Au neuvième étage de l’hôtel, le restaurant La Maison de Manfred offre une vue panoramique sur Metz. (Photo: Julius Hirtzberger)

Au neuvième étage de l’hôtel, le restaurant La Maison de Manfred offre une vue panoramique sur Metz. (Photo: Julius Hirtzberger)

La Maison Heler, hôtel imaginé par Philippe Starck, a ouvert ses portes à Metz après dix ans de rebondissements, donnant vie à un projet architectural unique en son genre.

Dix ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour qu’un rêve longtemps jugé irréalisable devienne réalité. Ce jeudi 27 mars 2025, la Maison Heler – surnommée également «l’hôtel Starck» – a ouvert ses portes dans le quartier de l’Amphithéâtre, à Metz, face au Kinépolis, à deux pas du Centre Pompidou, du centre commercial Muse et de la gare.

«Maison Heler est un projet audacieux qui prend enfin vie. Nous en sommes très fiers», se réjouit la directrice générale, Jenny Pham. Un hôtel quatre étoiles? Oui, mais pas seulement. Ici, l’on entre dans un conte. Littéralement.

Car cet édifice monolithique de neuf étages, coiffé d’une maison lorraine du 18ᵉ siècle, n’est pas né d’un plan d’urbanisme ou d’un simple cahier des charges hôtelier. Il incarne un récit: «La Vie minutieuse de Manfred Heler», conte poétique imaginé par Philippe Starck lui-même. Le designer y narre les aventures surréalistes de Manfred Heler, ses amours, ses rêves et ses inventions. L’hôtel en est la traduction physique, tangible, habitable.

Le livre à l’origine de la conception architecturale de l’hôtel. (Photo: Julius Hirtzberger)

Le livre à l’origine de la conception architecturale de l’hôtel. (Photo: Julius Hirtzberger)

Un chantier semé d’embûches

L’histoire de la Maison Heler commence en 2015 avec une première annonce fracassante: Metz allait avoir son hôtel signé Starck. Trois ans plus tard, le chantier démarre, mais les obstacles s’enchaînent: permis de construire à réviser, crise sanitaire, incendie, disparition d’un des promoteurs... Le projet semble maudit. Repoussée à maintes reprises, l’inauguration est finalement fixée à mars 2025.

Pari tenu et heureux concours de circonstances: alors que Metz s’apprête à accueillir la cérémonie du Guide Michelin au Centre des congrès, la Maison Heler ouvre enfin ses portes. Journalistes, chefs et curieux sont attendus. L’hôtel affiche complet dès les premiers jours, selon le personnel.

Un hôtel… mais surtout une expérience

L’établissement est exploité par Hilton, sous sa collection Curio. Contrairement aux hôtels standards de la chaîne, les établissements Curio sont des propriétés indépendantes, sélectionnées pour leur caractère singulier et leur histoire. La Maison Heler en est l’illustration parfaite. Rien ici ne ressemble à un hôtel classique. Chaque recoin, chaque meuble, chaque poignée de porte raconte une histoire. L’imaginaire de Manfred Heler imprègne les lieux dans les murs, les objets, jusqu’aux messages cryptés gravés dans le mobilier – clin d’œil à l’alphabet fictif du conte, reproduit dans les dressings de chaque chambre.

L’hôtel compte 104 chambres. Les chambres d’angle sont toutes classées «deluxe». On y trouve également cinq suites junior et une suite Manfred, de 65m². Bois, marbre, cuir et béton ciré composent un univers à la fois brut et raffiné. Dans les chambres, les lits font face aux fenêtres, pour permettre aux hôtes de se réveiller avec la lumière du jour. 

La lumière, justement, est omniprésente: tamisée, naturelle ou colorée, elle traverse les vitraux dessinés par Ara Starck, la fille du designer. Au neuvième étage, dans La Maison de Manfred – premier des deux restaurants de l’hôtel et réinterprétation de la villa Salomon située avenue Foch –, cette atmosphère atteint son apogée. Jusqu’aux toilettes, que le personnel décrit comme «les plus instagrammables de Metz». Terrasse avec vue panoramique sur la ville et notamment la cathédrale, lounge, salle à manger, bar… l’endroit se découvre comme une pièce de théâtre. Le fameux «ding» de l’ascenseur, lui aussi tiré du conte, marque l’entrée.

Un ancrage messin assumé

Au rez-de-chaussée, la Cuisine de Rose rend hommage à l’amour de Manfred. Pastel, sobre, locale: la carte est comme à l’étage, simple et renouvelée chaque semaine, au gré des saisons. «On ne fait pas mieux que les autres, on fait différemment», résume le directeur de la restauration, Julian Fressy. Comme la carte, le projet revendique son ancrage local: «90% des entreprises impliquées sont messines ou mosellanes», insiste la direction.

Un étage entier est dédié aux événements professionnels, avec 350m² répartis en cinq salons modulables. Chacun porte le nom d’une bataille majeure de l’histoire de France – Marne, Verdun… –, un clin d’œil au contexte historique du conte, situé entre les deux guerres mondiales. Une salle de sport est déjà accessible, tandis qu’un spa viendra compléter l’offre à partir de janvier 2026. L’équipe de l’hôtel compte environ 80 personnes.

Philippe Starck signe ici, pour la première fois, un projet de A à Z: architecture, design, mobilier, lumière. Chaque petite pièce est pensée et ajustée. On y vient pour dormir, certes, mais on repart avec des images en tête, des phrases à déchiffrer, et peut-être, qui sait, le rêve tenace de croiser un jour Manfred Heler dans les couloirs.