Le Luxembourg, avec un taux de propriétaires de leur résidence principale de plus de 70% est ce qui peut être appelé une démocratie de propriétaires. Le pays compte par ailleurs 387 logements pour 1.000 habitants contre 468 logements pour 1.000 habitants dans les pays de l’OCDE.  (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne/Archives)

Le Luxembourg, avec un taux de propriétaires de leur résidence principale de plus de 70% est ce qui peut être appelé une démocratie de propriétaires. Le pays compte par ailleurs 387 logements pour 1.000 habitants contre 468 logements pour 1.000 habitants dans les pays de l’OCDE.  (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne/Archives)

La Fondation Idea a publié sa contribution aux Assises – anticipées – du logement. Quelques pistes sont évoquées pour faire face à la crise du logement, comme une alliance public-privé pour augmenter la construction de logements neufs, ou le fait de se tourner plutôt vers le marché locatif.

«Si pendant longtemps, l’objectif de la politique du logement au Luxembourg était de permettre et d’accompagner le pays à devenir une démocratie de propriétaires, ce qui était un bon objectif, il me semble qu’aujourd’hui on est arrivé à un stade, compte tenu de la situation actuelle, où cet objectif devrait bouger», explique l’économiste de la Fondation Idea Michel-Edouard Ruben. Sa contribution aux Assises – anticipées – du Logement, prévues le 22 février prochain, a en effet récemment été publiée.

«L’objectif devrait donc être “nous allons faire en sorte d’arriver à augmenter le nombre de logements neufs produits chaque année”, car c’est bien le stock de logements qui doit augmenter. Quand on regarde les prévisions du Statec, il faudrait réussir à construire 6.000 à 7.000 logements tous les ans, et ça devrait être l’objectif, il ne devrait pas y avoir d’objectif de prix. Malgré tout, augmenter la quantité n’est pas une garantie que les prix deviennent accessibles».

Mais comment y parvenir? Michel-Edouard Ruben défend son idée: «je serai pour créer une alliance, un accord signé, en bonne intelligence, entre les différents partenaires privés, publics, avec pourquoi pas des entreprises, des institutionnels. Pendant la pandémie, ce type d’accord a été possible dans d’autres secteurs, donc pourquoi pas pour le logement?», interroge l’économiste. «Mais qui doit acquérir ces logements? Pas forcément des particuliers. Il va y avoir de la séparation du foncier et du bâti. Le territoire ne doit-il pas devenir plus locatif que par le passé, à l’instar des grandes métropoles?»

Devenir un État bâtisseur

Car le pays, avec un taux de propriétaires de leur résidence principale de plus de 70% est ce qui peut être appelé une démocratie de propriétaires. 80% des Luxembourgeois sont propriétaires et 50% des résidents étrangers aussi, ce qui est quasiment le double du taux de propriétaires parmi les résidents étrangers dans la moyenne des pays européens (26%). Le Luxembourg compte par ailleurs 387 logements pour 1.000 habitants contre 468 logements pour 1.000 habitants dans les pays de l’OCDE.

«Cela fait des années que le nombre de ménages progresse davantage que le nombre de logements construits, et donc le stock de logements vacants se réduit chaque année un peu plus et est en réalité moins important que ce qui est parfois cru. Les recettes attendues au titre de l’impôt sur la non-occupation de logements le prouvent. Il y a par conséquent une urgente nécessité pour le Luxembourg de devenir un État bâtisseur.»

Sur la question des prix…

Dans ce document de travail, on peut également lire qu’en 2013, les taux d’intérêt étaient plus ou moins au-dessus de 2,5%, et le prix au mètre carré à 4.500 euros. En 2022 ces taux d’intérêts ont dépassé les 3% en fin d’année et le prix au mètre carré est désormais à environ 8.500 euros. «Pour avoir le pouvoir d’achat immobilier qui était celui de 2019, sachant qu’en 2019 on se plaignait déjà de difficultés d’accession à la propriété, arithmétiquement, il faudrait que les prix reculent de 35%. Mais ce n’est pas une bonne idée parce que la crise du logement, c'est quand les prix augmentent et c’est terrible; mais quand les prix plongent, c’est une crise immobilière, et c’est généralement encore plus horrible. Par ailleurs, le Luxembourg a besoin de nouveaux logements et d’investissements résidentiels. Des prix qui chutent trimestre après trimestre ne sont pas le meilleur incitant pour investir et ne donnent pas envie aux banques de prêter», précise Michel-Edouard Ruben.

«Les promoteurs sociaux ne contribuant que marginalement à la mise sur le marché de nouveaux logements (…), il faudra(it) éventuellement troquer la ‘politique du logement social’ pour une ‘politique sociale du logement’», explique Michel-Edouard Ruben. (Photo: Romain Gamba)

«Les promoteurs sociaux ne contribuant que marginalement à la mise sur le marché de nouveaux logements (…), il faudra(it) éventuellement troquer la ‘politique du logement social’ pour une ‘politique sociale du logement’», explique Michel-Edouard Ruben. (Photo: Romain Gamba)

L’économiste énumère dans son document d’autres principes, comme le fait de cesser d’opposer l’opportunité de soutenir la demande et le besoin d’augmenter l’offre. Il faudrait aussi selon lui valoriser le principe selon lequel créer des logements pour tous n’est possible qu’ensemble, reconnaître que des prix immobiliers élevés sont, hélas, un corollaire de la réalité du Luxembourg qui est un petit pays riche avec une forte vitalité démographique, ou encore cesser de (faire) croire que construire plus signifie baisse automatique des prix immobiliers et amélioration instantanée de l’accessibilité à la propriété.

«Les promoteurs sociaux ne contribuant que marginalement à la mise sur le marché de nouveaux logements et ne parvenant pas à freiner l’allongement de leur liste d’attente, il faudra(it) éventuellement troquer la politique du logement social pour une politique sociale du logement qui vise à rendre accessible le fait de se loger au Luxembourg y compris dans des logements (qui valent cher) détenus par des acteurs privés», explique le document.

Pour répondre à cette crise du logement «sans cesse évoquée dans les médias et les discours politiques ces dix dernières années, alors que le marché immobilier connaissait un cycle d’une ampleur exceptionnelle marqué par la flambée des prix et l’envolée de l’endettement des ménages, qui est (enfin) là, précipitée par la remontée des taux d’intérêt», Michel-Edouard Ruben propose, plutôt des «mesures» que des solutions.

La crise du logement c’est quand les prix augmentent et c’est terrible; mais quand les prix plongent, c’est une crise immobilière, et c’est généralement encore plus horrible.
Michel-Edouard Ruben

Michel-Edouard RubenÉconomisteFondation Idea

«À court terme: il faudra augmenter la demande immobilière effective pour qu’elle puisse rencontrer et servir l’offre. Certains y verront de vieilles recettes avec des effets distributifs indésirables, mais le plus évident pour (re)solvabiliser la demande passe par des mesures de type faveur fiscale (baisse de TVA, réduction de droits d’enregistrement, subvention d’intérêt, hausse du plafond de la déductibilité d’emprunt, réintroduction des transferts de plus-value, etc.).»

S’appuyer sur le Fonds spécial de soutien au développement

L’économiste pense également au Fonds spécial de soutien au développement, qui finance principalement les projets de promoteurs sans but lucratif, «et qui pourrait par exemple augmenter ses acquisitions auprès des promoteurs privés.» Il cite aussi le fait de «distribuer aux ménages les quelques 500 millions d’euros de cagnotte qui semblent déborder des caisses de l’État (). Que ces 500 millions d’euros soient utilisés pour la stratégie nationale du logement abordable n’est-ce pas une alternative qui vaut le coup?», interroge-t-il.

Michel-Edouard Ruben évoque également une information venue d’Allemagne, «qui est à la source de certains éléments de la fiscalité du Luxembourg, qui est passée inaperçue au Grand-Duché et mérite d’être citée : l’amortissement pour usure est passé de 2 à 3% dans le pays (six mois avant la date initialement prévue) et l’amortissement exceptionnel pour les logements locatifs neufs, éteint au 1er janvier 2022, a été remis en place.» Une des pistes proposées par la Fondation Idea pour relancer la production de logements est l’abrogation du nouveau régime d’amortissement accéléré.