S’il y a eu quelques surprises dans la composition du gouvernement, elles sont dues à l’entrée de deux impétrantes, inconnues du grand public, nommées ministres: Martine Deprez pour le CSV à la Santé et à la Sécurité sociale et pour le DP, nommée ministre de la Digitalisation, de la Recherche et de l’Enseignement supérieur. Le DP qui, à côté de ses poids lourds annoncés, promeut également un non-député, qui a quand même réussi en juin dernier à devenir bourgmestre de Schieren à l’âge de 29 ans. sera ministre de la Culture et ministre délégué au Tourisme.
Questionné sur l’opportunité de nommer ministres des personnalités non élues – ce qu’il n’est d’ailleurs pas le premier Premier ministre à faire – on peut songer à (LSAP), à (DP), voire, si on remonte plus loin dans le temps, à (CSV) –, (CSV) a rappelé qu’«un gouvernement n’est jamais élu. Il est nommé par le Grand-Duc sur proposition du formateur et des partis. Et je crois qu’il est bon parfois pour des compétences particulières d’ouvrir le cercle des candidats ministres.»
Martine Deprez: une femme de chiffres à la tête de la Sécurité sociale
Pour ce qui est du choix des huit ministres chrétiens-sociaux, «j’avais l’embarras du choix. J’ai essayé de tenir compte d’un certain nombre de critères, dont évidemment la répartition géographique entre les circonscriptions – une spécificité luxembourgeoise –, de l’âge, du sexe et de la compétence dans certaines matières. Je pense que je suis arrivé à trouver un équilibre, une harmonie entre les personnes. Et je crois que j’ai réussi à constituer, ministres DP inclus, une équipe gouvernementale homogène pour préparer l’avenir du pays.»
Le ministère de la Santé aura donc échappé à un médecin. L’offre de services de Gérard Schockmel (DP) aura donc été écartée au profit d’une mathématicienne, , qui aura dans sa main le ministère de la Santé et celui de la Sécurité sociale. Ministère qui devra aussi se pencher sur l’avenir du système de pensions. Le grand absent de la campagne. Présentée comme la spécialiste des régimes de retraite, la nomination d’une spécialiste des chiffres à un tel poste risque de susciter des remous.
Le Logement pour Claude Meisch en plus de l’Éducation
Si les ministres CSV dominent en nombre le gouvernement, en termes d’expérience de l’action gouvernementale, c’est le DP qui semble le mieux placé. Sur ses sept ministres, cinq sont des ministres sortants. Et tous occupent des postes-clés. Notamment l’Économie pour , qui s’occupera en plus de la question énergétique, la Famille et la Solidarité pour et, autre surprise, le Logement couplé avec l’Aménagement du territoire – deux compétences jusqu’à présent séparées – pour . Qui garde également la responsabilité de l’Éducation nationale malgré le fait qu’il ait été bousculé par les syndicats enseignants durant la campagne. Cumul qui a déjà suscité des réactions négatives. (Piraten) a été le premier à dégainer.
Du côté des libéraux, avant de présenter les futurs ministres, Xavier Bettel (DP) a jeté un regard en arrière: «Je suis fier du travail qui a été fait ces dix dernières années et je me réjouis du challenge pour les cinq prochaines années, de travailler avec un nouveau partenaire de coalition, dans l’intérêt du pays et de ses citoyens. C’est avec un pincement au cœur que nous avons eu ce matin le dernier conseil de gouvernement. Quand vous travaillez pendant dix ans avec des gens, vous construisez des amitiés, des complicités et des relations. Je suis persuadé que la nouvelle coalition va faire de son mieux pour que le pays que nous aimons tant reste ce pays.»
Pour ce qui est des raisons ayant conduit à la sélection de la partie DP de l’équipe gouvernementale, ce sont les résultats des élections qui ont d’abord été pris en compte. Mais pas que. «Max Hahn et Claude Meisch ont été les deux mieux élus dans le Sud; Yuriko Backes et moi-même dans le Centre; Éric Thill est quatrième dans l’Ouest derrière trois hommes; Lex Delles a aussi été le premier. Je suis content que Stéphanie Obertin ait accepté de prendre cette tâche. Nous ne sommes pas un parti qui veut imposer des quotas. Nous avons essayé de trouver un équilibre entre les régions, entre les professions, entre les capacités, entre les expériences et cela nous est égal si c’est un homme ou une femme. Ce n’est pas regardé comme un homme ou une femme, mais comme la bonne personne au bon endroit.»
Luc Frieden en coordinateur
Ceci posé, alors que la priorité lors des négociations de l’accord de coalition étaient les questions transversales – logement, santé, climat, pauvreté –, il n’y aura pas de grand ministère ayant une vue globale sur ces thématiques. La facture du gouvernement Frieden-Bettel est on ne peut plus classique.
De facto, Luc Frieden se place comme le chef d’orchestre de ce gouvernement, celui qui fera le lien entre chaque ministère. Ce qui explique que, contrairement à la tradition des chefs de gouvernement luxembourgeois, il se contentera de n’être «que» ministre d’État et n’aura aucun autre ressort ministériel.
«J’estime que la mission du Premier ministre est de coordonner l’action du gouvernement. Mon rôle sera donc, comme leader de cette équipe, de faire en sorte que le programme gouvernemental soit mis en musique. Ce sera ma compétence première. Parler avec les ministres, faire en sorte que le programme soit appliqué, c’est cela le rôle d’un Premier ministre.»
Une approche de la fonction gravée dans le marbre: Luc Frieden a abandonné la dénomination traditionnelle de ministre d’État au profit de celle de Premier ministre. Et si la fonction de ministre des Cultes, liée à celle de chef de gouvernement, demeure sous sa responsabilité, sa mention a été omise.
Luc Frieden disposera également en la personne d’ d’une ministre déléguée qui lui rapportera directement sur les questions liées aux relations avec le Parlement ainsi que des questions liées au secteur des médias et des communications. Ce dernier inclut la responsabilité de la politique numérique du pays ainsi que la surveillance de l’essor de l’intelligence artificielle.
Interrogé spécifiquement sur ce sujet à l’occasion du numéro spécial élections distribué cet été par Paperjam, il déclarait la chose suivante: «L’IA est une chance pour l’Europe et pour notre pays, à condition d’accompagner les gens dans cette énorme innovation que constitue l’intelligence artificielle. Il faut y voir d’abord une chance avant d’y voir un risque. Et les risques peuvent être encadrés.»
Le temps de l’action est arrivé
À l’issue du Congrès national qui a validé l’accord de coalition – du moins ses grands principes – et le choix des ministres, Luc Frieden laissait transparaître une grande satisfaction.
«C’est la fin d’un long parcours commencé en janvier pour moi et dont les dernières semaines comme formateur du gouvernement ont été intenses. Je suis ravi que tout le CSV ainsi que le DP aient donné leur accord à l’unanimité. C’est une bonne nouvelle pour le début de cette coalition qui n’attend plus que de commencer son travail.»
Les principaux axes de l’action gouvernementale ainsi que les premières mesures fortes de la nouvelle équipe seront évoqués ce jeudi 16 novembre dans la matinée, après la signature officielle de l’accord de coalition entre le CSV et le DP à l’Hôtel Saint Augustin, le siège du ministère d’État. On devrait en savoir plus sur la manière dont les différentes administrations se coordonneront pour prendre à bras le corps les grands problèmes transversaux mis en avant.