Le transport et la logistique se trouvent en transitions. Transition à la tête du cluster dédié au secteur, puisque au 1er octobre, . Transition dans l’activité, avec une chute de la demande qui suit le boom de la pandémie. Et transition politique, le prochain gouvernement avec lequel l’organisation professionnelle devra échanger étant encore
Daniel Kohl, comment s’est passé votre premier mois à la tête du Cluster for Logistics?
Daniel Kohl. – «J’ai eu 29 réunions, entre l’intégration et les échanges avec différents membres.
Malik Zeniti. – «Il a été bien accepté par le secteur. Avec une vingtaine d’années d’expérience, il sait parler concret, détail, il connaît les prix, les problématiques…
Et pour vous, Malik Zeniti, comment se passe la transition?
M.Z. – «Nous avons décidé de travailler ensemble pendant trois mois. Je vais ensuite continuer à m’occuper des sujets concernant la politique de transport au niveau de l’Union européenne.
Quelles sont vos attentes du prochain gouvernement?
M.Z. – «Une meilleure coordination entre les ministères pour s’accorder sur les priorités. D’un côté, le ministère de la Mobilité s’occupe des transports, de l’autre, celui de l’Économie cherche à attirer des entreprises. Mais on manque de collaboration. Un commissaire au transport, plutôt qu’à la mobilité, permettrait de donner davantage de visibilité au fret. L’industrie et le commerce vivent du transport. On le voit très bien, puisqu’ils connaissent un ralentissement.
Même la vente par correspondance diminue après des années de forte croissance. Le transport et la logistique perdent en vitesse de croisière et gagnent en volatilité alors que les coûts d’approvisionnement ont augmenté. Depuis 2016, nous nous battons aussi pour que la zone industrielle de Contern soit mieux connectée à l’autoroute. Nous espérons que le prochain ministre des Transports (de la Mobilité ndlr) soit plus rapide à ce sujet.
Nous ne sommes plus dans un mode de croissance.
Comment peut-on quantifier la baisse de la demande et de la rentabilité, alors que l’Institut luxembourgeois de régulation (ILR) communiquait, il y a quelques jours, sur une hausse de 11% du chiffre d’affaires des colis en 2022?
D.K. – «Il faut attendre pour avoir une image plus claire. Les deux derniers mois de l’année sont les plus importants. On sent une petite augmentation de l’e-commerce. Le reste est stagnant.
M.Z. – «Dans l’industrie, de grandes entreprises ont arrêté leurs usines à cause de la hausse du coût de l’énergie, comme BASF en Allemagne. On voit des diminutions de 10 à 15% (). Il est clair que nous ne sommes plus dans un mode de croissance, même si certains sous-secteurs ont toujours une activité intéressante. On se prépare à une année 2024 moins simple, où il faudra aller chercher des clients plus loin, faire des compromis avec les coûts de l’énergie, et ceux de la transition énergétique qui s’ajoutent.
Le Luxembourg prend en charge 40 à 60% du surcoût pour l’achat d’un véhicule électrique, plafonné à 300.000 euros. Une aide que vous jugez insuffisante…
M.Z. – «L’Allemagne prend en charge jusqu’à 80% et ne limite pas à 300.000 euros. Une entreprise comme Arthur Welter avec une flotte de plusieurs centaines de véhicules doit négocier par camion unique, alors que normalement, c’est une cinquantaine à chaque achat. Les moyens ne sont pas en ligne avec les ambitions, de réduire de 56% les émissions de CO2 d’ici 2030. Une autre mesure très pragmatique, ce sont les camions longs (de 25,25 mètres ) Ils permettraient de diminuer de 20 à 25% nos émissions de CO2 et d’épargner en nombre de chauffeurs, pour économiser 60 à 80.000 euros, d’après nos calculs. (.)
Où en est-on des objectifs de réduction des émissions dans votre secteur?
M.Z. – «Le Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC) n’a été finalisé que récemment, après maintes négociations (il a été). Nous ne savons pas comment nos acteurs du transport peuvent diminuer de moitié leurs émissions, quand des possibilités comme les camions longs ne sont pas permises. Concrètement, nous connaissons deux camions électriques au Luxembourg. En Allemagne, une entreprise de location de camions à hydrogène, filiale d’une compagnie d’assurance (Hylane, filiale de DEVk, ndlr), vient de recevoir 25 millions d’euros de l’État allemand. Il serait intéressant de chercher des solutions avec les fonds d’investissement au Luxembourg pour minimiser le risque. La Société nationale de crédit et d’investissement (SNCI) pourrait aider. Le Cluster for Logistics serait content si, d’ici trois ans, on avait 200 camions à émission basse au Luxembourg.
À quel point les aides actuelles sont-elles utilisées?
M.Z. – «Il n’y a pas d’entreprise à ce qu’on sache. Il y a un intérêt pour les bornes.. On espère que d’autres se développent pour que, s’il y a un problème technique dans une station, on puisse se charger sur une autre. Au fur et à mesure, la législation européenne en exigera de plus en plus, ce qui va aider la transition énergétique du secteur.
Y a-t-il des camions à hydrogène au Luxembourg?
M.Z. – «Nous n’en connaissons pas. Une entreprise allemande a l’intention d’en acheter un, pour des transferts germano-luxembourgeois.
L’autre grand défi du secteur est la digitalisation…
D.K. – «La pandémie a déclenché un passage du modèle du “juste à temps” à “juste au cas où” (augmentation des stocks, ndlr). Les entreprises ont besoin de résilience pour résister aux perturbations et tirer parti de l’évolution de la situation. La numérisation sera l’une des priorités des chargeurs, c’est un investissement à long terme. Les organisations transforment leur réseau en écosystème numérique connecté, évolutif et agile. C’est le big data et l’analytique, pour avoir une meilleure prévisibilité sur les événements.
L’usine intelligente, le commerce électronique et les livraisons juste à temps exigent la transparence de la chaine d’approvisionnement. Le manque de personnel est aussi un sujet de plus en plus important. Nous devons développer de nouvelles stratégies pour attirer des talents, sensibiliser les parents et les jeunes aux métiers du transport et de la logistique. Cela va du chauffeur au comptable, data analyst ou manager: tout est possible dans le secteur, le meilleur exemple est ma carrière.
Nous cherchons des grosses têtes (…) L’image du métier va évoluer.
À quand une chaîne d’approvisionnement 100% automatisée?
D.K. – «Nous sommes au tout début, il ne faut pas oublier que nous sortons d’une crise.
En moyenne, combien une entreprise devrait-elle investir pour la transition énergétique et numérique?
D.K. – «Il n’est pas possible de donner un chiffre. La digitalisation va avec la cybersécurité, qui a un coût. Dans mon ancienne société, de cinq personnes, il était de 1,5 million d’euros.
M.Z. – «Il serait intéressant de lancer un accélérateur pour les entreprises digitales de la logistique dans l’est. Beaucoup a été investi dans les infrastructures de Bettembourg, Dudelange et Contern. Il y a un atout côté allemand, autour du port de Mertert. L’Est pourrait jouer le rôle de moteur à la digitalisation.
À quoi ressemblera la logistique de demain?
M.Z. – «Commander un transport comme on commande une pizza. Par ordinateur, en sachant exactement ce que cela coûte, quand cela va arriver, quels sont les différents services qui peuvent s’ajouter… Les particuliers sont habitués à savoir quand ils vont recevoir leur colis. Les grands clients industriels ne bénéficient pas encore de ce service.»
L’automatisation pourrait aussi remplacer certains métiers et aider face à la pénurie de main-d’œuvre. Quelles sont les formations nécessaires?
D.K. – «Cela changera le métier et les formations. Nous cherchons des grosses têtes. Les jeunes ont moins de problèmes pour s’adapter à l’informatique, ils sont plus flexibles. L’image du métier, qu’on imaginait jusqu’ici exercer dehors ou dans les entrepôts, va évoluer.»