Les robots de l’industrie du futur sont développés dans le X d’Alphabet. (Photo: Shutterstock)

Les robots de l’industrie du futur sont développés dans le X d’Alphabet. (Photo: Shutterstock)

Le Luxembourg détiendrait-il indirectement des parts dans le X? Un des investissements du fonds Orbital Ventures, lancé en 2019 par Étienne Schneider pour amener du business de l’espace au Luxembourg, interpelle. No comment, répond Promus Ventures.

Rassurez-vous: il ne s’agit ici ni d’évoquer le sort d’une entreprise qui a pignon sur rue au Boulevard Royal et qui a dû retirer 80% du contenu qu’elle proposait sur PornHub parce qu’il mettait en scène des enfants ou des mineurs, ni celui d’un autre groupe du Kirchberg qui semble finalement avoir renoncé à se mettre à nu devant des investisseurs, charme de l’introduction en Bourse, pour sa technologie de streaming au service du porno «sur mesure»…

Non, au risque de rapidement doucher les ardeurs du lecteur émoustillé par le titre, le «X» en question renvoie à l’appellation des insiders du X d’Alphabet (la maison-mère de Google), dans lequel sont installés les projets les plus futuristes ou les plus audacieux du groupe. Depuis février 2001, Alphabet a racheté 251 sociétés pour tuer la concurrence dans l’œuf ou dans le cadre de ses projets plus ambitieux. La dernière, Open Robotics, a été fondée en 2012 par un des ingénieurs en robotique de… Google. La société d’une quarantaine d’ingénieurs de très haut vol rejoint Intrinsic dans ce qui semble être une nouvelle ambition d’Alphabet via le X: les robots intelligents au service de l’industrie de demain.

Notre mission chez Intrinsic consiste à démocratiser la robotique.
Wendy Tan White

Wendy Tan WhiteCEO d’Intrinsic

Celle qui en parle le mieux, c’est justement celle qui dirige cette partie, Wendy Tan White. «Notre mission chez Intrinsic consiste à démocratiser la robotique. La demande est là maintenant, mais l’accès est encore limité. C’est encore essentiellement soit l’apanage des chercheurs, soit l’industrie lourde qui utilise les robots de la même manière depuis 30 ans», explique la CEO d’Intrinsic, qui évoque l’ambition de renverser la table et d’amener les technologies développées par des start-up.

La pépite de Bezos, Musk et Zuckerberg

Qu’est-ce que cela peut bien avoir à faire avec le Luxembourg? L’avant-dernière acquisition du X via Intrinsic, le 22 avril 2022, était une autre société spécialisée dans la robotique, Vicarious, active depuis une douzaine d’années. Ses logiciels, qui permettront à des robots de devenir beaucoup plus intelligents, avaient déjà attiré plus de 250 millions de dollars d’investissements et de grands noms, comme Jeff Bezos, Elon Musk, Mark Zuckerberg ou Samsung. 

Selon le dernier rapport annuel publié par Promus Ventures, celui de 2021, le fonds luxembourgeois Orbital Ventures détenait à ce moment plus d’un million d’actions de Vicarious, 1,1% du capital, valorisé à 3,6 millions de dollars. Ces actions sont-elles toujours dans le périmètre du fonds créé à l’initiative de l’ex-ministre de l’Économie, (LSAP), après la débandade Planetary Resources?

«Nous sommes liés par la confidentialité et nous ne pouvons donc malheureusement pas commenter notre position dans Vicarious», répond un des gestionnaires du fonds, Pierre Festal, par mail. Il faudra donc attendre fin juillet-début août pour aller vérifier la présence ou pas de cette participation dans le rapport annuel d’Orbital Ventures.

D’Akhasha à Vicarious

Comment Orbital Ventures a-t-il pu se mêler à des investisseurs aux poches aussi profondes que Bezos, Musk, Zuckerberg et compagnie? Par un heureux concours de circonstances, en sommes-nous réduits à supputer devant le silence officiel.

Parmi les premiers investissements du fonds, créé dès 2019 et doté en janvier 2020 de 70 millions d’euros venus du ministère de l’Économie, de la BCEE, de la BGL BNP Paribas, de la BIL, d’OHB, de Promus Ventures, de Post, de SES et de la Société nationale de crédit et d’investissement, les investisseurs aguerris dans le domaine spatial de Promus avaient retenu Akhasha, une marque de Boston Polarimetrics, pour 2 millions de dollars (7,27% des parts), et SeerAI pour un million de dollars (20%).

Les deux millions dans Akhasha montrent combien Promus est un investisseur avisé dans le secteur de l’espace: la start-up est drivée par le gratin de l’imagerie informatique poussée, Achuta Kadambi (diplômé du MIT, professeur adjoint à l’UCLA et sur la liste Forbes 2019 «30 Under 30 in Science»), Ramesh Raskar (prof au MIT, et ex-X de Google et ex-Facebook) et Kartik Venkataraman (moins connu mais détenteur de plus de 100 brevets d’imagerie). La série A à 10,7 millions de dollars, à laquelle a participé Orbital Ventures, avait été emmenée par Vinod Khosla, fondateur de Sun Microsystems, dont la fortune est passée de 2,6 milliards de dollars en 2020 à 6,9 milliards aujourd’hui, selon Forbes, à la faveur des entrées en bourse d’Affirm et de DoorDash et des SPAC de QuantumScape et Opendoor.

10 pays fabriquent 70% des biens mondiaux

Forcément, dans le petit monde bouillonnant de Palo Alto en Californie, il n’a pas fallu longtemps pour que Vicarious s’aperçoive du potentiel d’Akhasha et l’engloutisse à son tour. Un rachat «bienveillant» qui n’a pas cherché à éjecter les petits investisseurs et pour un montant confidentiel. C’est donc là, en septembre 2021, que Promus Ventures aurait converti ses 7,27% des parts d’Akhasha en actions de Vicarious, déjà liée à Vinod Khosla depuis 2017.

Dernier chapitre, Vicarious tombe à son tour dans le giron d’Intrinsic, en juillet 2022, pour un montant non dévoilé. Contactés par Paperjam, les responsables des relations avec la presse ont quasiment la même réponse que chez Promus Ventures. «Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de partager des détails sur les conditions de l’acquisition», répond Scott Coriell.

Kartik Venkataraman (ex-CEO d’Akasha Imaging) et Scott Phoenix (ex-CEO de Vicarious) entourent la CEO d’Intrinsic, Wendy Tan White, qui compte faire de cette entreprise du X d’Alphabet le futur pourvoyeur de technologie d’une industrie robotisée. (Photo: Intrinsic)

Kartik Venkataraman (ex-CEO d’Akasha Imaging) et Scott Phoenix (ex-CEO de Vicarious) entourent la CEO d’Intrinsic, Wendy Tan White, qui compte faire de cette entreprise du X d’Alphabet le futur pourvoyeur de technologie d’une industrie robotisée. (Photo: Intrinsic)

«En déverrouillant l’accès à ces incroyables outils de productivité, nous espérons soutenir une transition vers une façon plus durable et équitable de faire les choses. Actuellement, seuls 10 pays fabriquent 70% des biens mondiaux. Cela signifie que la plupart des produits sont fabriqués loin de leurs consommateurs finaux, ce qui entraîne des émissions mondiales de transport, et de nombreux pays et entreprises ratent des opportunités économiques. Même les pays dotés de secteurs manufacturiers solides ont besoin d’aide pour répondre à la demande: l’industrie manufacturière américaine à elle seule devrait compter 2,1 millions d’emplois non pourvus d’ici 2030», expliquait la CEO d’Intrinsic, en 2021.

Avouez que le Luxembourg ait une star du X dans son portefeuille, ça claque. Même si la probabilité d’amener du business au Grand-Duché est assez réduite.

Cet article est issu de la newsletter hebdomadaire Paperjam Tech, le rendez-vous pour suivre l’actualité de l’innovation et des nouvelles technologies. Vous pouvez vous y abonner .