Trois avocats, Me Marques, Me Rollinger et Me Wies, nous donnent des détails sur les suites que pourrait prendre l’affaire des loyers du cafetier luxembourgeois. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Trois avocats, Me Marques, Me Rollinger et Me Wies, nous donnent des détails sur les suites que pourrait prendre l’affaire des loyers du cafetier luxembourgeois. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Me Frank Rollinger, représentant du cafetier qui a obtenu le remboursement de son loyer pour la période de fermeture, se prépare à interjeter appel. D’autres acteurs de l’horeca pourraient-ils suivre? L’absence de recours collectif au Grand-Duché pourrait les freiner, regrettent plusieurs avocats.

Un mois après que , l’affaire n’est pas close. Elle ira bien en appel, confirme Me Frank Rollinger, l’avocat en charge du dossier. Qui prévoit de l’interjeter en ce début de semaine.

Deux problèmes subsistent, selon lui: «Il a été retenu que, pendant les moments d’ouverture, il faut payer l’intégralité du loyer.» Or, «le contrat a été fait en fonction d’un certain nombre de places disponibles. Si on n’arrive à faire entrer qu’un tiers des personnes (en raison des mesures sanitaires, ndlr), les paramètres ont changé. Les juges disent que ce sont les aléas du commerce, mais je ne suis pas d’accord.» Le second volet concerne la rupture du contrat, décidée par la Brasserie de Luxembourg, qui ne recevait plus ses mensualités. Celle-ci s’accompagne d’une «», équivalente à six mois de loyers, toujours à la charge du cafetier.

Un arrêt pour le printemps?

La Brasserie de Luxembourg n’a quant à elle toujours pas communiqué sur sa décision de faire appel ou non. «Peut-être qu’ils essaient de laisser cela en première instance pour dire ensuite que ce n’est qu’une décision de première instance», ayant donc moins de poids, devine Me Rollinger, qui se dit étonné, même s’il leur reste quand même «encore quelques jours de délai».

Quoi qu’il en soit, l’avocat table sur une décision finale pour «avril ou mai». Si, après cela, «ils retiennent que les loyers sont dus» pour la période où le café pouvait ouvrir, mais à effectif réduit, «il faudra agir en responsabilité, tout simplement contre l’État». L’avocat qui conseille l’asbl Don’t forget us estimant insuffisantes, puisqu’elles auraient dû être rétroactives. Il a envoyé, ce lundi 1er mars, un communiqué de presse détaillé à ce sujet.

Si la plupart des cafés sont loués aux deux grandes brasseries du pays, celles-ci sont également locataires, pour la plupart de M Immobilier, explique l’avocat. Le bailleur pourrait donc, lui aussi, se retourner contre son propriétaire, estime-t-il.

Une décision qui pourrait faire jurisprudence

D’autres jugements similaires pourraient-ils avoir lieu et faire jurisprudence? Me Frank Rollinger s’est penché sur le sujet avec Me Joël Marques et Me Olivier Wies. «Un premier jugement pourrait faire jurisprudence», explique Me Joël Marques. «Mais il n’aura pas de force en tant que telle.» Les avocats conseillent donc aux cafetiers d’attendre l’appel, même s’ils peuvent déjà prendre conseil pour savoir si le jugement pourrait s’appliquer à leur cas ou non. Et de continuer de payer leur loyer.

«Il faut savoir que des brasseries se sont un peu activées après le premier jugement», dit Me Rollinger, en souriant. «En faisant des petits cadeaux, on va décourager certaines personnes d’intervenir», avertit Me Marques.

Les cafetiers ne sont pas les seuls concernés. Me Frank Rollinger estime que son raisonnement vaut aussi pour les commerces et autres membres de l’horeca. Son argument principal est lié au contrat qui lie l’exploitant au bailleur, où on indique clairement qu’il s’agit soit d’un débit de boisson, soit d’un restaurant, soit d’une discothèque… «Quand le bâtiment est d’office fermé par la loi, vous ne pouvez pas faire autre chose», analyse-t-il. Le take-away ou «click and collect» ne pouvant donc, selon lui, être pris en considération par le juge.

L’impossibilité d’un recours collectif

Plusieurs acteurs se sont tournés vers les avocats depuis la décision du 25 janvier. Le problème: impossible d’introduire un recours collectif au Grand-Duché. Ce qui avait déjà posé problème lors du Dieselgate. «Il y a , mais cela concerne uniquement le droit de la consommation», explique Me Olivier Wies. «On doit vraiment changer quelque chose, pour l’ouvrir aux commerces.»

Aujourd’hui, chaque personne doit introduire une requête individuelle, avec son propre avocat, pour obtenir un seul jugement. Me Joël Marques indique, par exemple, avoir été en contact avec une dizaine de DJ au début de la pandémie, qui auraient sûrement entamé une procédure s’ils avaient pu se réunir pour diviser les coûts, souvent «à quatre chiffres». Me Olivier Wies met aussi en avant le «désengorgement des tribunaux» que cela impliquerait.

Les cafetiers pourraient ainsi se mettre à plusieurs contre leurs bailleurs, ou même l’État. Mais la mise en place d’un tel procédé ne devrait pas voir le jour avant quelques années, déplorent les avocats. Il s’appliquera donc à d’autres affaires.