Luc Frieden sera la tête de liste du CSV lors des élections législatives qui se tiendront le 8 octobre prochain. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Luc Frieden sera la tête de liste du CSV lors des élections législatives qui se tiendront le 8 octobre prochain. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Économie compétitive, place financière forte, finances publiques saines, croissance «durable et inclusive», réponses claires et concrètes aux problèmes des gens: Luc Frieden, qui mènera le CSV lors des élections législatives, a évoqué avec Paperjam son retour et ses ambitions pour le Luxembourg.

, pour désigner la tête de liste nationale qui mènera le parti lors des législatives du mois d’octobre.  a sans surprise été choisi, à l’unanimité, par les membres de l’état-major du CSV. Le nom du président de la Chambre de commerce, d’Eurochambres et du conseil d’administration de la BIL, par ailleurs partner au sein du cabinet Elvinger Hoss Prussen, circulait avec insistance depuis plus d’une semaine.

Le titre d’une interview que vous aviez accordée à Paperjam en mai 2019 était: «Toujours politique». Une bonne analyse…

Luc Frieden. – «L’intérêt général, la chose publique, l’avenir du pays et de l’Europe m’ont toujours passionné. Je suis un être intéressé par la politique, mais au sens large du terme: la gestion de la société et la préparation de son avenir m’intéressent et me passionnent.


Lire aussi


Quand avez-vous pris la décision de devenir un possible candidat comme tête de liste nationale du CSV pour les prochaines élections législatives?

«J’ai longtemps réfléchi, mais on m’a convaincu que mon expérience dans le secteur public, dans les grands ministères régaliens – Justice, Défense, Finances – ainsi que dans le secteur privé – Chambre de commerce et secteur financier –, me donne les outils nécessaires pour pouvoir contribuer à façonner l’avenir du pays.

Qui a été à l’initiative de votre candidature?

«Ce sont les coprésidents du CSV qui m’ont demandé, en décembre, s’ils pouvaient consulter les instances du parti sur mon nom. J’ai donné mon accord à la mi-janvier – les vacances de Noël étaient destinées à la réflexion.

Vous attendiez-vous à une telle proposition?

«Non, je ne m’y attendais pas.

J’ai décidé de renoncer, dans les prochaines semaines, à l’ensemble de mes mandats et activités professionnelles.
Luc Frieden

Luc FriedenCSV

Vous avez différents mandats au sein de la Chambre de commerce, d’Eurochambres, de la BIL, dans lesquels vous disiez vous épanouir. Le choix a-t-il été difficile?

«La décision a été effectivement difficile. Mais aider à diriger ce pays est l’aboutissement de tout mon parcours professionnel et personnel. Donc, pour servir mon pays, j’ai décidé de renoncer, dans les prochaines semaines, à l’ensemble de mes mandats et activités professionnelles. Je veux me consacrer pleinement à cette course importante. Et, afin d’assurer une transition responsable, je ferai cela d’ici la fin du mois d’avril.

Avez-vous posé des conditions particulières à votre retour effectif au CSV?

«Non. Nous sommes alignés sur le fait que le pays fait face à des défis géopolitiques et macroéconomiques majeurs. Or, nous observons que le gouvernement n’a plus l’énergie nécessaire pour avancer. Il y a des blocages évidents au sein de la coalition actuelle. Par exemple, sur les sujets de la fiscalité et du logement, chacun tire dans une autre direction. Les défis sont tels que nous ne pouvons pas avoir de blocages: il faut avancer. Nous sommes tous en phase pour faire avancer le pays afin que les problèmes des gens trouvent des réponses.

Le gouvernement n’a plus l’énergie nécessaire pour avancer.
Luc Frieden

Luc FriedenCSV

On vous décrit souvent comme un libéral. Vous reconnaissez-vous dans ce terme?

«Pour avoir un État social responsable, nous avons besoin d’une économie compétitive et d’une place financière forte. Il faut donc une dose de libéralisme combinée à un sens social fort. Le CSV doit être un parti fort du centre, qui prend les soucis des gens au sérieux, sans être dans l’idéologie. C’est en cela que ce terme ne reflète pas entièrement ma pensée.

Quel modèle de croissance voulez-vous?

«Je veux une croissance, mais une croissance durable et inclusive. Je veux que les gens paient moins d’impôt pour vivre mieux. Mais, pour cela, il faut un environnement économique qui permette de créer de bons emplois, de payer de bons salaires – c’est cela que je vois dans la croissance durable et inclusive. Je veux conduire la liste d’un CSV nouveau, qui a une ligne claire et cohérente, à la fois sur le plan économique et social.

Nous avons besoin d’une économie compétitive et d’une place financière forte.
Luc Frieden

Luc FriedenCSV

Qu’est-ce que ce «CSV nouveau»?

«Un parti qui a à la fois l’expérience du gouvernement, mais qui a aussi réussi à mettre en avant, ces dernières années, des jeunes que je veux absolument associer au leadership. Nous avons tout ce qu’il faut pour diriger le pays avec un programme d’avenir, responsable et raisonnable, et non pas basé sur une idéologie d’il y a 30 ans.

Comment cela va-t-il se traduire d’un point de vue programmatique?

«Avec des vues claires et concrètes sur les problèmes des gens. Et un programme qui tourne autour d’une économie compétitive, d’un État social fort – mais avec une sélectivité sociale, en soutenant ceux qui en ont vraiment besoin – et d’une transition écologique et digitale de l’économie qui doit être soutenue par un plan Marshall pour qu’elle réussisse.

Je veux aussi associer tous ceux qui sont récemment devenus Luxembourgeois – je suis l’auteur, en tant que ministre de la Justice, de la loi sur la double nationalité. Tout cela, c’est le CSV nouveau: un parti qui inclut, qui fait une politique pour l’ensemble de la population, et essentiellement les classes moyennes.

Nous sommes un petit pays qui doit inclure, et donc la cohésion sociale, qui est à la base de la stabilité économique et sociale, est essentielle.
Luc Frieden

Luc FriedenCSV

Que répondez-vous à ceux qui considèrent que vous ne représentez pas le renouveau d’un CSV qui s’était pourtant donné la mission de se renouveler?

«Qu’ils ne me connaissent pas.

Le CSV reste-t-il le grand parti populaire du pays?

«La force du CSV a toujours été de faire une politique pour l’ensemble de la population. C’est pour cela que c’est un parti dit ‘populaire’. Et je veux aussi – et c’est pour moi extrêmement important pour diriger cette liste – que la cohésion sociale soit l’élément-clé de notre société: nous sommes un petit pays qui doit inclure, et donc la cohésion sociale, qui est à la base de la stabilité économique et sociale, est essentielle.

Luc Frieden entouré par les ténors du CSV à l’issue du Conseil national, ce 1er février: Martine Hansen, Claude Wiseler, Gilles Roth, Christophe Hansen, Stéphanie Weydert et Elisabeth Margue. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Luc Frieden entouré par les ténors du CSV à l’issue du Conseil national, ce 1er février: Martine Hansen, Claude Wiseler, Gilles Roth, Christophe Hansen, Stéphanie Weydert et Elisabeth Margue. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Vous avez quitté votre siège de député quelques mois après la défaite électorale de 2013. Certains, au CSV, n’ont-ils pas gardé de l’amertume à votre égard?

«Sans nul doute, l’un ou l’autre regrette que j’aie quitté la politique en 2013. Mais j’avais besoin d’une nouvelle énergie, de me changer les idées. Et le fait que j’ai été dans le monde des entreprises, grandes et petites, au cours des 10 dernières années est un atout considérable pour pouvoir diriger ce pays.

On parle depuis 10 ans de Google, mais je ne vois encore aucune grue sur le chantier de Bissen.
Luc Frieden

Luc FriedenCSV

En quoi est-ce le cas?

«La combinaison entre secteur privé et secteur public, dans mon expérience, m’a fait changer moi-même: je regarde certaines choses depuis l’intérieur des entreprises pour bien comprendre ce dont elles ont besoin. La Chambre de commerce a été extrêmement utile à cet égard, puisqu’elle regroupe commerces, industries, services, y compris services financiers. J’ai pu constater où sont les problèmes des entreprises: elles ont besoin de décisions plus rapides et d’un environnement fiscal et réglementaire qui leur permettent de se développer.

Or, aujourd’hui, les entreprises ont de grandes difficultés à se développer. L’expérience malheureuse de Fage n’en est qu’un exemple: chaque jour, on leur mettait de nouvelles conditions… Et on parle depuis 10 ans de Google, mais je ne vois encore aucune grue sur le chantier de Bissen. Indépendamment du résultat, c’est une catastrophe si les décisions ne sont pas prises rapidement.

Quelles sont vos ambitions pour ces élections législatives?

«Que le CSV reste, au soir des élections, le plus grand parti du pays. Et qu’il puisse, après 10 ans dans l’opposition, entrer au gouvernement afin qu’il y ait des alternatives à la coalition des trois partis qui est au pouvoir depuis 10 ans et qui ne semble plus avoir l’énergie pour apporter de nouvelles idées.


Lire aussi


Avec votre position au centre, un schéma de coalition naturel avec le DP n’émerge-t-il pas?

«Le rapprochement se fera autour des programmes. Le CSV pourra faire des coalitions avec tous les partis démocratiques. Ce qui importe, c’est que le ou les partis avec lesquels les coalitions pourront se faire partagent les grandes lignes économiques et sociales que je vais porter. Sinon, cela ne sert à rien: nous voulons faire avancer le pays, pas entrer dans une nouvelle logique de blocage entre partis.

Les gens paient aujourd’hui plus d’impôts qu’il y a 10 ans. Il faut absolument réduire la charge fiscale des classes moyennes.
Luc Frieden

Luc FriedenCSV

Une alliance avec l’ADR est-elle envisageable?

«Je veux une politique du centre, une politique qui mette l’économie et l’Homme au milieu, et qui soit compatible avec notre programme. Cela se fait difficilement avec les extrêmes.

Quels seront, selon vous, les thèmes majeurs de ces élections législatives?

«Emploi, logement, fiscalité, santé: ce sont là les grands sujets sur lesquels je veux, avec mon équipe du CSV, convaincre les électeurs du centre, en leur montrant que nous avons des idées concrètes pour améliorer leur quotidien.

Dans un contexte de crise, où les inégalités et le risque de pauvreté sont à la hausse, quelle vous paraît être la mesure sociale la plus urgente?

«Il faut s’assurer que les gens aient plus de revenus nets. La fiscalité est donc, sans aucun doute, le premier chantier, à côté du logement. Il faut s’assurer que les gens, quels que soient leurs moyens, puissent disposer d’un logement abordable.

C’est en essayant d’avoir une politique sociale plus sélective qu’on peut réduire les dépenses au lieu de distribuer à tout un chacun, indépendamment de son revenu.
Luc Frieden

Luc FriedenCSV

Vous voulez donc baisser la charge de l’impôt sur les ménages?

«Oui, les impôts ont augmenté ces dernières années: la TVA, la TVA logement, la retenue à la source sur les intérêts ont été augmentées. Il n’y a pas non plus eu d’adaptation à l’inflation. Ainsi, les gens paient aujourd’hui plus d’impôts qu’il y a 10 ans. Il faut absolument réduire la charge fiscale des classes moyennes.

En diminuant les recettes fiscales, comment lutter contre la hausse de la dette publique?

«La dette publique est aujourd’hui la plus élevée depuis que nous avons l’euro, et le déficit public est au plus haut depuis de nombreuses années. Il faut donc faire en sorte que nous ayons une activité économique forte, qui génère des recettes fiscales. Et c’est à travers un soutien aux entreprises, avec une croissance durable et inclusive, que nous pouvons baisser les impôts. C’est aussi en essayant d’avoir une politique sociale plus sélective qu’on peut réduire les dépenses au lieu de distribuer à tout un chacun, indépendamment de son revenu.

Je plaide pour que l’économie luxembourgeoise reste une économie ouverte, crédible pour les investisseurs, et elle ne le sera que si les finances publiques sont stables et si la fiscalité est moins élevée que dans la moyenne des pays de l’OCDE.
Luc Frieden

Luc FriedenCSV

La limite de 30% de dette publique par rapport au PIB est-elle sacrée à vos yeux?

«Nous discuterons de cela lors de l’élaboration du programme électoral. Mais je veux des finances publiques stables. Ce n’est pas moi qui ai proposé la limite des 30%. J’ai toujours plaidé, à l’époque, pour une limite inférieure à 30%. L’essentiel n’est cependant pas le pourcentage, c’est d’avoir des finances publiques stables. J’ai réussi, en tant que ministre des Finances, à toujours conserver le fameux triple A, ce qui est important pour une économie ouverte aussi petite que la nôtre. Je plaide pour que l’économie luxembourgeoise reste une économie ouverte crédible pour les investisseurs, et elle ne le sera que si les finances publiques sont stables et si la fiscalité est moins élevée que dans la moyenne des pays de l’OCDE.

Dans une période telle que la nôtre, où les crises se succèdent, faut-il investir ou, au contraire, se diriger désormais vers davantage d’austérité?

«Les investissements publics sont essentiels, et je plaide pour un plan Marshall pour la transition écologique et digitale, tant au niveau de l’État que des entreprises. Les investissements doivent continuer.

Il faut se diriger vers une flexibilisation du temps de travail à l’intérieur des entreprises plutôt que vers une réduction du temps de travail.
Luc Frieden

Luc FriedenCSV

Le débat sur la durée du temps de travail que le LSAP a lancé avec la semaine de 36 heures se justifie-t-il?

«La ‘work life balance’ est un sujet extrêmement important. Mais nous avons aussi un problème de pénurie de main-d’œuvre. Il faut donc, à mon avis, se diriger vers une flexibilisation du temps de travail à l’intérieur des entreprises plutôt que vers une réduction du temps de travail.

Quelles sont vos prochaines échéances?

«Tout d’abord, la proposition que je sois tête de liste devra être entérinée par un congrès du parti fin mars. D’autre part, je vais consacrer les semaines et mois à venir à contribuer activement à l’élaboration de notre programme électoral. Cela se fera aussi d’ici la fin mars. Je veux être au milieu des gens, consulter, parler beaucoup à nos concitoyens, parce qu’un leadership moderne n’est pas de dicter d’en haut, mais d’associer les réflexions de beaucoup de gens à la conclusion à laquelle on veut aboutir. Je consacrerai donc beaucoup de temps à parcourir le pays, à rencontrer les différentes sensibilités qui font la richesse de ce pays.

Quand vous observez votre parcours, qui vous a amené jusque-là, quel est votre sentiment?

«Je suis très content et très reconnaissant pour tout ce que j’ai pu faire depuis ma jeunesse. J’ai énormément aimé toutes les activités que j’ai pu faire au cours des dernières années et je me réjouis beaucoup pour la prochaine étape. Ce qui m’est proposé aujourd’hui, de conduire la liste de mon parti avec l’ambition de le ramener au gouvernement, est le sens de ma vie et l’aboutissement de toute l’expérience que j’ai pu construire jusqu’à aujourd’hui.»


Lire aussi