Selon Lysiane Back, être membre d’un conseil d’administration est une possibilité d’influencer et de conduire des changements bénéfiques.  (Montage: Maison Moderne)

Selon Lysiane Back, être membre d’un conseil d’administration est une possibilité d’influencer et de conduire des changements bénéfiques.  (Montage: Maison Moderne)

Dans son numéro Women on board, Paperjam met en lumière plus de 100 profils de femmes prêtes à rejoindre un conseil d’administration. Tout au long du mois de mars, découvrez divers profils de femmes ainsi que leurs points de vue et leurs idées pour un meilleur équilibre des genres dans les instances de décision. 

Aujourd’hui retraitée, a réalisé la majeure partie de son parcours professionnel dans la finance. Sa dernière fonction occupée est celle de cheffe de service et vice-présidente auprès de la BCEE. Dans cette fonction, elle a exercé différents mandats d’administratrice auprès de l’Association luxembourgeoise des membres et utilisateurs Swift (Almus), auprès de Visalux, Europay ou encore Luxtrust. Elle a aussi été administratrice auprès de Médecins du monde de 2018 à 2023 et au Luxembourg Institute of Health depuis 2020. 

Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme administratrice indépendante?

. – «En tant qu’administratrice au Luxembourg Institute of Health, un des principaux défis a été de me familiariser avec les missions et les objectifs de l’institut, de mieux comprendre le rôle d’une administratrice indépendante, notamment dans la gouvernance, et d’identifier comment l’expertise acquise dans ma carrière professionnelle peut être bénéfique pour l’institut.  

Ayant exercé pendant mon parcours professionnel des mandats d’administratrice ‘représentante’, j’occupe depuis 2020 la fonction d’une administratrice indépendante auprès du LIH, mandat se distinguant d’un mandat de délégation principalement par le fait de l’indépendance, me permettant d’agir en toute impartialité et d’apporter, sans contrainte, des perspectives ‘extérieures’ dans la supervision et le guidage de l’organisation de l’institut.

Accepter un tel mandat dans un domaine de travail inconnu exige – et ceci devrait être valable aussi bien pour les femmes que pour les hommes – non seulement un intérêt à s’identifier avec un environnement de travail nouveau, mais aussi un certain investissement et engagement en vue de se familiariser avec le rôle, les missions et l’organisation de l’institut. J’ai eu la grande chance que  la direction et les responsables du LIH m’aient supportée dans cet exercice et qu’il existe déjà au niveau de l’institut une culture valorisant la diversité des perspectives et des vues.

Pensez-vous que l’égalité hommes-femmes progresse au sein des conseils d’administration? 

 «L’égalité ‘hommes-femmes’ au niveau des conseils d’administration à Luxembourg a sans doute connu des progrès pendant les dernières années, mais il reste encore du chemin à faire pour obtenir une parité. À part une règlementation promouvant davantage la diversité et l’égalité au niveau des conseils d’administration, des efforts soutenus sont nécessaires pour garantir que cette tendance se poursuive et soit renforcée. Il faudrait ainsi mettre plus en avant les initiatives favorisant l’inclusion des femmes dans les différents niveaux du management, ainsi que la sensibilisation à l’importance de la diversité dans les équipes dirigeantes. 

Que pensez-vous des quotas pour les femmes dans les conseils d’administration?

«Bien que je ne sois pas un ‘supporter’ de quotas, je les favorise comme solution temporaire, étant donné  qu’un changement culturel et structurel plus profond est nécessaire pour assurer une véritable égalité; changement ne se réalisant pas du jour au lendemain et nécessitant des efforts consistants non seulement au niveau de la politique et des entreprises, mais aussi (et avant tout) au niveau de la société. 

Du côté des arguments ‘pour’, je pense que les quotas  peuvent aider à compenser la sous-représentation des femmes dans les milieux décisionnels et peuvent agir comme un catalyseur pour promouvoir la diversité et inciter les entreprises à revoir leurs pratiques de recrutement et de promotion. En revanche, ils peuvent aussi   conduire à des nominations basées sur le genre plutôt que sur les compétences. De plus, les femmes nommées en vertu de quotas pourraient être perçues comme moins qualifiées, ce qui peut affecter leur légitimité et leur influence.

En tant que femme administratrice, sentez-vous une responsabilité particulière de défendre les questions de parité et d’inclusion?

 «Oui, j’y sens une responsabilité particulière et espère pouvoir contribuer, par mon engagement, non seulement à créer un milieu de travail plus équitable, mais aussi à inspirer d’autres femmes à prendre des postes de leadership.  

Selon vous, comment la diversité influence-t-elle la performance d’un conseil d’administration?

«La diversité au sein d’un conseil d’administration a sans doute un impact sur sa performance. Tout d’abord, une équipe diversifiée apporte une variété de perspectives, d’expériences et de compétences, ce qui enrichit le processus de prise de décision. Analyser les problèmes sous différents angles permet de trouver des solutions plus créatives et adaptées aux besoins.

En outre, la diversité peut renforcer la crédibilité et la confiance auprès des parties prenantes et de la société, car un conseil reflétant la société dans son ensemble est mieux à même de comprendre et de répondre aux besoins des différents groupes.

Selon vous, quelles solutions ou quelle politique pourraient encourager une meilleure parité?

 «En sus des points déjà relevés, quelques solutions que je juge utiles:

- mettre régulièrement en avant des femmes qui occupent déjà des postes d’administration et partager leurs histoires de succès peut inspirer d’autres femmes et leur montrer que ces rôles sont accessibles;

– quotas: mettre en place des quotas qui obligent les entreprises à atteindre un certain pourcentage de représentation de chaque genre au sein des conseils;

– formation sur la diversité et l’inclusion: offrir des formations régulières sur les enjeux de la diversité, de l’inclusion à tous les niveaux de l’entreprise, y compris aux membres du conseil d’administration. Dans cet ordre d’idées: collaborer avec des organisations qui se concentrent sur l’avancement des femmes dans les postes de direction pour bénéficier de leur expertise;

- programmes de mentorat/réseautage: créer des programmes de mentorat qui connectent les femmes avec des dirigeants expérimentés pour favoriser, d’une part, leur développement professionnel et, d’autre part, renforcer leurs connexions et accroître leur visibilité;

– coaching/parrainage: établir des programmes de coaching  où des femmes leaders guident et conseillent celles qui aspirent à des postes d’administration. Cela peut offrir un soutien précieux et renforcer la confiance.

 

Quel conseil donneriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer?

«Il est tout à fait normal d’hésiter avant de se lancer dans de nouveaux défis, surtout dans des domaines où la représentation féminine est moins forte. J’essaierai de la convaincre avec les arguments suivants:

– rappel des compétences qu’elle a déjà développées dans son parcours professionnel ou personnel, tout en précisant que chaque compétence est précieuse dans un conseil  d’administration;

– explication à quel point il est crucial d’avoir une diversité de perspectives au sein d’un conseil. Sa voix unique apportera une valeur ajoutée et aidera à prendre des décisions plus équilibrées et inclusives;

– être membre d’un conseil d’administration, c’est avoir la possibilité d’influencer et de conduire des changements bénéfiques;

– s’engager dans un conseil d’administration est aussi une opportunité d’élargir son réseau professionnel, de développer de nouvelles compétences et de gagner en expertise et confiance;

– en prenant cette initiative, elle devient un modèle pour d’autres femmes qui hésitent également à s’engager. Son exemple pourrait inspirer d’autres à suivre le même chemin.

Je lui conseillerais de se renseigner sur les responsabilités et les attentes d’un membre de conseil d’administration. Plus elle se sentira informée, plus elle se sentira prête pour prendre un tel engagement. Et si jugé utile pour renforcer sa confiance: chercher un mentor ou des personnes déjà impliquées dans des conseils d’administration qui peuvent lui offrir des conseils et du soutien. Savoir qu’elle n’est pas seule peut réduire l’anxiété liée à cette responsabilité.

 Et que lui déconseillerez-vous?

«Je vois quatre raisons principales justifiant à renoncer à un engagement d’administratrice:

- s’il y a un manque d’alignement avec les valeurs de l’organisation, respectivement s’il y a des problèmes éthiques ou légaux;

- s’il y a conflits d’intérêts, notamment avec d’autres engagements professionnels ou personnels;

- s’il y a des difficultés relationnelles avec d’autres administrateurs, respectivement si un tel risque existe;

- si la fonction devient une surcharge non gérable, respectivement si la santé ou l’équilibre ‘vie professionnelle/vie privée’ risquent d’en souffrir.