Lors d’une visite officielle en Chine en 2017, le Premier ministre Xavier Bettel a rencontré le président chinois Xi Jinping. (Photo: Charles Caratini/SIP/Archives)

Lors d’une visite officielle en Chine en 2017, le Premier ministre Xavier Bettel a rencontré le président chinois Xi Jinping. (Photo: Charles Caratini/SIP/Archives)

Malgré les difficultés économiques de la Chine et le regain de tensions géopolitiques, le Luxembourg veut continuer à capitaliser sur sa relation privilégiée avec la deuxième économie mondiale. Notamment en développant l’écosystème naissant dans les paiements.

Le Luxembourg s’enorgueillit d’être un pont entre la Chine et l’Europe. De fait, il est l’un des principaux pôles d’affaires transfrontaliers du continent en yuans, ainsi qu’un important centre d’investissement cross-border entre les deux pays. Mais dans un contexte macroéconomique et géopolitique tendu, marqué par la retenue des investisseurs internationaux, . Qu’en est-il, dans ces circonstances, de la volonté de la Place de développer l’écosystème financier sino-luxembourgeois?

Du côté gouvernemental, la relation privilégiée du Luxembourg avec la deuxième économie mondiale n’est pas remise en question. Fait révélateur, l’accord de coalition contient un paragraphe sur le sujet. «Le Luxembourg maintiendra de bonnes relations bilatérales avec la Chine, en cohérence avec nos intérêts économiques et nos valeurs, dont les droits de l’homme», peut-on y lire.

Il faut tenir compte du contexte économique, mais aussi des tensions géopolitiques.
Camille Thommes

Camille ThommesdirecteurAlfi

Aux premières loges, l’Association luxembourgeoise de l’industrie des fonds (Alfi) ne dit pas autre chose. «Il est important de maintenir le dialogue et les relations commerciales avec la Chine, en tenant évidemment compte du contexte économique, mais aussi des tensions géopolitiques», souligne son directeur sortant, . «Le Luxembourg a été pionnier pour ouvrir l’accès des investisseurs internationaux à des produits financiers chinois et permettre l’exposition des fonds Ucits à de tels produits. Mais si les canaux sont ouverts, nous ne décidons pas de l’intérêt des investisseurs, institutionnels ou privés, de s’exposer ou non à la Chine.»

Pour le directeur de l’Alfi, ce marché présente un potentiel important. Beaucoup de maisons de fonds internationales se sont d’ailleurs établies en Chine, notamment pour servir le marché local: «Il y a une demande assez forte pour des produits de gestion sachant que les ménages chinois épargnent environ un tiers de leurs revenus. Les maisons de fonds cherchent aussi à se positionner sur le créneau des pensions, où une récente réforme a créé des opportunités.»

Dans la construction de notre relation avec la Chine, nous sommes encore au début.
Nicolas Mackel

Nicolas MackelCEOLuxembourg for Finance

Reste qu’en 2021, à leur pic, les actifs des fonds luxembourgeois en Chine atteignaient 126,9 milliards d’euros: modeste à l’échelle de l’industrie luxembourgeoise des fonds (plus de 5.000 milliards d’euros d’actifs sous gestion) alors qu’on parle de la deuxième économie mondiale. «C’est un marché en pleine émergence», estime le CEO de Luxembourg for Finance, .

«Dans la construction de notre relation avec la Chine, nous sommes encore au début», fait valoir le développeur d’affaires de la Place. «Nous avons eu beaucoup de succès en attirant sept banques chinoises au Luxembourg. Il s’agit maintenant d’élargir leurs activités. Les fonds d’investissement, en particulier, présentent un grand potentiel pour elles.»

D’autres observateurs voient, eux aussi, ces banques chinoises pousser à la croissance. Sur les sept établissements, quatre se sont établis au Luxembourg dans la dernière décennie. S’ils proposent principalement des services bancaires aux entreprises (financement du commerce, gestion de trésorerie, prêts syndiqués) et des services en yuans, ils ont développé des activités sur les marchés des capitaux en Europe, ainsi que la gestion d’actifs et de patrimoine. Présente au Luxembourg depuis 1979, Bank of China est aujourd’hui l’une des rares banques à y proposer des capacités de banque d’investissement.

Les activités des banques chinoises au Luxembourg peuvent continuer à se développer.
Fabio Regis

Fabio RegisdirecteurBank of China Europe

Directeur et responsable vente et développement au centre de gestion d’actifs de Bank of China Europe, Fabio Regis juge que «les activités des banques chinoises au Luxembourg peuvent continuer à se développer en remontant dans la chaîne de valeur». Dans une interview dans le dernier magazine Paperjam (édition de janvier), il considère aussi la présence de sept banques chinoises comme «un facteur déterminant pour attirer d’autres sociétés et entreprises de Chine». À l’instar des géants Alipay et China Union Pay, installés au Luxembourg et autour desquels pourrait se développer un véritable écosystème de paiements.

Autre cible: la finance durable. «Il faudrait développer davantage une architecture ESG au Luxembourg, des centres de données, des conseils techniques, juridiques et financiers dédiés à la thématique Chine», insiste Fabio Regis. La Place pourrait capitaliser sur le Green Bond Channel, une plateforme d’information créée par les bourses de Luxembourg, de Shanghai et de Shenzhen. Sur le gigantesque marché obligataire chinois, les émissions d’obligations vertes dépassent 55 milliards de dollars. En 2022, à rebours de la tendance mondiale, elles avaient augmenté de 50%.