Ce fait… d’hiver est presque anecdotique: le 21 janvier, le Registre de commerce et des sociétés a enregistré la «Holding des Dhuits», le transfert du siège social de la holding de Jean-Sébastien Decaux, benjamin des fils Decaux – le roi de la communication urbaine qui fournit par exemple à Luxembourg-ville ses vélos partagés – depuis Forest, dans la banlieue sud-ouest de Bruxelles. Pourquoi? Contacté via Terre&Fils, société d’investissement qui gère les projets philanthropiques du groupe JCDecaux et qu’il dirige, M. Decaux Jr n’était pas encore revenu vers nous à l’heure de boucler cet article.
Deux choses ont changé. Installée à Bruxelles depuis 2009, la holding n’avait encore jamais payé autant d’impôt qu’en 2022, même si les 170.000 euros ne sont pas «spectaculaires» eu égard aux participations qui sont logées dans la structure. Surtout, le gouvernement belge avait entamé une spectaculaire réforme fiscale, dévoilée en juillet 2022 et présentée en mars suivant… mais qui n’a pas survécu à l’été dernier.
Pour financer un allègement des impôts des personnes les plus en difficulté, le plan prévoyait notamment de rogner le régime des «revenus définitivement taxés» (RDT), mesures que certains ont chiffrées à 750 millions d’euros par an. Ce montant aurait donc été pris dans les poches des plus fortunés, notamment ces riches familles établies en Belgique depuis longtemps et davantage depuis la réforme de 2018, et reversé dans les poches des moins riches. De quoi faire grincer des dents.
«Il y a deux éléments», analyse un des partners du cabinet d’avocats belge Bloom-Law, Denis-Emmanuel Philippe, «cette séquence a installé l’idée que la fiscalité belge était instable et que de profonds changements pourraient survenir après les élections législatives de juin prochain. Cela a provoqué pas mal de remous. En particulier, certains investisseurs en private equity et certaines holdings familiales, qui allaient être lourdement impactés par le projet de réforme, ont commencé à imaginer transférer leur holding au Luxembourg. L’attrait du Grand-Duché réside non seulement dans son privilège mère-filiale (exonération des plus-values sur actions et des dividendes) souple, mais aussi et surtout dans la stabilité de la législation fiscale. La probabilité que le gouvernement s’attaque aux quelque 50.000 soparfi établies au Grand-Duché est faible.»
«Et puis», enchaîne l’avocat belge, «le régime des holdings est plus compréhensible au Luxembourg qu’en Belgique. Il est plus simple à comprendre.»
«D’après nos recherches basées sur toute une série de documents publics et sur les derniers bilans publiés, 40 des 500 plus grandes fortunes de France (selon le dernier classement réalisé par le magazine Challenges) détiennent pour 20 milliards d’euros de participations dans des sociétés logées en Belgique, parfois pour des raisons opérationnelles, souvent pour des raisons fiscales», écrivaient nos confrères de L’Echo en avril 2022.
Que fera le nouveau gouvernement luxembourgeois? C’est encore difficile à dire. La réforme structurelle imaginée par l’ancien ministre libéral des Finances, , en 2019, avait été abandonnée, faute de marge budgétaire, même si l’ex-Premier ministre, , jugeait qu’elle était nécessaire. Si le nouveau Premier ministre, , a promis lui aussi une réforme fiscale, . Le Premier ministre a aussi à maintes reprises cherché à rassurer la place financière. C’est toutefois via la fiscalité que Luc Frieden a commencé à exécuter ses promesses en allégeant les impôts des particuliers dès le 1er janvier.
Les changements politiques en Belgique replacent le Luxembourg dans la compétition généralement à trois en Europe, avec les Pays-Bas.
Pour la famille Decaux, le Luxembourg était déjà dans la shortlist: certaines de leurs sociétés y sont toujours logées.