À l’Adem, sept offres d’emploi sur dix demandent des compétences de niveau «indépendant» ou «expérimenté» dans une ou deux langues. Il y a dix ans, ce n’était qu’une annonce sur deux. (Photo: Shutterstock)

À l’Adem, sept offres d’emploi sur dix demandent des compétences de niveau «indépendant» ou «expérimenté» dans une ou deux langues. Il y a dix ans, ce n’était qu’une annonce sur deux. (Photo: Shutterstock)

La pénurie de talents n’empêche pas les employeurs d’exprimer dans leurs offres d’emploi des attentes toujours plus élevées en matière de maniement des langues. Une tendance qui devrait encore s’accentuer dans le futur.

En 2015, un peu plus d’une offre d’emploi de l’Adem sur deux (53%) réclamait des compétences de niveau B («indépendant») ou C («expérimenté») dans une ou deux langues, à choisir parmi le luxembourgeois, le français, l’allemand et l’anglais. Presque dix ans après, c’est le cas de… 70% d’entre elles.

«Les compétences linguistiques sont de plus en plus recherchées par les employeurs», observe l’experte métier et skills development de l’agence pour l’emploi, Florence Juillien.

Le français plébiscité…

«Le français reste la langue la plus demandée. Actuellement, plus de 70% des offres de postes vacants exigent cette compétence de manière obligatoire. Cette tendance est stable depuis 2015. En revanche, l’exigence de niveau s’est renforcée au fil des années», souligne notre témoin, s’appuyant sur des données extraites de l’outil Jobinsights.lu, ouvert au grand public.

Pour donner une idée, «en 2017, 9% des offres demandaient un niveau A (‘élémentaire’), 38% un niveau B et 30% un niveau C, de manière obligatoire. En 2023, seulement 6% des offres demandaient un niveau A. En revanche, respectivement 30% et 35% des offres exigeaient un niveau B et C en français», illustre-t-elle.

… l’allemand beaucoup moins

«La tendance est stable sur la période 2015-2024» pour les demandes en allemand. Si pratiquement 30% des offres de l’Adem en font un impératif, une sur deux n’en fait pas un critère de sélection.

«Le niveau de maîtrise attendu évolue peu lui aussi: 16% des offres demandent l’allemand à un niveau B, et 13% à un niveau C», retient Florence Juillien.

Indispensable luxembourgeois

«Les exigences en matière de luxembourgeois sont très stables également depuis ces dix dernières années. Un peu plus de 26% des offres l’exigent de manière obligatoire. Dans environ 13% des offres, la langue est considérée comme un atout, et 60% d’entre elles ne l’indiquent pas dans le profil recherché. Le niveau de maîtrise attendu évolue peu lui aussi», détaille la professionnelle. Seuls 10% des postes font d’une maîtrise de niveau C un préalable non négociable.

«Pour occuper un poste dans le secteur public ou dans celui de la santé, maîtriser le luxembourgeois reste toutefois une compétence essentielle, au même titre que les deux autres langues officielles du pays que sont l’allemand et le français», nuance Florence Juillien. «Dans ces secteurs, en 2024, plus de 80% des offres demandent le luxembourgeois et le niveau de maîtrise attendu est encore un peu plus élevé dans le secteur ‘santé et social’.»

De plus en plus d’anglais…

«L’évolution la plus sensible concerne indéniablement l’anglais», pointe l’experte métier et skills development. «En 2015, 42% des offres de postes vacants exigeaient cette compétence. En 2024, cette exigence concerne 55% des offres. Là encore, l’exigence en matière de maîtrise de la langue s’est accentuée, et en particulier depuis 2021. Actuellement, 14% des offres demandent un niveau B et 40% un niveau C, de manière obligatoire.»

… surtout dans l’IT et la finance

L’IT constitue – et de loin – le secteur concentrant le plus de nécessités en anglais: 94% des offres y font appel, et 73% d’entre elles espèrent un niveau «expérimenté».

Par comparaison, le français est demandé dans 50% des cas, et «seules» 37% d’entre elles exigent un niveau expérimenté. En revanche, «les exigences pour l’allemand et le luxembourgeois sont assez marginales dans les métiers de l’IT. Ces langues sont davantage considérées comme un atout.»

«Les tendances sont très similaires pour le secteur financier», note Florence Juillien. Près d’une annonce sur deux (46%) publiée par l’Adem demande des connaissances en deux ou trois langues à un niveau B ou C. «L’anglais est la langue la plus exigée, elle apparaît dans 94% des offres. 81% d’entre elles exigent même un niveau C. Les autres langues sont en revanche beaucoup moins exigées dans ce secteur que dans la plupart des autres.»

Les secteurs les plus exigeants

«La maîtrise des langues joue un rôle crucial dans le secteur ‘santé et social’. En 2015, 57% des offres exigeaient la maîtrise de trois langues, à un niveau B ou C, et près de 8% en exigeaient quatre. En 2024, la proportion d’offres demandant trois langues est quasiment la même (55%), mais ce sont près de 15% d’offres qui exigent la maîtrise de quatre langues.»

Dans ce domaine, le français apparaît dans 95% des offres et près de 60% d’entre elles exigent un niveau C. Viennent ensuite le luxembourgeois, obligatoire dans 84% des cas, et l’allemand, dans 71%.

«En revanche, les exigences pour l’anglais sont significativement en hausse, à la fois en termes de taux obligatoire et de niveau de maîtrise voulu: en 2015, 16% des offres demandaient l’anglais de manière obligatoire (8% à un niveau B et 7% à un niveau C). En 2024, 23% des offres exigent cette langue et 14% la demandent à un niveau de maîtrise C.»

Dans le public, 68% des offres ne sont accessibles qu’aux candidats maîtrisant trois langues à un degré B ou C Et près de 10% à ceux parlant quatre langues. Il y a dix ans, les chiffres étaient respectivement de 50% et 3%.

Pour cette année, «le français est exigé dans la quasi-totalité des offres (97%), alors qu’il représentait 76% des offres en 2015. Le luxembourgeois est obligatoire dans 88% et l’allemand dans 81% des offres, et dans 50% des offres un niveau B est suffisant pour ces deux langues. Les exigences pour l’anglais sont également en hausse dans le secteur public: en 2015, 13% des offres demandaient l’anglais de manière obligatoire. En 2024, la proportion est de 21%.»

Une tendance de fond

Toujours plus d’attentes de la part des employeurs quant au maniement des langues? «Sur le papier, c’est le cas. Dans la réalité, c’est moins le cas. On le voit de plus en plus, on recrute davantage sur un comportement, un savoir-être, que sur un savoir-faire qui peut s’apprendre. Et les langues font partie de ce savoir-faire», analyse le directrice générale de Prolingua, , nommée peu avant l’été à la tête de l’école privée de langues aux 41 années d’expérience dans le pays.

Pour la dirigeante, les besoins en compétences constituent «une tendance qui va s’accentuer». «D’un côté, on parle d’upskilling comme d’un must-have. De l’autre, certaines sociétés ne peuvent pas accéder au financement de formations spécifiques. Le taux de cofinancement est passé de 20% à 15%, il faudrait faciliter cet accès. Autre écueil: le taux de TVA pour les cours particuliers qui est fixé à 17%, contre 3% pour les cours collectifs. Les besoins sont pourtant là. Par exemple, tout le monde parle anglais, mais le marché de l’emploi implique un vocabulaire professionnel spécifique. Avec l’émergence de nouveaux métiers, notamment liés à l’IA, cette problématique va croître», analyse encore celle qui est également vice-présidente de la Fédération des centres de formation privés (FCF).

Les outils de l’Adem

Lors de son inscription, chaque demandeur d’emploi doit passer des tests en ligne censés confirmer son niveau dans une ou plusieurs des quatre langues qu’il a déclaré pratiquer. L’Adem peut ensuite lui proposer, en partenariat avec l’Institut national des langues (INLL), des modules de formation dans chacune des quatre langues. Ceux-ci sont prévus en présentiel.

L’agence pour l’emploi met aussi 4.800 licences gratuites de la plateforme d’apprentissage Babbel à disposition des candidats. Depuis le lancement de l’offre, en mars dernier, 2.500 demandeurs d’emploi en ont bénéficié.