Une maison Koda peut être installée en à peine une journée, sans aucune fondation. (Photo: www.tonutunnel.com)

Une maison Koda peut être installée en à peine une journée, sans aucune fondation. (Photo: www.tonutunnel.com)

Pour tenter d’enrayer la croissance des prix de l’immobilier, plusieurs solutions ont déjà été évoquées. Installer des maisons mobiles constitue l’une d’entre elles. Ces habitats provisoires permettraient de répondre à plusieurs enjeux auxquels le pays est confronté.

Ce n’est un secret pour personne. Au Luxembourg, l’offre en logements est inférieure à la demande, ce qui fait gonfler les prix de l’immobilier d’année en année. Les chiffres du Statec et de l’Observatoire de l’habitat font état d’une croissance moyenne exceptionnelle en 2020, de l’ordre de 14,5%!

De nombreuses pistes ont déjà été évoquées pour tenter d’enrayer ce phénomène: encourager les propriétaires à libérer davantage le foncier qui leur appartient, aménager des friches industrielles, autoriser l’occupation des combles, plafonner les prix de vente des terrains, etc. L’entrepreneur et promoteur immobilier , qui ne manque pas d’idées novatrices, apporte une solution supplémentaire à ce panel: la possibilité de développer, au Grand-Duché, des habitats modulaires et mobiles. «Ce n’est pas une solution miracle, car il n’en existe pas, estime-t-il. En revanche, cela fait partie d’une combinaison d’éléments – comme la mise en place d’incitants fiscaux, la réaffectation de bâtiments et de terrains abandonnés, ou encore le développement de nouvelles formes d’habitat – qui pourront permettre de mettre à disposition le nombre de logements nécessaires sur le marché et, ainsi, parvenir à faire baisser ou, à tout le moins, stopper la croissance des prix de l’immobilier dans le pays.»

Une maison modulaire et amovible

Le mobile housing a pour principale caractéristique de ne pas exiger de fondations. La maison, qui se compose de modules que l’on assemble comme on le souhaite en fonction de ses besoins, peut être directement posée sur le terrain. «La maison n’est pas construite sur site. Elle est fabriquée en atelier, de manière numérisée, puis transportée sur une remorque, en une seule pièce, explique Steve Krack, qui est distributeur exclusif au Luxembourg, en Belgique et en France de la marque estonienne Kodasema, spécialisée dans les constructions mobiles. Comme son nom l’indique, le logement peut être installé, enlevé et déménagé facilement et rapidement, en moins d’une journée, puis habité le soir même. Il suffit juste de disposer d’un permis qui autorise l’installation de la maison mobile et d’avoir un accès de plain-pied pour la grue.» Un système de plug-in permet ensuite de se raccorder aux infrastructures nécessaires: eau, électricité, évacuation des eaux usées. Des panneaux solaires peuvent être installés sur le toit pour rendre l’habitation autonome en énergie.

Plusieurs modèles de maisons existent, afin de s’adapter au mieux aux occupants. Disponible au prix de 70.000 euros, le Koda Loft de Kodasema, par exemple, regroupe sur 26 m2 un salon, une cuisine équipée, une salle de bains et une chambre installée en mezzanine. D’une superficie de 46 m2, la version Extended, elle, offre une pièce supplémentaire. Il ne s’agit pas pour autant de petits cabanons exigus, où il ne fait pas bon vivre. L’architecture de ces habitats est soignée. Leurs finitions peuvent être personnalisées selon la fonctionnalité visée et l’environnement dans lequel ils vont être intégrés. Dotées d’une structure en béton ou en bois qui peut être recyclée une fois arrivée en fin de vie et composées de matériaux soigneusement sélectionnés, ces habitations sont conçues de manière à offrir tout le confort de vie nécessaire au quotidien à leurs occupants, tout en réduisant l’impact de leur construction sur l’environnement. Fonctionnelles et lumineuses, elles affichent également un très bon confort acoustique et thermique, les rendant à la fois résistantes au froid et à la chaleur.

Une maison mobile pèse environ 10 tonnes et peut être facilement placée à des endroits inattendus. (Photo: Riku Kyla)

Une maison mobile pèse environ 10 tonnes et peut être facilement placée à des endroits inattendus. (Photo: Riku Kyla)

Créer du logement rapidement, sur des terrains inexploités

La maison mobile apporte une partie de solution aux différents enjeux auxquels le Luxembourg doit faire face depuis plusieurs années. Tout d’abord, ces maisons pouvant être construites en seulement trois mois, elles permettraient d’augmenter l’offre disponible dans le pays très rapidement et, ainsi, de soutenir les efforts déjà réalisés ces dernières années pour répondre à la demande sans cesse croissante en logements. «Il ne s’agit bien sûr pas là de se substituer à la construction d’autres types d’habitats, plus classiques, mais bien d’y apporter une forme complémentaire», précise Steve Krack.

Parce qu’elles ne nécessitent pas de fondations, ces habitations pourraient aussi répondre à la problématique du foncier disponible et permettre d’occuper des terrains inutilisés ou non viabilisés de manière provisoire, tels que des jardins, des friches, des sites qui sont laissés à l’abandon. «En ville tout particulièrement, cela permettrait de densifier davantage l’espace en tirant tout le potentiel de terrains qui ne sont pas exploités jusqu’à présent», indique Steve Krack. Ces maisons déplaçables, qui peuvent donc être enlevées à tout moment, présentent aussi l’avantage pour les propriétaires fonciers de ne pas devoir céder leurs terres de manière définitive. «On pourrait très bien envisager un système de bail emphytéotique de courte durée, sur cinq ou dix ans, par exemple. Les propriétaires conserveraient leur propriété sur le long terme, tout en permettant de les utiliser sur le court terme et, ainsi, de les rentabiliser et de contribuer à mettre davantage de logements sur le marché rapidement», poursuit l’entrepreneur. «Ces nouvelles formes d’habitat pourraient même être déployées dans les grands jardins de maisons familiales, permettant aux enfants de disposer de leur premier habitat indépendant, à bien moindre coût», envisage encore Steve Krack.

Des habitats à un prix plus abordable

Si le Luxembourg présente actuellement l’un des taux de propriété les plus élevés en Europe – 72% des résidents luxembourgeois sont propriétaires, quand la moyenne européenne se situe à 69% –, il y a fort à parier que celui-ci devrait diminuer au cours des prochaines années. Acquérir son propre logement devient en effet de plus en plus difficile. «Face à la montée des prix de l’immobilier, le ratio propriétaires/locataires devrait donc s’inverser au fil du temps», analyse Steve Krack. De plus, le coût du logement prend une part de plus en plus importante dans le budget des ménages, qu’ils soient locataires ou propriétaires. Selon la dernière étude d’Eurostat, les résidents luxembourgeois consacrent en moyenne un quart de leurs revenus à leur logement et aux dépenses énergétiques qui y sont liées (eau, électricité, chauffage, etc.), grignotant petit à petit la part disponible pour d’autres postes et réduisant leur qualité de vie. Si ce pourcentage est proche de la moyenne européenne, il a en revanche augmenté deux fois plus vite au Luxembourg que dans les autres États membres au cours de ces dernières années.

Dans ce contexte, la maison mobile constitue une solution pour se loger à un prix plus abordable, les frais liés à la construction étant beaucoup moins élevés que pour une habitation classique et le coût du foncier – qui représente au Luxembourg l’essentiel du budget pour une nouvelle maison – étant fortement réduit. «Et si ces maisons peuvent être acquises à un tarif bien plus bas que celui d’une construction neuve ordinaire, elles pourraient aussi, surtout, être mises en location pour permettre aux plus jeunes, aux familles monoparentales ou encore aux nouveaux arrivants au Luxembourg – autant de publics pour qui l’accès à la location ou à la propriété devient de plus en plus difficile – de se loger plus facilement, estime Steve Krack. Un logement mobile ne doit pas forcément être vu comme la maison de sa vie, mais comme une solution idéale à court terme, pour certaines personnes.»

À l’intérieur, on dispose de tout le confort nécessaire à la vie quotidienne. (Photo: DR)

À l’intérieur, on dispose de tout le confort nécessaire à la vie quotidienne. (Photo: DR)

Certains pourraient toutefois choisir d’en faire une habitation pour la vie. À l’heure où la digitalisation est croissante et où le télétravail s’est imposé dans les mœurs, permettant de travailler depuis n’importe quel endroit, la maison mobile prend de plus en plus de sens et s’adapte parfaitement à des modes de vie plus nomades. Alors, pourquoi pas, demain, déménager avec sa maison?

Des autorités à convaincre

De manière plus globale, en utilisant des matériaux durables, en préservant les sols sur lesquels il est installé, en réduisant les espaces habitables afin de générer un impact environnemental plus faible, le mobile housing s’inscrit également dans une logique d’économie circulaire et participative. «À terme, il est possible qu’on n’achète plus une maison, mais plutôt l’accès à une maison, comme s’il s’agissait d’un service et non plus d’un produit», souligne Steve Krack.

L’entrepreneur aimerait parvenir à convaincre dès à présent les autorités luxembourgeoises de développer des maisons mobiles sur le territoire grand-ducal. «Des particuliers et des investisseurs peuvent se tourner vers les maisons mobiles mais, pour accélérer le mouvement, le rôle des autorités est primordial, considère le promoteur immobilier. On pourrait donc imaginer qu’un acteur public, la Ville de Luxembourg par exemple, achète 500 maisons de ce type et les installe sur des terrains communaux ou privés pour les louer à un prix plafonné.» Si le terrain doit être libéré, il suffit de reprendre la maison et de la déplacer à un autre endroit, de la stocker dans un entrepôt ou encore de la recycler. La ville de Hanovre, en Allemagne, s’est par exemple lancée dans un tel projet. «Tous les acteurs s’accordent à dire qu’il faut faire quelque chose face à la situation immobilière du pays. À nous d’avoir l’ouverture d’esprit nécessaire pour sortir des schémas standards et apporter des solutions innovantes au problème, estime Steve Krack. Il en va de l’attractivité du pays.»

Une maison mobile à Luxembourg à l’automne

Conçue et développée par le bureau d’architecture et d’ingénierie estonien Kodasema, la maison mobile Koda a été présentée pour la première fois de manière officielle à l’occasion de la Biennale d’architecture de Tallinn, à l’automne 2015. Depuis, l’entreprise a grandi et propose aujourd’hui plusieurs solutions innovantes de logements qui se montent et se démontent en seulement quelques heures et peuvent ainsi s’intégrer dans tout type d’environnement. Une première maison mobile devrait être installée et présentée au Luxembourg dans quelques mois.

Cet article a été rédigé pour   parue le 15 juillet 2021.

Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine, il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

Votre entreprise est membre du Paperjam Club? Vous pouvez demander un abonnement à votre nom. Dites-le-nous via