En première ligne dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, les compliance officers des banques et autres institutions financières sont inondés de documents contenant des recommandations en la matière. La littérature pour les autorités de supervision du secteur financier se fait par contre quelque peu plus rare.
Cet été, la Banque mondiale a justement publié . Un manuel dans lequel les auteurs citent le Luxembourg à titre d’exemple en matière de publication des sanctions administratives. À cette occasion, la Banque mondiale revient ainsi sur imposée par la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) à la BIL, le 16 mars 2020.
Se basant sur à l’époque, la Banque mondiale rappelle que l’amende faisait suite à deux inspections réalisées par la CSSF en 2017 et 2018. Celles-ci avaient permis d’identifier certaines faiblesses dans le processus de surveillance de la banque en matière de surveillance d’un segment limité de sa clientèle dont le risque inhérent était considéré comme élevé. La Banque mondiale explique alors que la somme de l’amende infligée avait été proportionnelle au chiffre d’affaires de la BIL et qu’elle avait alors rapidement réagi pour remédier aux faiblesses identifiées.
Un effet dissuasif
La Banque mondiale cite l’exemple luxembourgeois pour illustrer la pratique de publication des sanctions administratives en cas d’infraction aux règles liées à l’anti-blanchiment par des institutions financières. Cette pratique est plus communément connue sous le nom de «name and shame» et reste loin de faire l’unanimité parmi les acteurs de la supervision bancaire. À cet égard, la Banque mondiale précise qu’aucun des deux documents de référence en la matière, ni les recommandations du Gafi (Groupe d’action financière) ni les principes fondamentaux de Bâle sur la supervision bancaire n’obligent les régulateurs à rendre les sanctions publiques.
De façon générale, le Gafi encourage les gendarmes des secteurs bancaires nationaux à publier les résultats de leurs actions de supervision et à fournir des détails sur les défaillances identifiées au sein des entités surveillées. Cette pratique devrait permettre à chaque établissement de crédit de prendre note des conséquences en cas de manquement à la législation anti-blanchiment. Selon le Gafi, diffuser les sanctions prudentielles contribue à la transparence de l’application de la loi.
Outre l’effet dissuasif recherché, la Banque mondiale souligne que divulguer le nom d’une institution financière sanctionnée renforce la surveillance à l’échelle internationale. De la sorte, les régulateurs d’autres juridictions où est active la banque concernée peuvent également décider de procéder à des inspections de leur côté. Si la maison mère d’un groupe bancaire ne se trouve pas en conformité, «il existe des motifs raisonnables de croire que ses filiales et succursales à l’étranger» ne le sont pas non plus.
La législation européenne a tranché
À l’inverse, le manuel de la Banque mondiale note une série de cas où des régulateurs pourraient freiner des quatre fers pour publier leurs sanctions administratives. «Cela peut ternir la réputation de l’institution ou, en fait, du secteur dans son ensemble, et ainsi saper la confiance du public et des investisseurs dans le système financier de la juridiction.» Les auteurs observent d’ailleurs que les autorités peuvent faire preuve de réticence à divulguer publiquement les noms des entités sanctionnées dans les pays où le secteur financier a été affaibli par une crise financière.
Le risque pour les entités sanctionnées repose aussi dans leur capacité à se refinancer. Avec une réputation entachée, leur accès au marché interbancaire deviendrait plus difficile, voire impossible. Les banques étrangères pourraient décider de mettre un terme à leur relation de banque correspondante avec elles. Cela pourrait être perçu comme une double peine pour les institutions bancaires implantées.
Le débat quant à la nécessité de publier ou non les sanctions n’a, en revanche, plus de raison d’être en Europe. Depuis 2015, une directive du Parlement européen que les mesures administratives pour violation des règles anti-blanchiment soient publiées par les régulateurs sur leur site internet immédiatement après que l’entité sanctionnée a été informée. La publication doit contenir au minimum des informations sur le type et la nature des manquements et l’identité de l’entité visée. Aussitôt publiée, la sanction administrative est sans appel. La pratique du «name and shame» est donc inscrite dans la législation européenne. Mais il n’y a pas que les institutions financières qui peuvent se faire prendre. Les autorités de supervision et les États, eux aussi, peuvent se retrouver pointés du doigt, notamment à la suite des inspections du Gafi.