Selon les chiffres de l’Organisation internationale du travail, un cinquième de la population active est aujourd’hui âgée de 50 ans ou plus. Cette proportion est même plus élevée dans nos pays voisins. Dans les prochaines années, un nombre considérable de travailleurs vont partir à la retraite. Pour les entreprises, il est donc essentiel de faire en sorte que le passage de témoin entre cette génération de baby-boomers et les nouveaux entrants sur le marché du travail se déroule de façon fluide.
Pourtant, la prise de conscience des managers par rapport à cette problématique est encore limitée, même si les initiatives en la matière ont tendance à se multiplier depuis quelques années. «Nous avons mis en place une procédure de sortie récemment. Avant cela, rien de spécifique n’était prévu, alors que cette étape fait, selon moi, partie intégrante de la carrière d’un salarié», explique Anne Kremer, responsable RH au sein du groupe Prefalux. Désormais, Prefalux veille à cibler les personnes qui partiront prochainement à la retraite, à communiquer sur ce sujet et à préparer la transition en l’anticipant suffisamment. Un travail qui n’est pas de petite envergure, considérant que le groupe Prefalux rassemble aujourd’hui huit entreprises et 380 personnes.
S’appuyer sur des associations spécialisées
Au Luxembourg, des structures spécialisées existent pour épauler les entreprises dans ces démarches, mais aussi pour améliorer, de façon générale, les conditions de vie des personnes parvenues au troisième âge. C’est le cas de Gero – Kompetenzzenter fir den Alter (anciennement RBS), une asbl fondée et conventionnée par le ministère de la Famille et de l’Intégration qui, depuis 30 ans, soutient la recherche et la formation du personnel de soins et d’accompagnement des personnes âgées (). «Au-delà de ces deux premiers piliers, nous organisons aussi une série de cours et d’événements permettant aux seniors de rester actifs, de continuer à nouer des contacts et à trouver des centres d’intérêt après leur retraite», précise Vibeke Walter, responsable de GeroAktiv, le pôle de l’association dédié à cette dernière activité. «Nous mettons un point d’honneur à souligner la diversité de profils qu’on retrouve derrière l’étiquette ‘seniors’: certains sont en pleine forme, d’autres ont des problèmes physiques, d’autres encore ont des soucis psychologiques. On ne peut donc pas parler du troisième âge comme d’une catégorie de personnes homogène, comme on ne peut pas parler des ‘jeunes’ de façon globale.»
En 2019, à l’initiative du ministère de la Famille et de l’Intégration, Gero a lancé un programme d’accompagnement pour les personnes à la retraite ou étant sur le point de terminer leur carrière. Derrière cette idée, un constat qui a d’abord à voir avec la santé mentale des (futurs) retraités. «Encore une fois, les profils peuvent être très différents. D’un côté, nous avons des personnes qui vont rester très actives une fois la retraite arrivée, qui vont profiter pleinement de cette nouvelle vie. Mais, de l’autre, on rencontre aussi des gens qui ont plus de mal à occuper leur temps, à trouver des projets dans lesquels ils veulent s’investir. Il faut dire que, dans nos sociétés, nous sommes définis pour une grande partie par notre travail. Lorsqu’on le perd, on a parfois des difficultés à trouver sa place. On peut alors voir émerger un certain désarroi, voire des symptômes dépressifs», estime la responsable de GeroAktiv.
Des coaches bénévoles eux-mêmes retraités
Pour soutenir les personnes concernées et les aider à passer cette étape de leur vie de la meilleure façon possible, Gero a décidé de faire appel à des coaches de retraite bénévoles, eux-mêmes retraités. À travers des conférences données sur demande en entreprise ou dans des communes, par exemple, ils cherchent à recentrer les (futurs) retraités sur leurs compétences et ressources, les activités et projets auxquels ils pourront désormais consacrer plus de temps. «Nos coaches ne sont pas des experts ou des professionnels, ils ne sont donc pas habilités à jouer le rôle d’un psychologue ou d’un conseiller financier, par exemple, mais ils peuvent renvoyer vers les bonnes personnes en cas de besoin», souligne Vibeke Walter. «Ils suivent une formation de trois jours afin de bien cerner ce qu’ils peuvent apporter aux participants. Leur but, au final, est de faire prendre conscience aux retraités que ce moment de leur vie peut être génial, qu’il faut en profiter pour penser à eux, et pas seulement pour donner tout leur temps à leur famille ou à diverses associations.» Des entretiens individuels peuvent aussi avoir lieu à la demande, pour des questions spécifiques, mais ils sont généralement limités à trois sessions.
Henri Feit est l’un de ces coaches bénévoles. Après 35 ans de carrière dans le secteur financier, il a répondu à l’annonce de Gero, publiée sur les réseaux sociaux. «Je venais de faire moi-même la transition entre la vie active et la retraite, et je me suis aperçu que c’était un gros changement. Je me suis dit qu’il serait intéressant d’en discuter avec d’autres personnes concernées», explique-t-il. «J’ai suivi la formation organisée par Gero, et j’ai développé ma propre présentation pour mes conférences, basée sur la brochure du ministère de la Famille. J’apprécie beaucoup cet échange avec les gens. J’essaie de leur faire comprendre que, de 60 à 90 ans, c’est le même laps de temps qu’entre 30 et 60 ans, une période au cours de laquelle on réalise beaucoup de choses. On peut donc réellement avoir une deuxième vie très riche à la retraite.»
Bon pour l’image de l’entreprise
Avec cette casquette de coach de retraite, Henri Feit est intervenu à trois reprises au sein de la société Prefalux. Tous les employés de plus de 55 ans avaient été conviés à participer à ces conférences. À cette occasion, le coach a évidemment abordé l’importance de se trouver de nouveaux projets une fois la retraite arrivée, mais également la nécessité de bien préparer, suffisamment à l’avance, le passage de témoin au sein de l’entreprise. «Cela permet de maintenir la motivation du travailleur sur le point de partir à la retraite, et c’est donc positif à tous les points de vue pour l’entreprise. En outre, c’est un vrai plus pour l’image de marque de la société: si la préparation de la retraite a été réalisée dans les règles, cela se sait vite sur le marché du travail», estime Henri Feit. «Je suis d’ailleurs persuadé que les entreprises sont de plus en plus conscientes de la nécessité de bien préparer cette étape de la vie de leurs collaborateurs.»
Du côté de Prefalux, on se félicite en tout cas d’avoir pris cette initiative. Les conférences d’Henri Feit ont en effet été très largement suivies, ce qui indique qu’il y avait une réelle demande. «62% des personnes éligibles – c’est-à-dire celles de plus de 55 ans – ont participé aux conférences», précise Anne Kremer. «Et les retours que nous avons obtenus étaient très positifs. Les participants ont apprécié le format interactif de l’atelier, ainsi que les sujets abordés: se fixer des objectifs pour la retraite, être au fait des démarches administratives à effectuer, bien gérer ses doutes et sa motivation…» Labellisé ESR (entreprise socialement responsable), le groupe Prefalux a d’ailleurs déjà prévu d’organiser une nouvelle session avec Henri Feit au début du mois de juin. Les personnes qui ne s’étaient pas présentées lors des premières conférences ont été réinvitées pour l’occasion, en comptant sur le bouche-à-oreille pour les convaincre.
Au sein de nos sociétés vieillissantes, dans lesquelles les seniors vivent aussi en meilleure santé qu’il y a quelques décennies, la retraite devient quasiment un âge d’or de la vie, au cours duquel ils peuvent partager leur grande expérience. La préparation adéquate de ce moment important de l’existence, à travers des initiatives comme celle lancée par Gero, devrait donc, au fil du temps, prendre une importance grandissante.
Cet article a été rédigé pour de l’édition magazine de parue le 25 mai 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.
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