(À nos lecteurs: la rédaction de Paperjam a pris ses quartiers à Dudelange, ces jeudi et vendredi, à la rencontre d’acteurs politiques, sociaux et économiques de cette commune de 22.000 habitants. Cet article s’inscrit dans cette démarche «concentrée». Bonne lecture. Le rédacteur en chef)
Une robe blanche attire immédiatement l’œil. Un véritable bijou. Cette pièce, d’une qualité et d’une finesse remarquables, trône au cœur de l’espace dédié à la mode de luxe de seconde main de Maison Album. «Cette robe de mariée, que l’on ne trouvera nulle part ailleurs au Luxembourg, nous a été confiée par une dame luxembourgeoise qui souhaitait quitter sa grande maison. Elle l’avait achetée pour son mariage, mais ne l’a finalement jamais portée. Elle s’est finalement mariée, avec son mari, en costume de cuir blanc sur une Harley Davidson blanche!» racontent, amusées, Nathalie Meier et Katia Kouici, les deux entrepreneuses à la tête de Maison Album, un concept-store unique en son genre situé sur le boulevard Grande-Duchesse Charlotte à Dudelange.
L’anecdote prête à sourire, mais elle illustre bien l’état d’esprit et l’ambition des deux femmes: proposer des pièces de luxe originales dont la valeur et l’histoire ne se perdent pas, tout en intégrant une démarche écoresponsable.
Fondé en 2022 sous le nom Album Think Twice, le concept-store a évolué en mars 2024 avec l’arrivée de la boutique Papillons (anciennement Le Coffre aux Papillons), fondée par Katia Kouici en 2021. Dans sa précédente boutique, située à proximité, Katia proposait des vêtements et jouets pour enfants, privilégiant des objets en matériaux durables comme le bois, en accord avec une démarche écoresponsable.
En s’associant, Nathalie et Katia ont donné un nouveau souffle à Maison Album, qui a brièvement porté le nom Album & Papillons, le temps de permettre à la clientèle fidèle de Katia de suivre le déménagement. Aujourd’hui, cette fusion est officialisée par la création d’un Groupement d’intérêt économique, scellant leur partenariat et leur vision commune.
Ce rapprochement entre deux commerces qui n’ont, a priori, pas les mêmes cibles, est aujourd’hui un succès. «Cela a créé une vraie synergie. J’avais des clientes plus âgées, Katia touchait, elle, principalement des mamans. Être à deux nous rend plus riches, sur le plan humain. Surtout pour moi qui ai travaillé trente ans dans le secteur financier, comme Senior Wealth Manager. J’ai choisi de quitter ce secteur en raison d’une sur-réglementation devenue insoutenable. C’est un projet de cœur», souligne Nathalie Meier.
Une ambiance «comme à la maison»
Elles ont su insuffler un caractère familial et une ambiance unique à cet espace de 360 m², conçu comme une véritable maison. «Une de nos clientes nous a confié qu’en entrant ici, elle avait presque envie de mettre ses pantoufles. C’est le plus beau compliment que l’on pouvait recevoir», racontent Nathalie et Katia avec fierté.
Dès l’entrée, un petit espace cuisine aménagé avec du mobilier vintage ajoute encore plus de charme au lieu. On peut s’y restaurer en dégustant des cafés, des boissons chaudes ou des plats préparés par le traiteur Niessen, à savourer sur place.
À côté, une grande étagère propose des objets et des idées cadeaux, toujours dans une démarche écoresponsable. Plus loin, l’espace qui évoque un salon abrite de nombreux portants et vitrines mettant en valeur des pièces de luxe – chaussures, sacs, robes et autres vêtements pour femme –, soigneusement sélectionnées.
Sur le côté, un autre espace, aménagé comme une chambre d’enfant, propose des vêtements pour enfants (neufs), ainsi qu’une petite sélection de jouets et de livres.
Ici on ne vend pas que du textile, on vend de l’émotion
«Ici on ne vend pas que du textile, on vend de l’émotion» intervient Katia. En effet, les deux femmes mettent davantage en avant l’aspect qualitatif des vêtements de luxe plutôt que leur simple aspect prestigieux. «Le luxe n’est pas que du prestige. On trouve parfois des pièces uniques, des pépites que l’on revend ici. Nous sélectionnons les pièces selon plusieurs critères. D’abord elles doivent avoir une valeur qui se maintient dans le temps, une certaine originalité et une bonne qualité. Une qualité qu’on ne sait plus faire aujourd’hui et que l’on ne retrouvera jamais dans la fast-fashion», défend Nathalie.
Et le concept séduit puisque la clientèle de Nathalie et Katia est large. Cette dernière dit d’ailleurs constater un changement de mentalité à propos de la seconde main. «Nous avons par exemple des jeunes femmes en début de carrière qui veulent s’acheter leur premier sac de luxe, mais aussi des personnes plus âgées et souvent plus réfractaires à porter de la seconde main, mais dont la mentalité change peu à peu», détaille Katia. Quant au prix, Maison Album a opté pour la formule dépôt-vente, limité dans le temps afin de varier les pièces selon les saisons. En cas de vente, la répartition entre la boutique et la propriétaire du vêtement se fait globalement à 50/50 %, selon les prix de vente. «Pour fixer le prix de vente le plus juste, nous nous basons sur notre expérience, sur les prix pratiqués ailleurs, sur base de factures. Ce qui nous permet aussi de nous prémunir face aux contrefaçons», détaille Nathalie.
La diversification comme business model
Elles ont élaboré un business model qui repose donc sur leurs deux activités, avec une diversification grâce à la petite offre de restauration proposée, mais aussi un programme de conseil en image holistique baptisé (re) Naissance, officiellement lancé le 13 janvier, et pour lequel Nathalie veut développer de nouveaux partenaires tels que des esthéticiennes, coiffeurs, dentistes, chirurgiens esthétiques… Ce programme allie conseil en image executive, visagisme et communication. Il met en lumière l’importance capitale de ces trois éléments, en rappelant qu’il ne faut en moyenne que sept secondes pour faire une première impression décisive, celle qui influencera la relation à long terme. C’est un peu un family office pour l’image», plaisante Nathalie. Une diversification qui permet aussi à Maison Album de faire face à une concurrence en ligne permanente. Pour autant, les deux entrepreneuses n’ont pas décidé, pour l’heure, de proposer la vente en ligne. «Nous préférons nous servir du digital pour encourager le commerce physique, mais nous envisageons peut-être de développer un système de click’n’collect», indique Katia. La location de vêtements, de plus en plus tendance, est aussi une piste de réflexion pour Maison Album.
Aujourd’hui en trio, avec une apprentie arrivée récemment, les deux femmes ont l’ambition de faire rayonner leur concept au-delà de la ville de Dudelange, où «le trafic et la circulation ne sont pas toujours favorables aux petits commerces». Que ce soit à travers des pop-up stores, dans la capitale par exemple, ou en proposant des vitrines dans d’autres commerces ou lieux du pays.