Du côté de l’offre, l’élection de Donald Trump a rebattu les cartes et laisse les investisseurs dans le flou. Si, juste après l’élection, de nombreux investisseurs étaient convaincus que sous l’administration Trump, la production américaine allait fortement augmenter, aujourd’hui, il apparaît, comme nous l’anticipions dans , que les investisseurs se sont ravisés devant les difficultés techniques et le peu d’entrain des compagnies pétrolières à forer à tout va. Dès lors, la disparition de ce facteur qui avait pesé négativement sur les cours participe au rebond actuel.
L’élection de Trump n’a pas que des impacts au sein de l’industrie pétrolière américaine, elle influence aussi les autres producteurs. En effet, la volonté affichée du nouveau président américain d’accroître les sanctions contre l’Iran fait craindre une baisse substantielle de la production iranienne et de ses exportations. Lors du premier mandat de Donald Trump, la production iranienne avait diminué d’environ 2 millions de barils par jour (Mbj) (de 3,8 Mbj à 1.8Mbj), soit environ 2% de la production mondiale. Cette baisse impacterait surtout la Chine, qui achète le pétrole iranien avec un rabais substantiel par rapport aux cours mondiaux.
L’Opep+ reste attachée aux quotas
Un autre élément qui a provoqué un changement de vue de la part des investisseurs concerne les anticipations de production de l’Opep+. En effet, le consensus tablait sur une nette augmentation de la production des membres du cartel en lien avec des capacités de production non utilisées dépassant les 5Mbj. En outre, une certaine lassitude semblait poindre parmi les pays membres qui montraient le désir d’accroître leur production. Toutefois, il semble qu’entre septembre et décembre, ils se soient ravisés et qu’actuellement, ils restent très attachés à une politique de quotas stricte.
Cette modification a là aussi impacté les prix à la hausse, puisque cela signifie moins de pétrole disponible. Ces changements dans l’analyse des fondamentaux ont provoqué une modification du comportement des investisseurs de court terme. En effet, ces derniers, depuis l’automne, avaient pris des positions «vendeuses» accentuant la baisse des prix. En décembre, le changement d’opinion sur les fondamentaux a provoqué une forte hausse des positions «acheteuses», ce qui nourrit mécaniquement la hausse. Il est probable que l’ensemble de ces éléments soient des éléments de moyen-long terme qui influencent durablement le prix de l’or noir.
Si les anticipations sur l’offre ont nettement changé, les anticipations sur la demande ne sont pas en reste. Au troisième trimestre 2024, ces dernières se sont retrouvées orientées à la baisse, ce qui a pesé sur les cours.
Des importations chinoises qui se tiennent mieux qu’attendu
La principale variable qui influence la demande est la consommation chinoise et les importations associées. En effet, même si la Chine est le deuxième consommateur avec environ 13 millions de barils par jour, loin derrière les États-Unis qui consomment 20Mbj, il est le premier importateur avec près de 9Mbj.
Cet appétit fait donc de l’Empire du Milieu un acteur essentiel. Or, depuis le début de l’année 2024, des doutes étaient apparus sur la croissance de la consommation chinoise. En effet, sur les dix dernières années, la croissance de la consommation chinoise a été de près de 0,6Mbj, contre une croissance moyenne de la production mondiale de 1,3Mbj. La Chine absorbe donc la moitié de la croissance mondiale.
Or, récemment, il est apparu que cette croissance de la consommation avait tendance à ralentir à cause d’une activité économique moins dynamique et d’une consommation d’essence moins forte du fait d’un fort taux de pénétration des voitures électriques, une voiture sur deux vendue en Chine étant un véhicule électrique. Or, la croissance des ventes de véhicules électriques a marqué le pas, les consommateurs préférant les hybrides. Dès lors, des doutes sont apparus sur la baisse de la consommation d’essence; qui représente 60% de la consommation de produits pétroliers.
Ces doutes, associés aux annonces de soutien à l’économie chinoise, ont alors poussé les investisseurs à reconsidérer leurs vues sur la demande à venir. Ainsi, ils sont devenus plus optimistes sur la croissance de la demande grâce à la Chine, mais aussi grâce à l’Inde. En effet, le pays importe environ 5Mbj et affiche une croissance de ses importations de 2 à 3% pour 2024. Ce rythme devrait se confirmer en 2025, faisant de l’Inde le pays le plus dynamique en termes de croissance des importations de pétrole. Cette nouvelle dynamique indienne devrait stimuler la demande plus qu’anticipée.
Reconfiguration en progrès
En conclusion, les investisseurs, tant de long terme que de court terme, ont été récemment surpris par la reconfiguration des fondamentaux de l’or noir du côté de l’offre et du côté de la demande. Le pessimisme sur la demande chinoise a laissé la place à plus d’optimisme, en lien avec une économie plus dynamique qu’attendu et une croissance des ventes de véhicules électriques moins forte qu’anticipée. De plus, le marché trouve, à travers l’Inde, un nouveau moteur de croissance.
Du côté de l’offre, l’élection de Donald Trump a rebattu les cartes, mais sa volonté de plus produire aux États-Unis semble se heurter à des compagnies pétrolières peu enclines à accroître leur production. À cela s’ajoute le risque de plus fortes sanctions contre l’Iran, provoquant une réduction substantielle de sa production. Tout ceci pousse les investisseurs à anticiper une moindre croissance de la production américaine. De la même façon, l’Opep+ semble rester sur sa stratégie de ne pas accroître de manière excessive sa production, soutenant ainsi les cours. Dès lors, l’offre ne devrait pas être aussi dynamique qu’anticipée en septembre.
La combinaison de tous ces éléments explique la récente hausse des cours du brut. Toutefois, il faut garder à l’esprit la fragilité de ces anticipations, qui peuvent rapidement se retourner et provoquer de la volatilité sur les marchés.