L’emménagement, en novembre dernier, de Louis Vuitton dans l’ancien magasin Bonn illustre l’appétit des marques haut de gamme pour les emplacements de premier choix. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

L’emménagement, en novembre dernier, de Louis Vuitton dans l’ancien magasin Bonn illustre l’appétit des marques haut de gamme pour les emplacements de premier choix. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Omega, Louis Vuitton, ou encore Hermès… les enseignes haut de gamme font bouger le marché de l’immobilier commercial dans la capitale, et de nouvelles ouvertures se profilent. Explications.

Les files observées lors du l’ont démontré: il existe à Luxembourg-ville une demande prononcée pour les articles de luxe. Près d’un an plus tard, le phénomène s’observe peut-être moins nettement, mais ne s’essouffle pas pour autant: Omega a ouvert voici quelques jours un flagship store à l’angle de la rue Philippe II et de la Grand-Rue, une première au Benelux pour la marque suisse, qui compte seulement 12 points de vente de ce type dans le monde.

Dans la rue Philippe II, toujours, la boutique Hermès est actuellement en train de se refaire une beauté, et confirme ainsi son ancrage dans la capitale, tandis qu’à quelques mètres de là, dans l’ancien magasin de meubles Bonn Frères.

Trois nouvelles enseignes d’ici l’été

«Le luxe se porte bien, et la demande émane de ce secteur, on n’a pas fini de voir des boutiques de luxe ouvrir dans les mois qui viennent», assure Virginie Chambon, retail director chez Impakt SA. Selon elle, trois nouvelles enseignes premium se préparent à ouvrir d’ici au mois de juin: la marque de vêtements Brunello Cucinelli occupera la cellule laissée vacante par le départ de Tango vers le centre Royal-Hamilius, rue Philippe II; le joaillier Messika va s’installer à côté de Louis Vuitton, vers la place d’Armes; tandis qu’une boutique de mode multimarque – Saint-Joseph – est attendue dans le bas de la rue Philippe II, à la place de l’ancien Marc Jacobs, non loin de la rue Notre-Dame.

«L’arrivée de Brunello Cucinelli est un bon signal qu’on envoie au marché: le luxe est là, et il se diversifie. Ce ne sont pas seulement les grandes enseignes des groupes LVMH, Richemont et Kering», ajoute Virginie Chambon, qui observe que «la joaillerie-horlogerie, c’est un segment du luxe qui continue à bien se porter malgré la crise sanitaire».

«Attendre le bon locataire pour maintenir un loyer très élevé»

Outre le centre-ville, la tendance se marque aussi dans les centres commerciaux, comme en témoigne l’ouverture de l’enseigne multimarque helvète Les Ambassadeurs, à la Cloche d’Or, mais aussi la récente extension de la , au City Concorde.

«On est dans un segment où l’on peut entrer dans des centres commerciaux avec des positionnements assez haut de gamme», confirme Dimitri Collignon, head of retail chez JLL. L’agent a observé en 2020 un sur le maintien des loyers commerciaux à un niveau élevé, de l’ordre de 150 euros/mois/m2 HTVA sur les emplacements «prime». «Tous ces emplacements ‘prime’ ne perdent pas de valeur», explique Dimitri Collignon, qui affirme même que «ces valeurs locatives maintenues autour de 150 euros/m2 confortent un peu les propriétaires dans leur position d’attendre le bon locataire pour maintenir un loyer très élevé».

Et puis, si la Grand-Rue et la rue Philippe II comptent aujourd’hui une vingtaine de cellules vacantes, nombreuses sont celles à pâtir de dimensions exiguës, peu au goût d’enseignes internationales. Il reste néanmoins des grandes surfaces, comme, par exemple, l’ancien , reconverti en pop-up store, mais aussi son voisin Zara, .

À mes yeux, la solution se trouve dans un partenariat entre occupants et propriétaires, comme le ‘turnover rent’.

Virginie Chambonretail directorImpakt SA

«Quelques occupants se sont profilés, mais je pense que le problème du loyer va se poser: les grands bailleurs sont très rares, souvent actifs dans le segment de la mode, qui connaît des difficultés actuellement, ou du sport, dont les marges ne leur permettent pas de payer ce niveau de loyer. À mes yeux, la solution se trouve dans un partenariat entre occupants et propriétaires, comme le ‘turnover rent’» – entendez par là un loyer calqué sur le chiffre d’affaires du commerce –, détaille Virginie Chambon.

Chère rentabilité

Reste à voir si les propriétaires sont enclins à jouer le jeu. Dimitri Collignon redoute l’effet de la fin de vague du Covid, qui donnerait aux bailleurs le sentiment que les commerçants vont pouvoir reprendre le cours de leurs affaires comme avant.

Enfin, si les marques haut de gamme sont historiquement prêtes à payer un petit peu plus pour leur loyer, elles accordent beaucoup d’importance au passage et à la visibilité de la vitrine. Avec un tourisme longue distance affaibli par la crise sanitaire et un souci évident de rentabilité, les enseignes réfléchissent à deux fois avant de signer. Voilà pourquoi les dents creuses demeurent une réalité dans le centre-ville, à l’ombre des boutiques premium.