Tax Justice Network classe le Luxembourg parmi les dix plus grands contributeurs au problème mondial des paradis fiscaux et du secret financier.  (Photo: Shutterstock)

Tax Justice Network classe le Luxembourg parmi les dix plus grands contributeurs au problème mondial des paradis fiscaux et du secret financier.  (Photo: Shutterstock)

Le monde perd 492 milliards de dollars à cause des abus fiscaux, en grande partie du fait du blocage par huit pays de la réforme fiscale de l’Onu, d’après le rapport annuel du Tax Justice Network paru ce mardi 19 novembre. Ce dernier place le Luxembourg parmi les dix premiers pays au monde en termes de pertes fiscales liées à l’abus de l’impôt sur les sociétés. 

Près des trois quarts des pertes fiscales mondiales des entreprises sont dues aux paradis fiscaux, ces juridictions à faible taux d’imposition, souvent inférieur à 10%. Le dernier rapport du Tax Justice Network (TJN) classe le Luxembourg parmi les dix plus grands contributeurs au problème mondial des paradis fiscaux et du secret financier – sans tenir compte du standard adopté par la communauté internationale qui ne place justement pas le pays parmi les paradis fiscaux.

Cette situation est en grande partie attribuée à l’opacité du système financier luxembourgeois qui, selon l’indice d’opacité financière 2022, obtient un score de 55, le plaçant parmi les 20 nations les plus opaques au monde. 

Le Luxembourg, aux côtés du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Suisse, forme ce que le rapport qualifie de l’«axe de l’évasion fiscale». Ensemble, ces pays sont responsables de 33% des pertes d’impôt sur les sociétés. L’indice des paradis fiscaux pour les entreprises 2024 du TJN révèle que cette coalition est également responsable de 46% des risques d’abus fiscaux à l’échelle planétaire.

Une nouvelle charte

Les gouvernements du monde entier perdent chaque année 492 milliards de dollars de recettes fiscales au profit des multinationales et des particuliers fortunés qui utilisent les paradis fiscaux pour se soustraire autant que possible à l’impôt. Les deux tiers de ces pertes, soit 347,6 milliards de dollars, sont imputables au transfert de bénéfices par les entreprises vers l’étranger afin de réduire leur charge fiscale. Les 144,8 milliards restants proviennent de particuliers aisés dissimulant leurs actifs à l’étranger pour échapper à l’impôt.

Près de la moitié de ces pertes proviennent de huit pays qui s’opposent à l’adoption d’une convention fiscale sous l’égide de l’Onu: l’Australie, le Canada, Israël, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, le Royaume-Uni et les États-Unis, indique l’étude. Ces «huit nuisibles», d’après le Tax Justice Network, coûtent au monde 212 milliards de dollars de pertes fiscales par an. 

En quête d’une réforme équitable, les Nations unies proposent une convention qui offrirait aux pays en développement des moyens renforcés pour combattre l’évasion fiscale. Contrairement à l’approche flexible de l’OCDE, la convention de l’Onu serait juridiquement plus contraignante et élargirait le champ d’application de ce nouveau règlement aux ressources renouvelables, reconnaissant leur importance croissante dans le mix énergétique mondial.

Malgré le soutien de 110 pays en août dernier, les huit opposants ont bloqué les négociations. Ces pays, responsables d’une part disproportionnée des pertes fiscales mondiales (43%), ne représentent qu’à peine 8% de la population mondiale. Le Royaume-Uni, par exemple, et ses territoires dépendants engendrent à eux seuls 129 milliards de dollars de pertes fiscales, soit 26% du total mondial.

«Les multinationales transfèrent de plus en plus de bénéfices vers les paradis fiscaux et paient moins d’impôts, ce qui illustre l’échec des tentatives de réforme menées par l’OCDE», souligne le rapport. Face à ce constat, le TJN appelle les pays à soutenir les négociations: «Les gouvernements ont désormais l’opportunité de faire un choix différent à l’Onu, celui d’utiliser la fiscalité pour protéger les populations, les économies et la planète.»

La négociation d’une convention onusienne permettrait d’éviter des pertes fiscales estimées à près de 5.000 milliards de dollars au profit des paradis fiscaux au cours des dix prochaines années, selon l’ONG.

. Mais les chiffres portent, pour les entreprises, sur les données récemment publiées par l’OCDE et qui datent de 2022 (même si un grand nombre de pays n’ont pas encore communiqué leurs données). Pour les particuliers, l’ONG s’est appuyée sur les données de dépôts bancaires disponibles auprès de la Banque des règlements internationaux (BRI).