La population et les entreprises luxembourgeoises vont-elles préférer Luxchat à WhatsApp? Disponible gratuitement depuis le 7 novembre, cette nouvelle messagerie instantanée se présente comme un service «de confiance, garantissant la sécurité et le chiffrement des échanges de bout en bout». Autre garantie, celle que «les données des différents utilisateurs ne seront pas exploitées à des fins commerciales». Décryptage en quatre chapitres.
1. Financement
Il y a trois grands acteurs derrière Luxchat: Lu-Cix GIE (un groupement d’intérêt économique où sont représentés les principaux opérateurs télécoms du Luxembourg), la Chambre de commerce et le ministère de la Digitalisation. Le GIE et la Chambre de commerce cofinancent le projet, «pour un montant très raisonnable», souligne le CEO de Lu-Cix GIE et président du conseil de gouvernance de Luxchat, Claude Demuth.
Difficile de chiffrer précisément le coût du projet vu son caractère décentralisé, ajoute celui qui fait office de porte-parole de Luxchat: «Je peux parler de la contribution de Lu-Cix, qui a personnalisé et adapté l’application: trois à quatre ingénieurs ont travaillé à plein temps sur le projet pendant trois à quatre mois. À cela s’ajoutent des frais externes de l’ordre de 100.000 euros.»
Quatre sponsors apportent également une contribution financière: le Centre de gestion informatique de l’éducation, Lu-Cix asbl, Luxembourg House of Cybersecurity et Post Luxembourg. De plus, souligne Claude Demuth, le ministère de la Digitalisation apporte «un soutien en nature en nous permettant de réutiliser – en l’adaptant – l’app Luxchat4Gov, lancée en mai dernier pour les agents du secteur public».
2. Potentiel commercial
À ce stade, Luxchat est proposé gratuitement par cinq prestataires: outre Lu-Cix GIE, il s’agit d’ION/Mbox, Luxembourg House of Cybersecurity (pour les professionnels de la cybersécurité), Luxembourg Online et Mixvoip. Cette liste a vocation à s’allonger, selon Claude Demuth: «Si nous avons une dizaine de prestataires dans deux ans, ce sera bien.»
Ces fournisseurs doivent respecter plusieurs conditions, notamment ne pas proposer de publicité sur l’app et ne pas monétiser les données des utilisateurs. Quel est leur intérêt à participer? «Il y a en tout cas un intérêt marketing: faire parler de soi», répond Claude Demuth. «Certains pensent plus loin: en proposant une version gratuite pour le grand public, ils acquièrent les compétences pour développer – comme le permet la gouvernance de Luxchat – des services additionnels payants dans une optique B2B.»
Mais pour le représentant de Luxchat, c’est le B2C qui constitue le débouché le plus important: «Notre messagerie offre une solution plus sécurisée pour communiquer avec la clientèle que les e-mails et les SMS. On sent un intérêt dans plusieurs secteurs: industrie, santé, télécoms, transports… Si on atteint une masse critique, le potentiel commercial est énorme.»
Post analysera le moment venu l’utilité et le besoin de devenir soi-même prestataire.
Contacté par Paperjam, Orange montre un intérêt à devenir prestataire Luxchat et à l’utiliser pour ses clients. «Aujourd’hui, nous interagissons avec nos clients via WhatsApp et Messenger. Nous sommes très heureux de proposer prochainement ce nouveau canal à nos clients», annonce l’opérateur.
Du côté de Post, les réflexions sont en cours, fait savoir le directeur de Post Telecom, : «Pour le grand public, Post recommande clairement l’utilisation du prestataire Lu-Cix en tant que partenaire de confiance. Dans le contexte de solutions sur mesure pour entreprises, Post analysera le moment venu l’utilité et le besoin de devenir soi-même prestataire.»
3. Stockage des données
Les données et les messages des utilisateurs de Luxchat sont stockés de manière décentralisée, sur les serveurs des différents prestataires. «Un disque commun n’a pas de sens: cela représenterait un point de défaillance unique pour le pays», justifie Claude Demuth.
L’utilisateur choisit donc son prestataire. Si les conditions générales d’utilisation et la politique de confidentialité sont identiques d’un fournisseur à l’autre, chacun d’entre eux porte la responsabilité juridique et technique du stockage, précise le représentant de Luxchat: «Formellement, si un utilisateur n’est pas sur le même serveur que son partenaire de communication, les données sont dupliquées: chacun des deux prestataires est responsable de la copie qui se trouve chez lui. Le fonctionnement s’apparente en fait à celui des e-mails.»
4. Identification
L’inscription nécessite (pour l’heure) un numéro de téléphone luxembourgeois. Pour créer un compte et se connecter à Luxchat, l’utilisateur passe par LuxID. et portée par Cactus, les CFL, Post Luxembourg et RTL, LuxID est présentée comme «une solution sécurisée de login commune offrant une expérience unifiée sur les sites Internet et applications fournis par des sociétés luxembourgeoises s’adressant au marché de la Grande-Région».
LuxID est disponible depuis le 7 novembre. À ce jour, indique Post, «les seuls clients en production sont les prestataires de Luxchat. D’autres clients suivront prochainement. LuxID étant compatible avec le login des applications web de Post Luxembourg, tous les utilisateurs des applications MyPost peuvent déjà se connecter à LuxID avec leurs identifiants MyPost.»
Peut-on voir dans LuxID une solution d’authentification concurrente à LuxTrust? «Dans le contexte de Luxchat, non», assure Claude Demuth. Et quid de l’accès aux données par la justice? Réponse du représentant de Luxchat: «En cas d’enquête judiciaire, les forces de l’ordre ou les juridictions luxembourgeoises pourront demander à LuxID les données signalétiques personnelles (par exemple le numéro mobile) d’un utilisateur Luxchat spécifique.»