Pour le CEO d’InTech et président du conseil d’administration d’Infrachain, Fabrice Croiseaux, les banques auront peu de temps pour choisir les services qu’elles pourraient commercialiser dans l’environnement Libra. (Photo: Guillaume Loyer)

Pour le CEO d’InTech et président du conseil d’administration d’Infrachain, Fabrice Croiseaux, les banques auront peu de temps pour choisir les services qu’elles pourraient commercialiser dans l’environnement Libra. (Photo: Guillaume Loyer)

Le principal enseignement de la Libra, la monnaie cryptée de Facebook présentée mercredi, est «l’énorme impact qu’elle va avoir sur les banques», assure le CEO d’InTech et président du conseil d’administration d’Infrachain, Fabrice Croiseaux. Décodage avec cet expert.

1. Ce n’est pas une «monnaie Facebook»

Après avoir lu tous les documents publiés par le réseau social, Fabrice Croiseaux commence par relativiser l’appellation même de «monnaie Facebook».

«Ce n’est pas une monnaie Facebook. Facebook est un des 27 membres de sa fondation, Calibra, et aura donc 1/27e des droits de vote. Ceux qui ont peur de l’influence de Facebook, dans un an, au lancement de la Libra, ne devraient pas.

Surtout quand on retrouve, parmi les autres membres, PayPal, Visa ou Mastercard. Il ne faut pas négliger que Facebook veut monter très vite à 100 partenaires. Cela s’explique par la volonté, au début, d’avoir des gestionnaires de nœuds au-dessus de tout soupçon et ensuite, que personne ne puisse prendre le contrôle de la blockchain. C’est très malin!»

2. L’impact sur les banques va être énorme

«Comment les banques vont-elles conserver un accès aux clients? Que va-t-il se passer? Tous les jeunes de 16 à 25 ans qui ne veulent pas avoir de contact avec une banque se contenteront d’obtenir un IBAN pour le jour où ils voudront avoir un crédit. L'accès au compte et les paiements pourront se faire en Libra.

Les jeunes, mais aussi une partie des geeks et les 1,7 milliard de personnes qui n’ont pas d’accès aux services bancaires et financiers, ça fait du monde. Si j’étais une banque, je commencerais à me demander ce que je pourrais proposer comme services en Libra. C’est une question de survie!»

3. Pas de problème avec les régulateurs

Pour l’instant et à priori, il n’y aura pas de problème avec les régulateurs. «Mais cela viendra. Aujourd’hui, quand quelqu’un vous donne de l’argent et que vous voulez le mettre à la banque, vous devez pouvoir justifier de son origine au-delà d’une certaine somme. Sinon, la banque ne le prend pas.

Que se passera-t-il demain, quand un utilisateur ouvrira un compte en Libra adossé, par exemple, à sa carte de crédit, déposera une forte somme et qu’il voudra transmettre cette somme à un autre utilisateur de Libra qui n’aura pas fait son KYC ?»

4. Ce n’est pas une monnaie

«Tout le monde parle de cryptomonnaie. Mais ce n’est pas réellement une monnaie. Elle est reliée à des réserves en monnaies fiduciaires et la gouvernance en place ne permet pas de créer des Libras qui ne soient pas backées. C’est pour cela qu’on parle de ‘stablecoin’. Le Libra est plus proche d’un fonds investi en devises dont les parts pourraient servir de moyen de paiement que d’une monnaie. C’est un OVNI financier.

À la limite, ce sera plutôt la première monnaie qui ne soit pas représentée physiquement, qui n’est pas imprimée. Ce qui explique qu’on n’entende pas beaucoup les banques centrales.»

5. Des produits financiers à venir

«Si on regarde la technologie que Facebook compte mettre en place, les ‘smart contracts’ sont envisagés. Ce qui ouvre la porte à la création de produits financiers. La Libra est une nouvelle blockchain qui autorise un débit de transaction important (plus de 1.000 transactions par seconde au début, plus ensuite) et un temps de validation assez faible (environ 10 secondes).»

6. Les commerçants, vrais gagnants

«Si la volonté de Zuckerberg est de fournir des services bancaires à ceux qui en sont démunis, il y a fort à parier que ceux qui y gagneront le plus sont les commerçants. Pour l’instant, ils paient trois types de commissions: à leur banque, au fournisseur de solution (comme Visa ou Mastercard) et à la banque de leur client.

Les situations peuvent être très différentes et ce montant peut représenter 2 à 7% de la transaction. Dont seulement un petit pourcentage pour Visa ou Mastercard. Autrement dit, non seulement la Libra leur permettra d’aller plus vite, mais cela leur coûtera nettement moins cher.»