Le directeur de Luxith, Christophe Nardin, a détaillé l’intérêt de mutualiser la digitalisation des hôpitaux et des établissements de santé, notamment pour sécuriser les systèmes et les données.  (Photo: Paperjam)

Le directeur de Luxith, Christophe Nardin, a détaillé l’intérêt de mutualiser la digitalisation des hôpitaux et des établissements de santé, notamment pour sécuriser les systèmes et les données.  (Photo: Paperjam)

En matière de digitalisation, les hôpitaux avancent aujourd’hui chacun de leur côté, et doivent faire face à des enjeux de taille, notamment celui de la sécurité des données de santé, cible des hackeurs. Luxith, le groupement d’intérêt économique qui fédère les établissements hospitaliers, prône la mutualisation, avec une feuille de route à horizon 2030, détaillée lors de la Healthcare Week Luxembourg. 

La digitalisation ne se résume pas au dossier de soins partagés (DSP), outil connu du grand public, ni à créer un site internet permettant une prise de rendez-vous en ligne. Les bénéfices de la digitalisation du secteur hospitalier sont nombreux, au-delà de la gestion d’un hôpital. Elle doit améliorer la prise en charge des patients, dont les données vont pouvoir facilement être accessibles au personnel de santé.

Luxith, groupement d’intérêt économique créé en 2013, fédère tous les centres hospitaliers du pays. Autant de structures qui ont entamé leur digitalisation, à des niveaux et à des vitesses différentes. Une digitalisation «à la croisée des chemins», selon le président de Luxith et directeur général du Centre hospitalier du Nord, le . Pour plus d’efficacité, et notamment pour répondre à l’enjeu de la sécurisation des données, Luxith prône une digitalisation mutualisée. 

Plus précisément, Luxith se charge de la mise en œuvre du plan stratégique informatique du secteur hospitalier. «Jusqu’alors, nous avons surtout mis en place des logiciels de support comme le premier logiciel de gestion des ressources humaines Sirhius, puis de plus en plus de systèmes interopérables», détaille le directeur de Luxith, Christophe Nardin, qui cite aussi une autre avancée effective: la plateforme Anim, pour Archive nationale d’imagerie médicale, où sont stockés les examens d’imagerie médicale réalisés dans les établissements hospitaliers. 

Une plateforme mutualisée qui donne un aperçu des ambitions de Luxith pour les années à venir. La structure prévoit de mutualiser entièrement la digitalisation des établissements de santé, et pourquoi pas même «de tout le système de santé. Ce qui implique la participation de tous les acteurs», glisse le Dr Witgen. 

Une stratégie à dérouler jusqu’en 2030, au moins

Aujourd’hui, chaque hôpital dispose de son propre système d’information hospitalier ou HIS (pour l’acronyme anglais), qui couvre l’ensemble des informations utilisées dans un établissement de santé. Autrement dit, «chaque hôpital est amené à gérer entre 300 et 600 softwares, de son côté. Face à cela, on entend de plus en plus souvent qu’un hôpital a été la cible de hackeurs. Sécuriser ces systèmes est donc une problématique commune face à laquelle, l’effort de chacun serait trop important. Les hôpitaux risquent d’atteindre leurs capacités d’investissements et leurs capacités en personnel. Notre postulat est donc qu’il faut aller plus loin sur la mutualisation», explique le président de Luxith. 

Le groupement d’intérêt économique a ainsi rédigé une feuille de route en trois phases, jusqu’en 2030. La première phase pour 2024-2025 consiste en une analyse et une révision de la stratégie de digitalisation. «Ce que l’on appelle aussi réurbanisation, nous devons d’abord évaluer l’efficacité des systèmes HIS actuels, et leur interopérabilité; identifier les opportunités d’intégration de nouveaux acteurs IT; analyser ce qui est déjà réalisé pour s’assurer que cela correspond aux besoins futurs, afin d’établir les fondations d’une stratégie cohérente et mutualisée», a détaillé le directeur Christophe Nardin.

Les données de santé sont les plus chères que l’on peut trouver sur le dark web, bien plus que les données bancaires!

Christophe NardinDirecteurLuxith

Une fois les bases posées, la deuxième phase prévue pour 2025-2026 consistera à mettre en place un Health content management (HCM) commun. C’est le niveau au-dessus des systèmes HIS, mais encore en dessous du DSP ou de l’agence eSanté. «Cela pour faciliter l’archivage et la partage de documentation médicale, de connecter les systèmes hIS actuels ou encore de permettre la signature électronique. C’est aussi un atout en matière de cyber-résilience. Les données de santé sont les plus chères que l’on peut trouver sur le dark web, bien plus que les données bancaires! Si un des hôpitaux est attaqué, le HCM permet d’avoir au moins accès à certaines données», souligne Christophe Nardin. La plateforme d’archivage de l’imagerie médicale pourrait intégrer ce HCM à l’horizon 2027. 

Dans la lignée des ambitions gouvernementales

Une troisième phase, qui s’étale de 2026 à 2030, devrait permettre de créer un seul HIS, soit un seul système pour tous les hôpitaux. À condition de s’assurer que le système réponde toujours aux besoins de chacune des structures hospitalières. «Cela va demander du travail en plus pour les hôpitaux qui en ont déjà beaucoup. Cela nécessite aussi une structuration juridique qui soit renforcée. Nous attendons donc un soutien du ministère de tutelle. Sans gouvernance nationale, nous ne pourrons pas avancer seuls», ajoute Chirstophe Nardin. 

D’après l’accord de coalition, le gouvernement s’est justement engagé «à faire progresser rapidement la numérisation dans le système national de santé». Il est aussi mentionné que «la standardisation des formats de données et l’interopérabilité des solutions techniques seront encouragées, créant ainsi la base d’un écosystème règlementé dans lequel les patients et les prestataires de soins de santé peuvent communiquer entre eux en toute sécurité. Le dossier de soins partagé (DSP) sera optimisé et rendu plus convivial. À cette fin, il est essentiel que le cadre juridique et technique garantisse le plus haut niveau de protection et de sécurité des données de santé.»


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Ce projet aura aussi pour intérêt de fournir des données plus fiables et exploitables par les chercheurs. Un étudiant de l’Uni à la Healthcare Week a justement fait remarquer que les données n’étaient pas toujours exploitables, souvent composées de doublons. Le HCM devrait, selon Christophe Nardin, contribuer à améliorer leur qualité, et à répondre aux exigences futures de l’espace européen des données de santé.