Émile Lutgen (à g.), directeur de l’Œuvre nationale Grande-Duchesse Charlotte, et Léon Losch, directeur de la Loterie nationale, parlent d’une même voix.  (Photo: Maison Moderne)

Émile Lutgen (à g.), directeur de l’Œuvre nationale Grande-Duchesse Charlotte, et Léon Losch, directeur de la Loterie nationale, parlent d’une même voix.  (Photo: Maison Moderne)

Les dizaines de millions d’euros de bénéfice générés par la Loterie nationale garnissent chaque année les caisses de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte qui est en charge de les redistribuer. Des sommes toujours plus élevées. Une tendance que l’arrivée des paris sportifs devrait encore renforcer.

«Nous battons des records chaque année.» Son directeur, Léon Losch, s’en réjouit. En 2023, les performances enregistrées par la Loterie nationale ont permis à l’Œuvre nationale Grande-Duchesse Charlotte de signer un résultat net de 31,721 millions d’euros, en progression de 21,45% sur un an. Pratiquement 100% de cette somme a servi au financement des aides accordées. Soit 30,558 millions d’euros, un chiffre en hausse de sept millions d’euros par rapport à 2022.

«Nous aurons 80 ans l’an prochain, et pourtant beaucoup de gens ne savent pas encore qu’il s’agit de la même entité», s’étonne un peu le directeur (depuis 2019) de l’Œuvre nationale, . Cet anniversaire sera l’occasion de communiquer davantage sur ce lien, notamment par le biais d’un changement d’identité visuelle. La mise en ligne d’une nouvelle mouture du site internet est également prévue.

Pour le reste, pas de bouleversement dans l’ADN de l’Œuvre. Depuis sa création, à Noël 1944, sa mission consiste à venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin dans les domaines du social (principalement), de l’environnement, du sport-santé, de la culture, et du patrimoine mémoriel.

Beaucoup de gens ne savent pas encore qu’il s’agit de la même entité.
Émile Lutgen

Émile LutgendirecteurŒuvre nationale Grande-Duchesse Charlotte

L’an passé, une somme de 15,860 millions d’euros a été versée conjointement au Fonds national de solidarité (FNS) et aux Offices sociaux communaux au titre des quotes-parts légales. Le premier a perçu 10,573 millions, les seconds 5,286 millions. Une répartition ne devant rien au hasard, elle est définie par règlement grand-ducal.

Les 15 millions d’euros d’aides restants ont été distribués entre: d’une part, les bénéficiaires récurrents de l’Œuvre que sont la Croix-Rouge, Caritas (on y reviendra), la Ligue médico-sociale, le Comité olympique et sportif luxembourgeois (COSL), le Fonds culturel national (Focuna), Kultur|Lx, natur an ëmwelt et Fondation Hëllef fir d’Natur; d’autre part, les aides ponctuelles allouées chaque année par le conseil d’administration.

Mensualités «suspendues» pour Caritas

Dans le détail, 5,217 millions d’euros ont été fléchés vers les bénéficiaires dits «récurrents». Parmi les principaux, la Croix-Rouge, Caritas et la Ligue médico-sociale ont chacun perçu 1,150 million, un peu plus que le COSL (1,025 million).

Quant aux aides ponctuelles, elles ont pesé pour 9,480 millions d’euros, ventilés entre les demandes spontanées de porteurs de projet et les projets initiés par la structure elle-même. 279 dossiers ont été proposés l’an dernier, l’Œuvre nationale a épaulé financièrement les deux tiers d’entre eux.

«Notre principe est celui de la subsidiarité. Nous intervenons s’il n’y a pas de soutien étatique ou communal, ou en complément», rappelle le directeur Émile Lutgen. «Pour décider des dossiers retenus, le conseil d’administration se réunit huit fois par an, avec un degré d’exigence qui ne faiblit pas. Avant qu’un dossier soit retenu, au moins six personnes, à trois échelons différents, se penchent dessus. On se détermine en fonction de lignes de conduite, et celles-ci ne changent pas non plus.»

Le gros scandale de l’été a ainsi amené l’Œuvre nationale à «suspendre» ses versements à Caritas. Ceux-ci s’effectuent sous forme de mensualités. Depuis le mois d’août, les robinets sont coupés. «Est-ce qu’un nouvel acteur deviendra bénéficiaire récurrent?» En attendant de le savoir, «cette affaire nuit très gravement au secteur social qui finance partiellement ses activités par des dons», observe le dirigeant. La structure d’une douzaine de collaborateurs qu’il pilote n’a, elle, à souffrir d’aucune défiance du grand public. Elle ne reçoit aucun don.

Neuf millions de tickets à gratter par an

Son pécule de 31,721 millions d’euros, elle le doit à la Loterie nationale, et à elle seule. Qui chaque année lui attribue l’intégralité de ses résultats. On parle, depuis 1945, de quelque chose comme 543 millions d’euros. «D’où vient ce succès? Du développement de notre offre de jeux», considère le directeur Léon Losch. «On essaie de satisfaire tout le monde, mais sans s’attaquer au jeune public. Et en prônant un jeu responsable», insiste celui dont l’activité d’une soixantaine de salariés a généré 76,8 millions d’euros de revenus bruts en 2023.

Les tickets à gratter comptent au nombre des hits absolus de la Loterie nationale. Il s’en est vendu neuf millions d’unités lors du dernier exercice. En fonction du rythme auquel s’écoulent ces jeux commercialisés entre un et 20 euros, des nouveautés débarquent plusieurs fois par an sur le marché.

Le Luxembourg s’est entiché des tickets à gratter dès 1985. Il a été parmi les premiers pays sur le continent à proposer des distributeurs en libre-service. Et il demeure dans le top 5 européen des plus gros consommateurs, avec entre autres la France et la Suisse, au dire de son directeur.

Faire du pari sportif, c’est un pari.
Léon Losch

Léon LoschdirecteurLoterie nationale

Grattage et tirage en présentiel se sont enrichis, depuis 2007, d’une plateforme en ligne qui concourt actuellement pour «10 à 15% de l’activité». En cette rentrée, la Loterie nationale pose aussi un pied dans l’univers des paris sportifs. Active depuis quelques semaines, sa nouvelle plateforme, loteriesport.lu, n’a pas vocation à damer le pion aux géants du secteur, type Winamax ou Unibet.

«Nous sommes en situation de monopole, et l’on ne peut pas pointer du doigt les sites illégaux sans avoir, de notre côté, une offre légale. Ce ne serait pas cohérent. En revanche, si nous avons créé cette plateforme, ce n’est pas pour gagner beaucoup d’argent», assure Léon Losch. Quand un joueur mise 100 euros, la Loterie nationale estime à 10 euros la somme moyenne tombant dans ses poches. «Faire du pari sportif, c’est un pari», sourit le boss.

300 à 400 inscrits par mois

Foot, tennis, basket, évidemment. Mais aussi échecs, e-soccer, fléchettes… Une quarantaine de disciplines et des centaines de compétitions sont accessibles en ligne. Le site table sur le recrutement de «300 à 400» nouveaux inscrits par mois. Pour donner une idée, le site mère, loterie.lu, où sont réunis les jeux plus «classiques», compte entre 40.000 et 45.000 utilisateurs.

Mais «recruter des joueurs est une chose, les retenir en est une autre. Les clients fréquentent plusieurs sites, ils recherchent les offres promotionnelles. Nous en sommes conscients. Actuellement, nous sommes en phase d’apprentissage», pose le dirigeant, prudent.

Dans le passé, la Loterie nationale a déjà été présente sur le créneau des paris, via un partenariat conclu avec l’allemand Oddset. «Mais ce n’était pas une bonne offre.»

Avant de se lancer en son nom propre, l’opérateur de jeux avait commencé à occuper le terrain du pari sportif avec le déploiement de 160 bornes dans des débits de boisson à partir de 2022. Là aussi dans le but de contrer les machines clandestines. Ces dernières sont estimées au nombre de 3.500 dans le pays. À comparer aux 760 appareils de la Loterie nationale, chiffre incluant les bornes de jeux traditionnels.

Que le pari sportif cartonne ou non, le pronostic est le même: cette année, à nouveau, des records seront battus. Pour la Loterie nationale comme pour l’Œuvre nationale. Ticket gagnant, effectivement.