En 2022, 995.000 tonnes ont été manutentionnées par les équipes de LuxairCargo, un chiffre en diminution de 13% sur un an après avoir connu un record 1.124.652 tonnes transportées en 2021 en raison de la crise sanitaire. (Photo: Edouard Olszewski/Maison Moderne/Archives)

En 2022, 995.000 tonnes ont été manutentionnées par les équipes de LuxairCargo, un chiffre en diminution de 13% sur un an après avoir connu un record 1.124.652 tonnes transportées en 2021 en raison de la crise sanitaire. (Photo: Edouard Olszewski/Maison Moderne/Archives)

Luxair devrait céder sa branche cargo à une entreprise détenue à 100% par Cargolux. À condition que la soumission émise par Lux-Airport pour deux licences au Findel soit retenue.

Luxair tourne le dos à son activité cargo. La création de Luxcargo Handling au registre du commerce est très claire sur le transfert de l’activité à Cargolux. Mais un grand nombre de zones d’ombre subsistent, qui permettent de comprendre pourquoi les partenaires sociaux organisent un piquet de protestation, ce vendredi 29 septembre, sur fond d’inquiétude pour l’avenir des 1.200 salariés de LuxairCargo.

Luxair et Cargolux n’ont pas souhaité répondre à nos questions, Lux-Airport reste vague. Le 1er mai 2023, la Société de l’aéroport de Luxembourg (Lux-Airport) a lancé une soumission publique pour l’attribution de deux licences pour la fourniture de services d’assistance en escale (fret). Autrement dit, remettre sur la table les deux licences auparavant détenues par Luxair. «Conformément à la législation européenne, les licences de services d’assistance en escale (fret) doivent faire l’objet d’un appel d’offres public et le nombre minimal tout comme le nombre maximal des licences à attribuer sont arrêtées légalement à la fois pour ouvrir le marché et tenir compte des limitations infrastructurelles des différents aéroports. Ces licences sont identiques et couvrent le même domaine d’activité», a indiqué la communication de Lux-Airport.


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La procédure indique que jusqu’à six candidats pouvaient y participer et qu’ils devaient remettre leur soumission pour le 1er juin, mais l’appel d’offres a été décalé d’un mois. Ce n’est que 15 jours plus tard (mi-juillet) que le projet de transfert d’activité entre Luxair et la nouvelle société de Cargolux a été officialisé. Les deux licences portent sur une durée de 84 mois (7 ans).

Toujours dans cette soumission, le champ d’application des deux licences en question porte sur plusieurs services comme: le traitement du fret et du courrier en ce qui concerne le transport spécifique du fret et du courrier entre l’aéroport et l’aéronef à l’arrivée, l’aide au stationnement des avions, le chargement et le déchargement des fournitures des avions, la communication entre l’avion et les fournisseurs de services sur la piste ou encore, entre autres, le refroidissement et le chauffage de la cabine, l’enlèvement de la neige et de la glace ou le dégivrage de l’avion.

Selon Lux-Airport, «l’attribution des licences aura lieu en novembre 2023, sous réserve des aléas de la procédure». Le nouveau détenteur des licences devra commencer dès le 1er janvier 2024 son activité sur le Findel.

Des installations LuxairCargo à moderniser

«Tout est vieux», affirme-t-on du côté des syndicats en parlant des installations de LuxairCargo, la branche fret de Luxair. Selon certaines estimations, il faudrait investir près de 200 millions d’euros pour moderniser les installations et outils afin de rester compétitif sur un marché du fret à très forte concurrence et actuellement sous tension.

Mais pour le moment, la stratégie de Luxair se porte prioritairement sur le renouvellement de sa flotte avec la commande récente de . En attendant, la compagnie a pris en leasing deux Boeing 737-8. Pour information, ce type d’avion est affiché (prix catalogue) à 126 millions de dollars.

Si Luxair n’a pas formellement confirmé son désir d’abandonner sa branche cargo, on peut constater dans le registre du commerce un transfert d’activité vers la nouvelle société Luxcargo Handling (le 29 août). «Avec effet au 31 décembre 2023, sous réserve de l’attribution d’une licence à Luxcargo Handling SA suite à sa candidature à l’appel d’offres public n°2300633», peut-on y lire.

Sans connaître le montant de ce transfert, les documents montrent que Luxcargo Handling a été valorisée à 15 millions d’euros.

L’inquiétude des syndicats

Du côté des syndicats LCGB et OGBL, qui organisent un piquet de protestation ce 29 septembre, le silence de Luxair sur le sujet ne passe pas.

Si les syndicats considèrent que Cargolux est un repreneur fiable et local, ils veulent des garanties sur le maintien de la convention collective qui couvre les 1.200 salariés de LuxairCargo, qui deviendraient des salariés de Luxcargo. Ils souhaitent également conserver les mêmes avantages, comme un tarif préférentiel sur les billets d’avion Luxair, ou du moins une compensation.

«Pendant la pandémie, les salariés de LuxairCargo ont été considérés comme des héros. Mais depuis, ils ne sont pas du tout considérés, voire même abandonnés par la direction de Luxair, qui ne communique pas et laisse dans l’incertitude des salariés qui ont fait de nombreux efforts pendant des années», résume-t-on du côté des deux syndicats, qui sont récemment sortis vainqueurs d’un .

Mais plus globalement, les syndicats s’inquiètent aussi de la stratégie de Luxair. «Abandonner la branche cargo, c’est aussi un démantèlement de la compagnie aérienne qu’est Luxair», n’hésite pas à souligner la secrétaire centrale de l’OGBL en charge du secteur de l’avion, Michelle Cloos. Pour rappel, Luxair, comme la grande majorité des acteurs du secteur aérien, a souffert pendant la pandémie, obligeant le gouvernement à mettre en place une tripartite aviation.

«Notre inquiétude va aussi au-delà de ce scénario. Car si Luxcargo Handling ne remporte pas la soumission et les deux licences?» Les 1.200 salariés seraient alors transférés dans l’entreprise qui gagnera le marché. «Nous ne souhaitons pas qu’ils se retrouvent dans une entreprise qui ne connaît ni le pays ni la tradition du dialogue social», souligne le secrétaire syndical du LCGB en charge du secteur de l’aviation, Paul de Araujo.

Cargolux, le scénario idéal

Les liens entre Cargolux et Luxair sont importants, qu’ils soient directs ou indirects. Sur le tarmac, 80% de l’activité de LuxairCargo consistait à travailler pour son plus grand client, Cargolux. D’un autre côté, Luxair est actionnaire, minoritaire, de Cargolux.

Mais cela avait permis à la compagnie aérienne de recevoir en 2022 un dividende d’environ 35 millions de dollars de Cargolux en sa qualité d’actionnaire à hauteur de 35,1%.

-13% pour le cargo, priorité sur le passager

À l’inverse du tourisme, le cargo avait explosé pendant la crise, avec un record de 1.124.652 tonnes transportées en 2021 chez LuxairCargo. Un chiffre qui diminue de 13% en 2022 pour atteindre 995.000 tonnes, toujours plus qu’en 2019 et 2020. Si le secteur du fret a connu des débouchés extraordinaires – avec des prix à 15 euros le kilo contre actuellement 0,60 euro le kilo – au plus fort de la crise, . Pas certain que LuxairCargo ait les reins assez solides pour y faire face, ce qui pourrait expliquer la nouvelle stratégie de désengagement.

D’un autre côté, les perspectives sur le segment passagers paraissent plus radieuses. Les dernières données montrent une forte reprise du nombre de passagers. Il a doublé depuis 2021 pour atteindre 2,05 millions au total: 1,2 million pour Luxair Luxembourg Airlines et 850.000 pour LuxairTours. Même si la compagnie avait transporté un total de 2,15 millions de passagers en 2019 et de 2,13 millions en 2018. Luxair se positionne de plus en plus comme un acteur réactif sur le segment du moyen-courrier, proposant périodiquement en fonction de son attrait commercial.

Dès lors, se concentrer sur l’aspect passager et laisser l’aspect cargo entre les mains de Cargolux, un spécialiste en la matière, semble être une bonne idée sur le papier. Ainsi, Cargolux aurait la main sur quasiment l’ensemble de sa chaîne logistique au Luxembourg. À condition de remporter cette soumission ouverte à six candidats et ces fameuses licences. Réponse en novembre.