Manipuler «des systèmes écologiques et météorologiques à grande échelle» reste assorti «d’effets imprévisibles et incontrôlables», prévient le ministère de l’Environnement. (Photo: Shutterstock)

Manipuler «des systèmes écologiques et météorologiques à grande échelle» reste assorti «d’effets imprévisibles et incontrôlables», prévient le ministère de l’Environnement. (Photo: Shutterstock)

De la création de nuages artificiels à la capture directe de CO2 dans l’atmosphère, la géo-ingénierie ne manque pas de créativité pour imaginer des techniques pour lutter contre le changement climatique. Ce qui laisse sceptiques les experts du Giec. Quant au Luxembourg, il se prononce contre.

Il s’agirait de propulser du dioxyde de soufre dans la stratosphère pour réfléchir le rayonnement solaire, voire même de créer des nuages artificiels ou d’installer des miroirs dans l’espace. Ou encore de disperser du fer dans l’océan pour nourrir le phytoplancton, grand consommateur de CO2, ou de capturer ce CO2 directement dans l’atmosphère.

Les techniques pour manipuler le climat, dites de géo-ingénierie, ne manquent pas. Présentées comme des solutions pour faire face à l’urgence de la crise climatique, elles sont cependant loin de faire l’unanimité.

Elles ne convainquent en tout cas pas la ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, (déi Gréng), réticente à cet égard: «Le gouvernement est convaincu que la seule et unique manière de contrecarrer de manière efficace et durable le réchauffement planétaire consiste à réduire de manière conséquente les émissions de gaz à effet de serre (GES)», assurait-elle ainsi le 10 juin 2021 dans une réponse à une question parlementaire des députés (DP) et (DP).

«Dévier l’attention»

Car manipuler «des systèmes écologiques et météorologiques à grande échelle» reste assorti «d’effets imprévisibles et incontrôlables», rappelle, en guise d’explications, le ministère. En outre, cela «risquerait de dévier l’attention du fonds de la problématique», à savoir sortir des énergies fossiles et préserver les forêts et les autres écosystèmes (qui constituent eux-mêmes des stocks importants de carbone).

La position gouvernementale est même plus dure que celle du groupe d’experts sur l’évolution du climat (Giec). Car celui-ci nuance sa position en distinguant deux catégories d’ingénierie climatique: la gestion du rayonnement solaire («solar radiation management», ou SRM) et la capture de carbone («carbon dioxide removal», ou CDR).

Les techniques de SRM – création de nuages, installation de miroirs dans l’espace ou encore propulsion de dioxyde de soufre dans la stratosphère – laissent très sceptiques les experts du Giec. Car non seulement des doutes subsistent quant à leur efficacité, mais ces méthodes pourraient avoir des conséquences très néfastes, notent-ils: perturbation de la chimie de la stratosphère, modification du régime des pluies et de la circulation météorologique, exposition accrue aux rayons ultraviolets… Sans compter que leur financement, très coûteux, devrait être maintenu pendant des centaines d’années et que leur interruption pourrait provoquer une flambée des températures.

Le Giec plus nuancé

Les experts du Giec ont un avis plus nuancé concernant les techniques de CDR. Celles-ci consistent notamment à maintenir et augmenter les puits de carbone naturels (par exemple en nourrissant le phytoplancton) ou à séquestrer du carbone dans des couches géologiques. Le Giec estime même qu’elles seraient nécessaires pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris.

Cependant, trois rapports récents du Giec en pointent les limites, note le ministère de l’Environnement dans sa réponse: «L’utilisation à grande échelle des technologies d’élimination du dioxyde de carbone de l’atmosphère est susceptible d’avoir des effets secondaires négatifs», estimerait ainsi le Giec. «D’où la nécessité d’augmenter les efforts de réductions des émissions de GES d’origine humaine au niveau global afin de limiter le recours aux techniques de CDR, à l’aide des puits naturels, au strict minimum et sans devoir recourir à la séquestration de carbone dans les couches géologiques.»

Indiquer clairement les risques

Dans tous les cas, que ce soit les techniques de CDR ou de SRM, le ministère de l’Environnement assure lutter bec et ongles face à l’utilisation de ces méthodes. Lors de l’approbation, par les gouvernements, des rapports du Giec, le gouvernement «demande systématiquement à ce que les risques pour l’environnement naturel et humain des techniques de géo-ingénierie soient clairement indiqués.» Et insiste sur le fait que les objectifs de l’accord de Paris – limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C, et si possible de 1,5°C, par rapport au niveau préindustriel – peuvent être atteints sans y recourir.

Mais le temps presse: en l’état actuel des choses, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) prévient que le monde se dirige tout droit vers une augmentation des températures de plus de 3°C.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Green, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité verte au Luxembourg.