Les maçons sont une denrée rare. Tous ceux qui étaient recrutables l’ont été dans un rayon de 200km autour de Luxembourg. (Photo: Shutterstock)

Les maçons sont une denrée rare. Tous ceux qui étaient recrutables l’ont été dans un rayon de 200km autour de Luxembourg. (Photo: Shutterstock)

Le secteur de la construction connaît une pénurie de main-d’œuvre ouvrière, et le problème sera encore plus aigu dans les années à venir. Proposer des logements bon marché à des ouvriers étrangers est une piste étudiée pour y faire face.

Va-t-on bientôt revoir fleurir au Luxembourg des cités ouvrières? Elles ont été nombreuses à apparaître, notamment dans le bassin minier, à la fin du 19e siècle puis, surtout, entre 1905 et le milieu des années 30: le quartier Hiehl et les cités Docteur Welter ou Emile Weirich à Esch, la «Petite Italie» et le quartier Brill à Dudelange, l’ensemble Um Balcon à Lasauvage... Y logeaient les ouvriers des usines et leur famille, pour un loyer souvent avantageux.

À l’époque déjà, la population est en constante augmentation. Esch voit par exemple sa population quadrupler entre 1870 et 1900. Il faut des ouvriers tant et plus, les faire venir de l’étranger et donc les loger, ce qui est une préoccupation majeure.

Nous sommes des entrepreneurs, notre métier est de trouver des solutions aux problèmes qui se posent à nos entreprises.
Roland Kuhn

Roland Kuhnprésident de la Fédération luxembourgeoise des entreprises de construction et de génie civil

Le contexte est en partie identique actuellement. Si ce n’est que ce n’est plus la sidérurgie ou les mines qui manquent de bras, mais le secteur de la construction. «Nous sommes déjà en difficulté et cela ne va faire que devenir de plus en plus sensible puisque 30 à 35% des ouvriers sont appelés à être pensionnés dans les cinq années à venir», explique , administrateur délégué de Kuhn SA, la doyenne des entreprises de construction du Luxembourg, mais aussi 

Recruter toujours plus loin

Se pose la question de leur remplacement. Or, tout qui ce qui était recrutable «l’a déjà été dans un rayon de 200km autour de Luxembourg». Il faut donc aller plus loin, «jusque dans les pays de l’Est», et offrir des possibilités de résidence aux ouvriers.  «Les temps ont changé, l’époque où un travailleur immigré accueillait chez lui un petit cousin durant quelques années, le temps qu’il s’adapte et se lance, cela n’existe plus. Nous devons donc trouver d’autres solutions», poursuit Roland Kuhn.

Celle de construire des logements à loyer modéré à destination des ouvriers est donc sur la table. Plusieurs entrepreneurs y songent et pourraient s’associer dans un tel projet. «En effet, des contacts sont pris. Nous sommes des entrepreneurs, notre métier est de trouver des solutions aux problèmes qui se posent à nos entreprises, et nous les trouverons par nous-mêmes. Nous ne pouvons laisser la situation en l’état», confirme-t-il.

Des échanges ont eu lieu avec le ministère du Logement

Roland Kuhn précise que des échanges ont déjà eu lieu avec le ministère du Logement. «Ce n’est ni oui ni non de leur part. Mais nous avons exposé notre point de vue et notamment expliqué que nous souhaitions bénéficier des mêmes aides publiques que d’autres acteurs. Sachant que nos logements ne seront pas destinés à faire du bénéfice, mais bien à loger nos ouvriers», poursuit-il.

Les maçons, coffreurs, poseurs de bordures et de tuyaux sont notamment très recherchés. Si la pénurie de ces fonctions s’aggravait, cela pourrait-il être dangereux pour tout le secteur? «C’est une question qui n’est pas à l’ordre du jour: nous trouverons une solution», assène encore Roland Kuhn.

Ses propos, notamment relayés sur la radio 100,7, ont en tout cas fait leur petit effet. Notamment dans les rangs des syndicats. «La première chose à retenir, et je m’en félicite, c’est que le secteur se porte très bien. Cela ne peut qu’être le cas quand on cherche autant de main-d’œuvre», commente Robert Fornieri, secrétaire général adjoint au LCGB.

L’idée de Roland Kuhn n’est pas mauvaise. Mais elle ne peut non plus être vue comme une solution unique.
Robert Fornieri

Robert Fornierisecrétaire général adjoint du LCGB

La seconde est «qu’il faut être prudent, car de nombreuses questions se posent. Cette pénurie va-t-elle durer? Quid de la famille de ces ouvriers? S’agira-t-il de logements sociaux ou d’un autre statut?» Il faudra aussi savoir si «ce logement aura un impact sur le salaire de l’ouvrier. Il y a clairement un cadre à définir si cette initiative va plus loin. En tout cas, les partenaires sociaux devront être impliqués dans la réflexion.»

Pour le LCGB, il ne faudrait pas non plus abandonner d’autres pistes: la réorientation des 15.000 chômeurs du pays, offrir des formations spécifiques, proposer des reclassements sociaux vers les métiers en pénurie... «L’idée de Roland Kuhn n’est pas une mauvaise idée, c’est clair. Mais cela ne peut non plus être la solution unique», estime Robert Fornieri.

Ce dernier pense que la réflexion centrale doit porter sur ce que le Luxembourg devra être à moyen terme. «Doit-on encore se développer? Doit-on encore compter plus d’habitants année après année? Pour moi, ce sont là les vraies questions que nous devons nous poser», conclut-il.