Financer des propriétaires de décortiqueurs de riz qui manquent de capitaux au Cambodge, débloquer un crédit pour permettre à un éleveur du Burkina Faso de reconstituer son troupeau volé, soutenir une habitante de Bouarfa au Maroc afin qu’elle établisse son atelier de couture, ou encore aider un organisme de développement pour les femmes qui propose des formations et des services de santé.
Voici quelques exemples de ce qu’a pu permettre le Luxembourg Microfinance and Development Fund (LMDF), un fonds luxembourgeois qui vise à contribuer à la réduction de la pauvreté en soutenant des instituts de microfinance (IMF) à travers le monde.
Ces IMF donnent à leur tour des crédits pour un montant moyen de 1.200 ou 1.300 euros à de petites entreprises qui ont besoin de financement. «Ce sont des personnes qui travaillent pour elles-mêmes, parfois avec leur famille, donc on ne parle même plus vraiment de petites entreprises, mais d’une couche qui est encore en dessous de ça», précise Kaspar Wansleben, directeur exécutif du LMDF.
Le LMDF, qui dispose désormais d’un fonds de 39 millions d’euros, finance à présent 60.000 micro-entrepreneurs à travers 56 IMF répartis sur 26 pays.
Lancé en 2009, «le fonds avait comme optique de remplir un objectif d’utilité sociale avec, rattaché à ceci, un certain modèle d’affaires», explique Kaspar Wansleben. «Mais pas l’inverse: ce n’était pas un fonds d’investissement qui avait accessoirement vocation à faire du bien.»
Mesurer l’impact social
D’où la nécessité, pionnière alors, d’incorporer des aspects non financiers dans la prise de décision.
En 2009, le secteur de la microfinance en est à ses débuts. «Deux directions différentes ont été prises par les acteurs du marché», se souvient Kaspar Wansleben. «Certains considéraient que leur rôle principal était d’être un mécanisme efficient entre les marchés de capitaux et les besoins en microfinancement. Pour ce faire, ils ont élargi leur champ de financement à de petites banques, plus imposantes qu’un IMF, où des transactions à 10 millions de dollars devenaient possibles. Le modèle, plus efficient, apparaît cependant moins clair, car l’impact social devient plus compliqué à mesurer. L’autre voie, celle prise par le LMDF, est un fonds qui reste très pur: la finalité est sociale. Nous ne sommes pas près de nous éloigner de cette mission. Et, même si nous sommes moins efficients, nous sommes capables de démontrer très clairement qu’il y a une plus-value sociale.»
Si nous sommes moins efficients, nous sommes capables de démontrer très clairement qu’il y a une plus-value sociale.
Connaître précisément l’impact social du LMDF reste cependant complexe. Le système de mesure actuel prend en compte environ 200 dimensions différentes au niveau de chaque IMF pour arriver à déterminer un score de performance social. Par exemple, le traitement responsable des clients et des employés; l’équilibre entre performance financière et performance sociale; si les produits proposés sont adaptés aux besoins des clients; si les clients sont vraiment dans le besoin ou s’ils restent au sein de l’IMF.
«Nous regardons de très près ce score pour chaque IMF avant de prendre nos décisions d’investissement», assure Kaspar Wansleben.
Une croissance de 20% par an
Dès ses 18 ans, Kaspar Wansleben, qui habite en Inde, travaille pour des ONG. Mais il réfléchit à trouver de nouveaux modèles d’affaires dans cet espace. «Une ONG traditionnelle est toujours dépendante de ses donateurs», explique-t-il. «Cela impose donc de très fortes limites, notamment au niveau de la gouvernance. La microfinance permet justement le développement d’une autonomie.»
Après une thèse sur les systèmes de microfinance aux Philippines et un passage chez KPMG, il est recruté pour le lancement du LMDF en 2009.
Il travaille pendant trois ans en tant qu’unique employé du fonds. Celui-ci, qui va célébrer cette année ses 10 ans d’existence, dispose désormais de sept employés, dont deux au Costa Rica.
Sa croissance avoisine les 20% par an. Et si son rendement financier est relativement peu élevé, autour de 2%, l’avantage est qu’il reste très stable.
Un risque limité pour les investisseurs
«L’investissement privé, qui bénéficie d’une absorption de risques de la part de la classe publique, est peu risqué», assure le directeur du LMDF. La probabilité de perdre son argent est limitée. Le fait qu’à cela s’ajoute un objectif de plus-value sociale plaît aux investisseurs.»
Cela est d’autant plus vrai depuis le 27 juin dernier et la déclaration du ministre des Finances, : le ministère s’engage à préparer le terrain pour la prochaine étape de la croissance du LMDF en renforçant l’atténuation des risques via des actions publiques. Quatre millions d’euros d’actions publiques seront ainsi convertis au profit d’investisseurs privés luxembourgeois et d’entités à but non lucratif.
Des gens réalisent qu’ils ont une responsabilité personnelle et que cela implique des manières différentes de consommer, mais aussi de placer son argent.
Cependant, «trouver sa place dans une banque luxembourgeoise, une compagnie d’assurances ou un portefeuille d’investissement d’un family office ne fut pas aisé», se rappelle Kaspar Wansleben. «Ils regardaient ce produit et le considéraient comme de la charité, ce qui ne rentrait pas forcément dans leur cadre référentiel. Mais, depuis deux ans, on constate un changement profond. Des gens réalisent qu’ils ont une responsabilité personnelle et que cela implique des manières différentes de consommer, mais aussi de placer son argent. Les banquiers prennent ainsi conscience qu’ils doivent disposer d’une vraie offre pour cette clientèle, et que ce fonds est un produit parmi d’autres qui peut être intéressant.»
Mais ces années de tergiversations ont créé de la frustration. «Nous avons donc commencé une promotion plus large pour toucher le grand public, afin que les gens investissent directement», admet Kaspar Wansleben. Et, dans cette optique, nous nous sommes engagés à contribuer au développement de l’écosystème.»
Troisième édition de l’Impact Ecosystem
Pour cette raison, le LMDF accueillera le 1er octobre prochain l’, une conférence organisée par le LMDF avec le soutien de la Ville de Luxembourg. L’événement, qui en est à sa troisième édition et grandit chaque année (de 120 personnes présentes la première année à 500 prévues en 2019), accueille des entreprises poursuivant un objectif social ou environnemental.
Ces entreprises auront l’opportunité de présenter leurs objectifs et de gagner en visibilité, et ainsi «à ceux qui recherchent des partenaires, des membres, même un local, de parfois se voir proposer une solution».
Ce fut le cas à la suite de l'édition de l’année dernière pour Food4All, une entreprise proposant aux supermarchés de les aider à lutter contre le gaspillage alimentaire, depuis lors en partenariat avec Delhaize. Ou encore pour l’épicerie coopérative Ouni, qui s’est vu fournir depuis l'événement un local afin de proposer des produits de première nécessité dans des emballages organiques et locaux.