Selon la Commission européenne, Lufthansa vole bien assez pour ne pas perdre ses «slots» et n’a donc pas besoin de maintenir des avions sans passagers. (Photo: Shutterstock)

Selon la Commission européenne, Lufthansa vole bien assez pour ne pas perdre ses «slots» et n’a donc pas besoin de maintenir des avions sans passagers. (Photo: Shutterstock)

Lufthansa n’a pas besoin de faire voler des «avions fantômes», a répondu la Commission européenne après l’annonce de 18.000 vols maintenus, bien que sans passagers, pour conserver ses précieux «slots». Solidaire des Allemands, Luxair s’est jointe à une demande d’allègements… que fustige Ryanair.

«La solution au problème des ‘vols fantômes’ de Lufthansa est simple: il suffit de vendre ces sièges aux consommateurs.» Après avoir assiégé les institutions européennes et certaines des organisations du secteur aérien, Ryanair avance à visage découvert.

Alors que Lufthansa avait indiqué qu’elle devrait opérer 18.000 vols cet hiver sans avoir beaucoup de réservations, pour ne pas risquer de perdre ses «slots», la compagnie à bas coûts enfonce la compagnie allemande. «Si Lufthansa a vraiment besoin d’opérer ces vols (uniquement pour empêcher la libération de ces créneaux aux compagnies aériennes concurrentes), alors elle devrait être obligée de vendre ces sièges au public à bas prix. Les citoyens allemands et européens ont déjà renfloué Lufthansa avec des milliards d’aides d’État à Lufthansa et à ses filiales, Brussels Airlines, Swiss et Austrian, et au lieu d’exploiter des vols à vide juste pour pouvoir bloquer des créneaux, Lufthansa devrait libérer les sièges sur ces vols pour les vendre à petits prix afin de récompenser les contribuables allemands et européens qui l’ont subventionnée à coups de milliards d’euros pendant la crise du Covid», dit-elle dans un communiqué.

Lufthansa adore pleurer des larmes de crocodile sur l’environnement lorsqu’elle fait tout son possible pour protéger ses créneaux horaires.

Michael O’LearyCEO de Ryanair

«Lufthansa adore pleurer des larmes de crocodile sur l’environnement lorsqu’elle fait tout son possible pour protéger ses créneaux horaires. Les créneaux horaires bloquent la concurrence et limitent le choix dans les grands aéroports comme Francfort, Bruxelles Zaventem ou Vienne, entre autres. Si Lufthansa ne veut pas opérer de ‘vols fantômes’ pour protéger ses créneaux, vendez simplement ces sièges à bas prix et contribuez à accélérer la reprise des voyages aériens court-courriers et long-courriers vers et depuis l’Europe», insiste le CEO de la compagnie irlandaise, Michael O’Leary. «Ryanair demande à nouveau à la Commission européenne d’obliger Lufthansa et d’autres compagnies aériennes subventionnées par l’État à libérer des créneaux qu’elles ne souhaitent pas utiliser afin que les ‘ghostbusters’ à bas prix comme Ryanair, entre autres, puissent offrir du choix, de la concurrence et des tarifs plus bas dans ces aéroports pivots.»

28 mars, trop tôt pour relever les taux

Traditionnellement, les compagnies aériennes tentent d’avoir les meilleurs créneaux horaires de décollage et d’atterrissage pour pouvoir vendre des billets à leur clientèle. De plus en plus rares et de plus en plus chers au fur et à mesure du développement du secteur aérien, ces «slots» ne sont conservés que si la compagnie aérienne les opère 80% du temps. Comme c’est régulièrement le cas pendant une crise, les autorités ont descendu ce taux à 50% pendant la pandémie de Covid-19, avant d’indiquer qu’elles allaient progressivement le remonter. Le 28 mars à la fin de la période hivernale, pour l’instant, le taux remontera à 68%.

Une compagnie qui ne vole pas vers une destination à un horaire précis risque de perdre son précieux «slot»

Mais pour nombre de compagnies, le variant Omicron a ruiné une timide reprise du trafic, et remonter le chiffre est un cauchemar. C’est le cas de Lufthansa, même contredite par la Commission européenne qui a calculé que la compagnie allemande volait bien plus que les 50% autorisés – et donc qu’elle pouvait parfaitement se permettre d’annuler certains vols.

C’est aussi le cas de Luxair, qui évoque «un impact économique de plusieurs centaines de milliers d’euros». La compagnie nationale considère que la décision va «à l’encontre de la conduite sociale et environnementale à tenir par une compagnie aérienne. Sur certaines lignes, elle estime que la moitié de ses créneaux aéroportuaires sont à risque alors qu’en règle générale, cela représente seulement un quart des créneaux sur les aéroports réguliers.»

Un front à plusieurs niveaux

«Luxair se joint à toutes les compagnies aériennes en Europe qui lancent un appel urgent à la Commission européenne pour demander l’allègement, immédiat et rétroactif pour la saison hivernale 2021-2022, de la politique des créneaux aéroportuaires, et ce pour toute la durée de la situation Covid. À ce titre, la compagnie aérienne salue officiellement les démarches des gouvernements allemand, néerlandais et luxembourgeois en faveur de cette mesure», fait-elle savoir par e-mail. 

Le 12 janvier, sept directeurs généraux de l’aviation civile, dont le Luxembourgeois Marc Reiter, ont demandé cette suspension au directeur général de la DG Move de la Commission européenne, Henrik Hololei. Un autre front s’ouvre pour l’Union européenne, puisque les régulateurs des hubs asiatiques, comme Singapour et Hong Kong, ont menacé les Européens de représailles si les compagnies européennes étaient «obligées» de voler à vide vers eux. Selon eux, leurs long-courriers mettront plus de temps à se rétablir et à pouvoir voler vers l’Europe.

Le pavé dans la mare lancé par Lufthansa relance les discussions au niveau de l’Organisation internationale du trafic aérien et du Parlement européen, où des voix s’élèvent pour mettre en place un système de trading sur un marché secondaire. Autrement dit que les «slots» restent la propriété d’une compagnie, qui pourrait toutefois en céder l’usage, sur une période courte, à une autre compagnie.