Un empirisme dont convient l’OEF. La méthodologie retenue combine deux facteurs: le bénéfice avant impôt par employé réalisé par les banques dans une juridiction donnée et le taux effectif d’imposition des banques pratiqué dans celle-ci. Et à ce petit calcul, le Luxembourg est qualifié de paradis fiscal avec 16 autres juridictions: les Bahamas, les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Cayman, Gibraltar, Guernesey, Hong Kong, l’Irlande, l’île de Man, Jersey, le Koweit, Macao, Malte, Maurice, le Panama et le Qatar.
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Une fois cette liste établie, l’étude analyse les activités de 36 banques systémiques européennes opérant dans 11 pays européens et tenus de déclarer publiquement des données pays par pays sur leurs activités depuis 2015, et plus spécialement le niveau et l’évolution des bénéfices comptabilisés par ces banques dans les paradis fiscaux sur la période 2014-2020. Sont également calculés leurs taux d’imposition effectifs et leur déficit fiscal, défini comme la différence entre ce que ces banques paient actuellement en impôts et ce qu’elles paieraient si elles étaient soumises à un taux d’imposition effectif minimum dans chaque pays.
Un recours toujours significatif aux paradis fiscaux
De cette approche, il ressort d’après l’OEF que les principales banques européennes ont toujours recours «de manière significative» aux paradis fiscaux. Malgré des scandales comme LuxLeaks ou les Panama Papers. Ce sont ainsi 20 milliards d’euros – «soit 14% de leurs bénéfices totaux» – qui transitent par ces juridictions. «Un chiffre stable depuis 2014 malgré l’introduction de la divulgation obligatoire d’informations.» Sur l’échantillon, 8 banques ont accru leur activité dans les paradis fiscaux alors que 8 l’ont diminuée. 5 banques ne sont pas présentes dans ces juridictions et 7 y ont gardé une activité stable.
«La rentabilité des banques dans les paradis fiscaux est anormalement élevée: 238.000 euros par employé, contre environ 65.000 euros dans les pays non paradisiaques. Cela suggère que les bénéfices comptabilisés dans les paradis fiscaux sont principalement transférés hors des autres pays où la production de services a lieu. Environ 25% des bénéfices réalisés par les banques européennes de notre échantillon sont comptabilisés dans des pays dont le taux d’imposition effectif est inférieur à 15%», analyse l’OEF.
Toutes les banques n’ont pas la même pratique des «paradis fiscaux».
HSBC encore dans le viseur
Sur l’échantillon étudié, 9 ne comptabilisent aucun bénéfice avant impôts dans ces paradis. Pour les autres, ce pourcentage tourne autour de 20%, avec un record à 58% pour HSBC. Le taux d’imposition effectif moyen payé par les banques de l’échantillon est de 20%, avec un minimum de 10% et un maximum de 30%. Sept banques affichent un taux d’imposition effectif particulièrement bas, inférieur ou égal à 15%.
Deux banques sont pointées pour avoir une présence «relativement importante» dans les paradis fiscaux: HSBC – créée à Hong Kong – avec ses 58% de bénéfices comptabilisés dans les 17 paradis fiscaux et Banca Monte Dei Paschi di Siena (55%). Viennent ensuite Standard Chartered (33%) et Deutsche Bank (28%).
Élément-clé du raisonnement de l’étude: le bénéfice par employé. Il est 7 fois plus élevé pour les 17 pays lauréats que la moyenne mondiale. Soit 380.700 euros contre 51.400 euros. Cette valeur atteint les 2 millions d’euros pour les îles Vierges britanniques, 953.000 euros pour le deuxième du classement, les îles Cayman, et aux alentours de 400.000 euros pour le troisième sur le podium, le Luxembourg. Le Grand-Duché qui a, par contre, le taux d’imposition le plus élevé avec ses 15%. Malte, dernier du classement, est sous la barre des 150.000 euros pour un taux de taxation de 12%.
13 milliards d’euros de manque à gagner
Pour l’OEF, si le projet d’impôt minimum porté par le G20 et l’OCDE était appliqué, avec un taux d’imposition retenu de 25%, les banques devraient payer 10 à 13 milliards d’euros d’impôts supplémentaires par an. Si ce taux était de 15%, les bénéfices pour les finances publiques seraient compris entre 3 à 5 milliards d’euros. Pour l’OEF, une taxe minimale mondiale avec un taux de 25% est nécessaire pour freiner l’utilisation des paradis fiscaux par le secteur bancaire.
L’Observatoire européen de la fiscalité, créé par la Paris School of Economics et financé par la Commission européenne, est dirigé par l’économiste français Gabriel Zucman, spécialiste des inégalités sociales et des paradis fiscaux.