Le véritable goulot d’étranglement du marché immobilier se situe du côté des promoteurs, et non des banques ou des ménages. Selon le CEO de l’Association des banquiers luxembourgeois (ABBL), , ces derniers peinent à s’adapter aux nouvelles conditions du marché, leur refus de baisser les prix contribuant largement à la paralysie actuelle du secteur.
«Nous avons une baisse des prix d’environ 9% sur les nouvelles constructions et les maisons à bâtir, mais c’est encore trop cher», a-t-il souligné. Historiquement, l’écart entre les prix des logements neufs (en Vefa) et ceux de l’ancien tournait autour de 8%. Il atteint désormais 28%, rendant les ventes particulièrement difficiles pour les promoteurs.
Résultat: les stocks d’invendus s’accumulent, même si les plus gros acteurs du secteur peuvent encore absorber les pertes, observe le directeur de l’ABBL. Du côté des banques, les financements restent disponibles à des taux raisonnables pour l’acquisition de biens existants, précise-t-il.
Confiance et ajustements de prix
Autre levier essentiel pour relancer le marché selon Jerry Grbic: le rétablissement de la confiance des acheteurs. «Les prix doivent baisser et la confiance de l’acheteur doit être rétablie», a-t-il insisté. Au-delà des ajustements tarifaires, les promoteurs doivent, selon lui, renouer le dialogue avec les acheteurs potentiels.
Certains acteurs commencent à proposer des prix fixes, indexés sur l’inflation, qui offrent davantage de visibilité aux acquéreurs. Mais ces initiatives restent marginales. Beaucoup de promoteurs demeurent réticents à revoir leurs prix à la baisse ou à s’engager dans des dispositifs comme Prolog, qui visaient pourtant à apporter plus de transparence et à sécuriser le financement de projets en manque de préventes.
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Défis financiers pour les promoteurs
Les promoteurs se trouvent aujourd’hui à un carrefour stratégique, selon lui. «Lorsqu’on finance l’achat de terrains et le développement de projets par emprunt, il faut trancher: baisser les prix pour vendre ou attendre des jours meilleurs», explique Jerry Grbic. Avec des taux d’intérêt autour de 5%, les marges fondent rapidement. «Lorsque vous avez des taux d’intérêt de 5%, votre marge est grignotée», souligne-t-il.
À terme, les promoteurs qui peinent à rembourser leurs prêts ou à assumer les charges d’intérêts risquent de voir leurs crédits reclassés en prêts non performants. Une situation qui pourrait forcer les banques à mettre en vente les biens concernés. Selon Jerry Grbic, certains grands promoteurs miseraient sur cette fragilité pour racheter à prix cassés les projets de plus petits acteurs, incapables de tenir financièrement. Résultat: les petits promoteurs sont poussés à vendre à perte, tandis que les plus gros consolident leur position à moindre coût. Un déséquilibre structurel du marché que le directeur de l’ABBL n’hésite pas à pointer du doigt.
Perspectives économiques: une lente reprise
Jerry Grbic a également évoqué les perspectives économiques globales et leur influence sur le marché résidentiel. Il reconnaît que des facteurs externes tels que les droits de douane américains ou l’inflation mondiale auront des répercussions, mais estime que le Luxembourg, dont l’économie d’exportation reste modeste, devrait être relativement épargné par rapport à d’autres pays.
Le patron de l’ABBL se montre confiant quant à la résilience du secteur bancaire, notamment dans le financement du commerce international. Sur les 12 prochains mois, il adopte toutefois un ton prudent pour l’immobilier résidentiel. «Je n’ai pas de boule de cristal, mais à ce stade, ce qui importe le plus pour les acheteurs potentiels, c’est leur capacité à rembourser leurs prêts à des taux viables», souligne-t-il.
Si le marché de l’ancien montre quelques signes de stabilisation, celui de la construction neuve reste sous pression. Selon Jerry Grbic, la reprise du logement au Luxembourg dépendra en grande partie de la capacité des promoteurs à relancer de nouveaux projets et à restaurer la confiance des ménages.
Cet article a été rédigé initialement en anglais, traduit et édité pour le site de Paperjam en français.