Le gouvernement luxembourgeois se trouve dans les «starting-blocks» pour le prochain cycle d’évaluation mutuelle du Gafi, prévu en novembre prochain. L’enjeu est de taille. En effet, lors de son dernier cycle d’évaluation en 2010, le Gafi avait attribué un bonnet d’âne au Luxembourg en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Dans les années qui ont suivi, le pays s’était dès lors attelé à réformer sa loi anti-blanchiment de 2004 ainsi que d’autres textes législatifs. Au niveau de la supervision des entités financières régulées, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) avait, pour sa part, édicté le règlement 12-02 contenant des prescriptions en phase avec les recommandations du Gafi. Pour rappel, servent de cadre de référence pour les mesures devant être mises en œuvre par les États afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
En février 2014, le Gafi les efforts positifs fournis par le Luxembourg. Toutefois, de se retrouver à nouveau pointé du doigt au jeu du «name and shame» international reste palpable. Surtout que le niveau d’exigence attendu n’a cessé d’augmenter depuis le dernier cycle d’évaluation.
La démarche consiste entre autres à éviter des questions d’interprétation de la loi luxembourgeoise au regard de son libellé comparé à celui des recommandations du Gafi.
Le temps presse donc pour finaliser les derniers détails. Le 29 juillet dernier, le Luxembourg portant modification notamment à la loi anti-blanchiment, essentiellement avec l’apport de quelques précisions et alignements de libellés. «Au regard des travaux parlementaires, la loi du 29 juillet 2022 a notamment comme objectif d’aligner les dispositions de la loi anti-blanchiment luxembourgeoise avec les libellés des recommandations du Gafi», explique , avocate à la Cour et partner au sein de l’équipe banque et finance chez CMS Luxembourg.
Et d’ajouter: «La démarche consiste entre autres à éviter des questions d’interprétation de la loi luxembourgeoise au regard de son libellé comparé à celui des recommandations du Gafi».
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Une analyse des textes légaux et réglementaires
Alors que la loi nationale faisait jusqu’alors référence à la notion de «à titre professionnel», elle a été changée pour utiliser l’expression «au titre d’une relation d’affaires». En plus, les termes de «gérant, administrateur, membre du directoire» de société sont ajoutés pour aligner la terminologie avec celle du droit commercial luxembourgeois. Autre exemple, la formulation de l’article 3-2 paragraphe 4 de la loi anti-blanchiment concernant la vigilance envers les personnes politiquement exposées (PPE) est adaptée pour s’aligner davantage avec le libellé de la recommandation 12 du Gafi traitant de ce point. En effet, un lecteur non avisé, sans le prisme de lecture de la perspective de la prochaine visite du Gafi, comprendrait difficilement l’intérêt de tels changements mineurs.
Bien qu’anodine au premier abord, la mise à jour de la loi anti-blanchiment n’en reste pas moins cruciale. L’exercice d’évaluation du Gafi poursuit un double objectif, tant au niveau de l’existence et du contenu des textes que de leur mise en pratique. «Les inspecteurs du Gafi évaluent, d’une part, si le cadre législatif et réglementaire est aligné avec les recommandations et, d’autre part, si les personnes régulées se conforment au cadre législatif et réglementaire national tout en analysant le rôle des autorités compétentes de supervision.»
Les inspecteurs du Gafi évaluent, d’une part, si le cadre législatif et réglementaire est aligné avec les recommandations et, d’autre part, si les personnes régulées se conforment au cadre législatif et réglementaire national tout en analysant le rôle des autorités compétentes de supervision.
Si les membres de la commission d’évaluation du Gafi examinent notamment l’application en pratique de la loi anti-blanchiment, les professionnels du secteur financier n’ont que très peu de temps pour adapter leurs programmes de compliance d’ici novembre. Toutefois, «l’impact n’est a priori pas majeur pour les entités surveillées du secteur financier, en particulier au regard notamment du contenu actuel du règlement CSSF 12-02», souligne Aurélia Viémont.
Des programmes de compliance au niveau depuis longtemps
Par , les standards de lutte contre le blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme détaillent davantage les requis de la loi anti-blanchiment pour les entités du secteur financier. Les recommandations du Gafi sont donc déjà largement d’application dans le secteur financier, au travers des programmes de compliance respectifs à chaque entité surveillée. «Si vous parlez avec, par exemple, une banque de la Place, elle vous dira qu’à partir du moment où elle entre en relation d’affaires avec un client, elle ne se contente pas de vérifier uniquement si le client ou son bénéficiaire effectif sont des personnes politiquement exposées (PPE). Elle vérifiera en outre si les personnes prétendant agir au nom ou pour le compte du client (notamment les membres de son conseil d’administration et/ou ses employés disposant d’un pouvoir de signature vis-à-vis du compte bancaire) ne sont pas des PPE», indique Aurélia Viémont.
Si vous parlez avec, par exemple, une banque de la Place, elle vous dira qu’à partir du moment où elle entre en relation d’affaires avec un client, elle ne se contente pas de vérifier uniquement si le client ou son bénéficiaire effectif sont des personnes politiquement exposées.
Le cas échéant, avec les récentes modifications apportées à la loi anti-blanchiment, certaines personnes devront mettre à jour leurs politiques et procédures anti-blanchiment.
L’arrivée des inspecteurs du Gafi est prévue pour novembre prochain. Le moment de l’alignement du cadre législatif luxembourgeois avec les standards internationaux prend donc tout son sens. Même si les recommandations du Gafi existent depuis février 2012, leur dernière mise à jour remonte au mois de mars de cette année.