Le programme d’investissement serait ciblé sur l’infrastructure et la défense. Les montants suggérés dépassent 500 milliards d’euros. À noter également que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé la mobilisation de 800 milliards d’euros pour le programme «ReArm Europe». Des mesures de dérégulation sont aussi en discussion. La hausse des rendements obligataires en Allemagne peut s’expliquer de deux manières: d’une part, par l’augmentation attendue des nouvelles émissions; d’autre part, par un potentiel de croissance économique plus élevé à moyen terme, impliquant une hausse du taux d’intérêt réel.
Voyons cela de plus près. Une hausse des émissions implique une augmentation de l’offre d’obligations. À demande inchangée, cela devrait entraîner une baisse du prix des obligations et une hausse des rendements. On peut également soutenir qu’à demande constante, un rendement supérieur sera nécessaire pour absorber l’offre additionnelle d’obligations. Comme dans toute logique d’offre et de demande, la question clé est celle de l’élasticité de la demande.
En effet, une augmentation de l’offre peut aboutir à un nouvel équilibre sans provoquer une forte baisse des prix. Cela se traduirait par une faible hausse des rendements, notamment si une demande latente importante existe et qu’une légère augmentation des rendements obligataires suffit à attirer de nombreux investisseurs. L’épargne en zone euro étant très élevée, les investisseurs institutionnels, comme les assurances et les fonds de pension, ont des contraintes de gestion des risques qui soutiennent la demande d’obligations de haute qualité.
Voyons maintenant les déterminants à long terme des rendements obligataires. On peut décomposer le taux de rendement obligataire afin de dissocier la rémunération liée à l’inflation attendue et celle en termes réels (ou «pouvoir d’achat») liée à la croissance économique. À ce stade, les attentes d’inflation de long terme mesurées sur la base des obligations indexées sur l’inflation ont augmenté légèrement mais restent assez stables autour de 2%. Ceci n’est pas surprenant, car l’économie européenne n’est pas au plein emploi et une accélération de la croissance ne va pas nécessairement générer d’inflation au-delà de la cible de la BCE. La hausse récente des rendements obligataires peut donc s’expliquer avant tout par une hausse du rendement en termes réels. Le taux de rendement réel allemand a augmenté de 22 points de base à 0,76%.
En effet, les annonces de relance économique du gouvernement allemand (surtout celles liées à l’infrastructure) et le potentiel de dérégulation à l’échelle européenne suggèrent une croissance potentielle en termes réels plus élevée. Il s’agit de la croissance maximale compatible avec une inflation stable. Alors que celle-ci était estimée proche de zéro, nous estimons qu’elle sera plus proche de 1% si les mesures mentionnées plus haut sont mises en œuvre.
Nous ne voyons pas de raison de douter de la capacité de la BCE à maintenir l’inflation proche de 2% les prochaines années. Au vu d’un potentiel de croissance plus élevé, il est donc probable que le taux de rendement de l’obligation à 10 ans en Allemagne se stabilise dans une fourchette entre 2,50 et 3% les prochains mois.
Ce scénario repose aussi sur l’idée que la demande d’obligations de très bonne qualité soit fortement sensible à une hausse, même modérée, du taux de rendement. Une hausse au-delà de 3% est possible mais devrait être temporaire au vu de notre analyse.