(À nos lecteurs: la rédaction de Paperjam a pris ses quartiers à Dudelange, ces jeudi et vendredi, à la rencontre d’acteurs politiques, sociaux et économiques de cette commune de 22.000 habitants. Cet article s’inscrit dans cette démarche «concentrée». Bonne lecture. Le rédacteur en chef)
Dans le secteur du transport et de la logistique, sensible aux fluctuations de son environnement, «les entreprises qui ont su se diversifier sont celles qui s’en sortent le mieux» expliquait récemment à Paperjam le Federation manager du groupement transport à la Luxembourg Confederation, Antoine Ries. En la matière, Arthur Welter fait figure de cas d’école.
Au niveau global, cette diversification est devenue un «facteur de stabilité» selon le Chief financing officer (CFO), Ben Frin. «Dans l’activité logistique, nous sommes moins soumis à la volatilité que dans le transport qui est notre activité historique. Dudelange 2 (nouvel entrepôt de 10.000m2 supplémentaires en 2022 ndlr), est le business le plus jeune d’Arthur Welter», poursuit-il. La logistique représente aujourd’hui 10 à 12% du chiffre d’affaires de l’entreprise familiale.
Aujourd’hui, sur l’Eurohub de Dudelange, elle dispose de deux grands entrepôts mais a conservé son site de Leudelange pour sa logistique interne. Ici, 75 employés travaillent quotidiennement pour les activités de groupage, de distribution, d’entreposage (frigorifique également), ainsi que pour l’activité de stockage et de nettoyage de roues et pneumatiques pour les garages du pays, Logispneu.
«C’est un peu notre hôtel à pneus», plaisante le Chief logistic officer (CLO), Renaud Brassart. Originaire de Belgique, il a rejoint l’entreprise il y a cinq ans et a considérablement contribué au succès de la branche logistique pour laquelle, il mise sur la valeur ajoutée et la flexibilité, et sur une diversité de savoir-faire et des clients.
Dans le premier entrepôt divisé en trois espaces indépendants mais connectés, à côté de ce fameux «hôtel à pneus, un autre espace est mis en sous-location à un client, un concessionnaire du pays, qui y stocke des pièces détachées.
Un autre espace accueille la centrale de distribution d’une enseigne de grande distribution. Un système informatisé permet de gérer de façon optimale la rotation des produits de consommations et produits secs rangés dans des racks de plusieurs mètres de hauteur. Arthur Welter assure aussi le stockage et la logistique des produits frais dans un autre espace dédié et modulable. «Ici nous traitons environ 260.000 colis par mois pour les produits frais, 70.000 pour les produits secs et environ 50.000 pour les vidanges», précise Renaud Brassart.
L’alimentaire représente 50% de l’activité logistique de la société, qui propose aussi un service de traitement des déchets et de vidange des bouteilles. «Dudelange au total représente 35.000 m2. Nous y faisons du kitting (construire des kits, notamment pour les panneaux solaires), de la gestion des inventaires, de l'assemblage. Maintenant, nous faisons de la micro-production, du contrôle qualitatif. Nous avons développé tout cela ici», résume Renaud Brassart.
La valeur ajoutée pour se différencier
Le sur-mesure est une valeur ajoutée pour le client et permet à Arthur Welter de se différencier. La stratégie se comprend encore mieux dans Dudelange 2, le deuxième entrepôt de l’entreprise sur l’Eurohub. 10.000m2 divisé en deux cellules égales sont utilisés pour 17 clients représentant six secteurs d’activité (50% alimentaire, 20% sports, 15% pièces de rechange, 5% textile, 5% emballage, 5% industrie).
Pour une marque de vêtements dont elle assure la distribution mondiale, l’entreprise propose aussi le service d’étiquetage et d’emballage. Pour une entreprise de croquette pour animaux, elle assure le conditionnement selon les demandes du client. On trouve aussi des kits de panneaux solaires, des rouleaux de papiers film, des pièces détachées pour machines agricoles, des alcools, des emballages pour cosmétiques…
«L'enjeu aujourd'hui est de trouver des clients qui ne vont pas nous engendrer plus de charges. Par exemple, si l'activité d'un nouveau client nécessite un recrutement chez nous, nous devons recalculer le prix», explique le responsable de la logistique. En 2024, l’activité logistique en a gagné 13 nouveaux et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. «Nous sommes de mieux en mieux placés sur le marché. Mon idée demain, c'est vraiment d'essayer de développer tout ce qui est à valeur-ajoutée pour nous démarquer encore. On peut imaginer une nouvelle surface dédiée à accueillir des machines de production, car c'est de la logistique aussi», poursuit-il.
Piloter entre les contraintes
Face aux multiples défis qui touchent aujourd’hui son secteur, que ce soit en matière de transport et de logistique, Arthur Welter compte sur la solidité de son modèle. En matière de ressources humaines, elle mise sur la polyvalence de ses employés et se félicite d’un taux d’absentéisme plutôt bas: 3,2%, alors même qu’il s’agit souvent d’un défi pour bon nombre d’employeurs. «La logistique, contrairement au transport, souffre moins de la ‘désaffection du métier’, assure Renaud Brassart.
Et pour l’activité transport, l’entreprise partage de façon nuancée le constat dressé par ses concurrents sur la pénurie de chauffeurs. «En réalité, nous avons assez de chauffeurs, mais disons qu’aujourd'hui nous avons beaucoup moins le choix. Avant, nous pouvions choisir les chauffeurs avec la meilleure expérience, aujourd'hui il faut prendre ce que l'on trouve sur le marché. Le travail n'est pas fortement apprécié par les jeunes, donc si l’on embauche un jeune qui n'a pas l'expérience et qui n’a pas vraiment d'envie, cela ne fonctionne pas. Ensuite, si l'on embauche des chauffeurs des pays de l'Est, la barrière de la langue peut se poser», illustre Ben Frin. Sans parler des autres contraintes extérieures.
lors des vœux de la Fedil il y a quelques jours: la règlementation. Ben Frin cite à ce titre «la règle des 25% en matière de sécurité sociale». Il s’agit plus précisément d’un règlement portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, selon lequel les chauffeurs frontaliers exerçant plus de 25 % dans leur pays de résidence, sont soumis à la législation de celui-ci et doivent y être affiliés en matière de sécurité sociale.
«Nous arrivons encore à nous adapter à cela. Mais s’ajoutent encore les réglementations écologiques, comme la taxe sur le CO2. Nous trouvons cela injuste parce qu’en réalité, nous n’avons pas vraiment le choix. Notre volonté est bien là, et nous le prouvons dès que nous en avons l’occasion. Nous exploitons d’ailleurs le seul camion à hydrogène pour le fret aérien au monde avec Cargolux. Il faut savoir que pour intégrer un tel véhicule à notre flotte, il a fallu un peu plus d’un an de planification. Notre flotte en France fonctionne déjà avec des biocarburants (l’entreprise compte 13 camions Oleo B100 qui fonctionnent avec des carburants à l’huile végétale, ndlr) Nos entrepôts sont et nous allons lancer des tests avec des camions à batteries. Mais on ne peut pas espérer transférer la moitié de notre flotte en CO2 neutre demain, ce n’est pas possible, et cela aussi parce que les infrastructures manquent encore bien qu’elles se développent», défend le CFO, Ben Frin.
Et demain?
Engagée dans une transformation plus verte, l’entreprise familiale s’engage aussi sur la voie de la transformation digitale, en prenant en compte les bénéfices et les réalités. «Notre réflexion est lancée sur l'automatisation de nos process sur le terrain et sur la digitalisation sur le plan administratif. Je pense que dans 20 ans, notre entrepôt logistique, pour moi, il y aura des drones pour les contrôles d'inventaire. Cela existe déjà dans certaines usines qui assurent leur propre logistique. Mais cela est beaucoup plus réalisable pour ces sociétés. Elles peuvent même disposer de magasins automatisés, car leur production est toujours plus ou moins similaire», pense Renaud Brassart.
Des process plus difficiles à concilier avec la flexibilité à laquelle s’attache Arthur Welter. Mais il est clair que face «à la hausse de 33 % en dix ans d'augmentation du salaire minimum», pour rester compétitif, les processus de mécanisation et de robotisation seront des sujets cruciaux pour les entreprises de logistique.
Un autre “sujet” qui occupera l’entreprise dans les années à venir, c’est l’arrivée de la troisième génération aujourd’hui dirigée par . «Dans une entreprise familiale, il est de la responsabilité des directeurs, également, de contribuer à une bonne intégration de la nouvelle génération», souligne Renaud Brassart.