Le ministre du Logement Henri Kox sait que ses deux projets de loi feront l’objet de débats sans doute passionnés et sont politiquement sensibles. (Photo: Nader Ghavami/Archives)

Le ministre du Logement Henri Kox sait que ses deux projets de loi feront l’objet de débats sans doute passionnés et sont politiquement sensibles. (Photo: Nader Ghavami/Archives)

Pour cet «été pas comme les autres», Paperjam passe en revue les «dossiers chauds de la rentrée». Ces dossiers qui seront sur la table du gouvernement ou des députés après leurs vacances. Place cette semaine à la réforme de la loi sur le bail à loyer et le Pacte logement 2.0.

Le ministre du Logement (Déi Gréng) aime le sport en général, le triathlon en particulier. Dans ces épreuves de longue haleine, il sait que sur son vélo il ne faut pas hésiter à passer sur un grand braquet quand l’opportunité se présente, histoire d’aller plus vite, plus fort et de surprendre ceux qui l’observent. C’est bien ce qu’il a demandé à ses équipes. Moins sollicitées que d’autres par la crise sanitaire, elles ont été priées de travailler d’arrache-pied entre mars et juillet sur deux projets majeurs: et le

Mission accomplie puisque le ministre a pu les présenter à la fin du mois de juillet, soit avec quelques semaines d’avance sur les ambitions initiales. De quoi espérer voir le parcours législatif s’achever avec la fin de l’année.

Le logement, sujet évidemment politiquement sensible

Mais d’ici là, cela va débattre avec passion. Plus que jamais, le logement et son accessibilité demeurent des sujets sensibles dans le pays, donc politiquement aussi porteurs pour les uns qu’explosifs pour les autres. L’opposition ne manquera donc pas de dire tout le mal qu’elle pense de ces textes, espérant évidemment obtenir des amendements.

«La première chose qui est embêtante est le fait que si ces projets ont été présentés à la presse, nous n’avons pour notre part que peu d’informations. On a juste eu droit aux grandes lignes via un document PowerPoint», s’inquiète (Déi Lénk). Qui n’est pas tendre à l’égard de la réforme du bail à loyer. «Un certain nombre de lacunes pourraient être corrigées. C’est le cas en ce qui concerne les chambres meublées, la colocation ou encore les frais d’agence. Sur ce point, ils vont dans la direction d’un 50/50. Ce sont encore une fois des demi-mesures», fait-il valoir.

Mais, selon lui, «le nœud de l’affaire, c’est la question du capital investi. À mes yeux, la réforme de cette loi devrait poursuivre deux objectifs majeurs: d’une part, une protection efficace des locataires, et d’autre part, une baisse conséquente des loyers. Je crois que la réforme ne va atteindre aucun de ces objectifs. Henri Kox fait comme si les propriétaires et les locataires se situaient sur un pied d’égalité. Je crois qu’il ignore ce que sont les réalités du marché. Les locataires n’auront toujours pas la possibilité de s’enquérir auprès de l’Administration de l’enregistrement du montant du capital investi dans le logement afin de pouvoir déterminer le loyer plafond. Quant à la protection des locataires, je ne vois pas encore en quoi elle serait effective.»

L’ADR semble partiellement en phase avec Déi Lénk sur quelques points. Le partage des frais d’agence, selon le député , est «un compromis paresseux», comme dit voici quelque temps à nos confrères du Wort.lu. Pour lui, la lacune majeure est que la nouvelle loi n’aide pas à résoudre la pénurie de logements. Pour cela, l’ADR prône l’abolition de la prorogation légale qui fait qu’un bail à durée limitée est prolongé automatiquement au-delà de la date limite pour cette fois une durée illimitée. «Il faut un cadre légal plus solide», fait valoir l’ADR, toujours au Wort.lu.

C’est quoi un logement à loyer modéré?

Le futur Pacte logement apparaît pour sa part bien décevant aux yeux du CSV. «Ce qu’on voit, c’est qu’on délègue une grande part de la responsabilité aux communes. Le gouvernement se dédouane de la sienne», relève le député . Qui estime que prétendre que les communes auront plus de moyens «est un leurre. Ce sera le contraire.» 

Le futur «Plan d’action local logement», la grande nouveauté du pacte? «C’est juste un avenant au PAG déjà réalisé. Et cela ne tient pas compte des disponibilités des terrains», dit-il encore. Par contre, l’augmentation à 30% de logements à loyer modéré dans les ensembles de 25 logements et plus, tout comme l’extension des périmètres constructibles, «ce sont en effet des propositions du CSV», relève Marc Lies.

Qui déplore que la notion de logement abordable ou à loyer modéré ne soit pas encore définie. C’est aussi un reproche de Déi Lénk, «alors que cette définition est le problème central», fait valoir David Wagner. Qui regrette aussi que le futur pacte ne soit pas plus contraignant envers les communes. «Les communes devraient être obligées de construire ou de mettre à disposition un certain pourcentage de logements vraiment abordables. C’est encore typique de la frilosité luxembourgeoise dès qu’il s’agit de faire du social», dit-il.

L’ADR ne manquera pas non plus de demander une définition du logement abordable. «Si un appartement qui coûte normalement 800.000 euros arrive sur le marché à un prix réduit de 500.000 euros, je n’ai pas créé de logements abordables», avait par exemple encore fait remarquer Roy Reding au Wort.

Le LSAP a voulu rassurer une partie de son électorat

Les partis de la majorité ne sont, dit-on, pas parfaitement en phase sur les deux réformes. Il a fallu trouver des compromis. Celui qui avait le plus à perdre dans l’aventure était le LSAP, les ménages et individus à faible revenu, ainsi que la classe moyenne inférieure, étant les catégories les plus touchées par les difficultés d’accès au logement. Il n’a donc été guère surprenant que les socialistes communiquent sur le sujet dès que les annonces d’Henri Kox ont eu lieu, histoire de réaffirmer leur positionnement, de saluer leur action et de rassurer une partie de leur électorat.

, président du parti et porte-parole sur la politique du logement, a indiqué «que les innovations juridiques ne résoudront pas toutes les difficultés, mais elles visent du moins à protéger les plus faibles».  (LSAP) s’est pour sa part félicité de la diminution des droits d’entrée dans un logement: frais d’agence, garantie locative…

La ministre de l’Intérieur,  (LSAP), a de son côté répété qu’elle était convaincue que le Pacte 2.0 allait doper l’offre de logements et pousser les communes à en construire.

Ses contradicteurs, notamment Déi Lénk et le CSV, répliquent que pour cela il faudra aussi pouvoir acquérir des terrains, et donc mettre en place des outils de lutte contre la spéculation immobilière. Ce qui, selon eux, n’est pas le cas.