Pour le CEO de CoinHouse, Nicolas Louvet, bannir le proof of work est nuire à la compétitivité future de l’Union européenne. (Photo: Coinhouse)

Pour le CEO de CoinHouse, Nicolas Louvet, bannir le proof of work est nuire à la compétitivité future de l’Union européenne. (Photo: Coinhouse)

Les CEO de CoinHouse, Nicolas Louvet, et de Tokeny, Luc Falempin, sont les rares entrepreneurs de la scène crypto à avoir alerté sur la version de la législation MiCA. Ils ont été entendus: ce lundi, les députés européens ont rejeté l’idée de bannir le POW.

(Version actualisée avec le résultat du vote en commission où 32 députés ont rejeté la version qui bannissait le POW, contre 24 qui étaient en sa faveur)

C’est un peu technique et c’est probablement pour cela qu’en dehors des animateurs de comptes Twitter ou de chaînes YouTube, peu de monde met les mains dans le cambouis de la réglementation européenne dont le Parlement a accouché d’une première version, ce lundi après-midi en commission des Affaires économiques et monétaires.

Essayons de simplifier. Dans le monde du bitcoin, «miner» consiste à valider une série d’opérations en réussissant à trouver le résultat d’un problème mathématique. Le premier à réussir va récupérer le bonus pour y être parvenu, ce fragment de bitcoin.

Simplifions encore, que se passerait-il si vous deviez, sans calculatrice, ordinateur ni téléphone, calculer le chiffre qui multiplié par lui-même donne 7, avec 250 chiffres derrière la virgule? C’est entre 2 et 3. Entre 2,6 et 2,7. Entre 2,64 et 2,65. Et ainsi de suite. À la main, c’est du sport. Aussi les mineurs et autres acteurs de ce secteur utilisent des ordinateurs pour procéder à ces calculs, pour être les plus rapides à calculer et à fournir la réponse, considérée comme une preuve de travail (ou «proof of work», POW). La compétition est mondiale et, de plus en plus, les sociétés ont dû s’équiper en puissance de calcul, qui ont besoin d’électricité et sont donc partis à la recherche des outils les moins gourmands et des pays où l’électricité est la moins chère.

«L’Europe se tire une balle dans le pied»

Et alors que la législation MiCA – pour «markets in crypto-assets» – doit donner un cadre européen à la dimension financière de ces assets de nouvelle génération, les députés européens, verts et d’extrême gauche ont réussi à faire revenir dans la discussion le bannissement de la POW parce qu’ils considèrent que cette industrie est trop gourmande en énergie. Ils invitent donc indirectement à privilégier d’autres modèles, comme le proof of stake (POS), malgré d’autres inconvénients.

Dès que la version portée par le député européen allemand conservateur Stefan Berger a été connue, le CEO de Coinhouse et CoinHouse Custody Services, Nicolas Louvet, qui vient d’obtenir un statut de prestataire de services d’actifs virtuels au Luxembourg, a dit sa colère sur Twitter.

Contacté par Paperjam dimanche soir, M. Louvet n’avait pas décoléré, considérant que le texte invitait les acteurs à aller sur une autre juridiction – la Suisse – et qu’il ne prenait pas en compte la quasi-obligation des acteurs à trouver eux-mêmes les meilleures solutions environnementales pour rendre leur business durable. «Alors que les États-Unis sont les leaders mondiaux de cette industrie et que le président américain, Joe Biden, a invité ses administrations à regarder comment légiférer intelligemment le sujet, l’Europe se tire une balle dans le pied!», dit-il, en soutenant la version «plus équilibrée, récemment présentée par M. Berger.»

«Cela a déjà été démontré par l’initiative , soutenue par plusieurs organisations environnementales, qui s’est fixé pour objectif d’atteindre zéro émission nette dans l’industrie mondiale de la cryptographie d’ici 2030. Cela s’est également avéré possible: en 2021, Northern Data – une société allemande – a extrait environ 26.000 éthers . Par conséquent, d’ici janvier 2025 (), il est probable que l’industrie de la cryptographie aura déjà amélioré son empreinte environnementale globale et se dirigera vers des objectifs plus ambitieux», .

«Je suis surpris de voir que peu de monde est mobilisé sur le sujet», dit encore le CEO de CoinHouse. «Personnellement, je préfère être partie prenante de ces discussions qui ont un impact sur mon cadre de travail.»

Falempin appelle à la mobilisation

Au Luxembourg, malgré la présence de plateformes comme BitFlyer, Bistamp ou SwissQuote, les avis exprimés publiquement sont plutôt rares.

Seul le CEO de Tokeny, Luc Falempin, a appelé à la mobilisation dans un message sur Linkedin.

La cryptoavocate, membre fondatrice du LetzBlock, Biba Homsy, a elle aussi réagi sur le réseau social professionnel.

La colère des plus avant-gardistes de nos entrepreneurs justifie encore plus , pour alimenter la discussion politique, les hommes politiques n’étant pas des spécialistes.

Ce lundi après-midi, finalement, la commission Finance a rejeté la version qui appelait à bannir le POW. Le texte sera ensuite présenté au vote du Parlement européen, où les logiques partisanes priment sur les autres, tandis que la discussion sur le texte final, que l’Union européenne voudrait voir terminé pour 2024 avant une transposition aussi rapide que possible dans les deux années suivantes, aura lieu ensuite entre le Conseil, le Parlement et la Commission.