnement, qui parle ? Le coach qui veut aider son collaborateur à faire évoluer ses pratiques de travail pour faire mieux la prochaine fois ? Ou le supérieur hiérarchique qui veut corriger rapidement un problème de qualité ? Et laquelle de ces deux faces sera perçue par le collaborateur ? C’est bien le supérieur qui lui demande cet entretien « de recadrage », et le coach qui pourra éventuellement prendre le relai.

Le manager pourra ainsi, parmi différentes approches possibles, adopter  un mode « pull » pour obtenir (« tirer ») l’engagement de son collaborateur sur des actions que ce dernier aura lui-même proposées, plutôt qu’un mode « push » pour amener (« pousser ») celui-ci  à se conformer à une demande d’amélioration. Cette posture facilitera chez le collaborateur des prises de conscience par rapport aux faits concernés : « que s’est-il passé ? Que penses-tu de la manière dont la tâche a été réalisée ? », à leurs impacts : « quels ont été les effets pour l’équipe, l’organisation, le client ? », à sa part de responsabilité : « quel était ton rôle au-delà de celui des autres ? » et aux actions possibles : « comment pourrais-tu t’y prendre la prochaine fois ? ». S’il adopte cette posture chaque fois que la situation le permet, le manager pourra progressivement développer l’autonomie et le sens des responsabilités au sein de son équipe.

En pratiquant ce type de questionnement, en écoutant son collaborateur, en recherchant chez lui une prise de conscience, en faisant sortir des solutions de son collaborateur,  le manager se mettra dans une posture similaire à celle d’un coach durant une séance de coaching. À ceci près que le cadre en place n’est pas celui d’une relation à parité égale entre un coach et un coaché qui demande à l’être, mais une relation de dépendance mutuelle, avec un rapport de pouvoir plus ou moins fort selon la culture de l’organisation.

Le rôle de coach repose sur la mise en œuvre d’une méthode ainsi que de techniques d’écoute et questionnement (le « hard ») dont la maîtrise requiert des qualités d’intelligence émotionnelle et relationnelle (le « soft »). Dans cette posture, le manager doit faire preuve vis-à-vis de son collaborateur d’une bienveillance et d’une empathie authentiques,  qui ne découlent pas du seul effet de sa volonté. Sous l’influence de son propre système de croyances et de valeurs, et de ses biais inconscients, il n’est en effet pas toujours facile et naturel pour un manager de considérer sincèrement son collaborateur comme un potentiel à développer plutôt qu’une source de problèmes.

Le succès de l’entretien dépendra donc des compétences sociales du manager pour créer les conditions propices à l’ouverture de son collaborateur, en établissant un climat de confiance et d’intimité. Ce qui n’est pas évident dans un cadre imposé ou entre deux personnes qui se reverront pour l’entretien annuel de fin d’année. L’issue de l’entretien dépendra de sa capacité de présence pour écouter activement et comprendre ce que dira – et ne dira pas – le collaborateur, notamment ses contraintes de travail, ses besoins insatisfaits et ses émotions. Il devra poser des questions suffisamment « puissantes », dans le cadre d’une communication directe, pour provoquer une prise de conscience sans laquelle le collaborateur  ne pourra pas s’engager pleinement dans la conception d’actions et la gestion de son progrès, en prenant toute la part de responsabilité qui lui revient.

Toutes ces compétences sont celles d’un coach. Comme pour le management d’équipe, elles ne s’apprennent pas dans les livres mais se développent par la pratique et l’expérience, dans le respect d’un cadre éthique. Elles sont reprises dans la liste des 11 compétences-clés définies par la fédération internationale de coaching (ICF), qui, associées à un code de déontologie, servent de référentiel pour former et certifier des coaches dans le monde entier.

S’il est  difficile de concilier un rôle de supérieur hiérarchique avec un rôle de coach, un manager a intérêt à élargir sa palette de postures managériales en développant des compétences en coaching. Toutefois, de même que le rôle du manager vis-à-vis d’un collaborateur s’arrête là où commence celui du médecin du travail, de l’assistante sociale ou du psychologue, le manager doit rester vigilant sur les limites de l’exercice de coaching interne en entreprise. À cette condition, il pourra favoriser par des postures régulières de coaching le développement et l’engagement des membres de son équipe.

Simply Managing1