Le Luxembourg est classé 21e sur 180 pays dans le dernier classement de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Le Luxembourg est classé 21e sur 180 pays dans le dernier classement de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Dans la dernière édition du classement mondial de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières, le Luxembourg occupe la 21e place sur 180 pays. L’organisation dénonce le manque d’accès aux documents et de protection des journalistes, ainsi que les risques de conflits d’intérêts.

Le classement annuel de Reporters Sans Frontières (RSF) évalue la situation du journalisme dans 180 pays à l’aide d’une série d’indicateurs, dont le contexte politique, économique et socioculturel, les cadres juridiques et la sécurité des professionnels des médias.

Cette année, l’indice utilise une nouvelle méthodologie. Elle évalue les indicateurs sur la base d’une enquête quantitative sur les violations de la liberté de la presse et les abus à l’encontre des journalistes et des médias, mais aussi les résultats d’une enquête qualitative. Les 123 questions ont été envoyées à des centaines de journalistes, d’universitaires et de défenseurs des droits de l’Homme sélectionnés par Reporters Sans Frontières.

Ce changement d’approche rend les résultats de 2021 et 2022 plus difficilement comparables.

Le plus mauvais score du Luxembourg se situe au niveau du cadre législatif, le pays ne disposant toujours pas de lois exhaustives concernant la liberté d’information. «L’accès aux informations détenues par l’État n’est pas garanti, malgré les demandes répétées du syndicat des journalistes», déplore Reporters Sans Frontières.

Accès aux documents

Une loi de 2018 a créé une commission d’accès aux documents (CAD). À travers elle, les médias et d’autres acteurs publics et privés peuvent demander au gouvernement ou aux communes l’accès à des informations.

Cependant, une longue liste de documents est exclue du champ d’action de la commission et ses avis ne sont que consultatifs. Le gouvernement peut choisir de ne pas divulguer une information, même suite à un avis contraire de la commission.

Comme en 2020, lorsque le Mouvement Écologique a demandé l’accès à un protocole d’accord signé entre la commune de Bissen et Google pour la construction d’un centre de données sur le territoire communal. La commission a accepté que le document soit rendu public, mais pas le gouvernement. Il ne l’a montré qu’à un petit groupe de législateurs siégeant à la commission économique de la Chambre. Ceux-ci étant liés par des règles de confidentialité, et risquant des sanctions s’ils révèlent le contenu du document.

Le Mouvement Écologique a alors déposé plainte, mais un tribunal a donné raison au gouvernement, déclarant que le document pouvait rester secret.

Au début de la pandémie de coronavirus, le gouvernement a également été critiqué pour ne pas avoir communiqué suffisamment d’informations aux journalistes. Le ministère de la Santé tarde toujours à répondre aux demandes des médias. Selon la ministre de la Santé (LSAP), cela est dû à un manque de personnel.

Conflits d’intérêts

Dans le contexte de la pandémie, «certains journalistes ont été menacés sur les réseaux sociaux […] ou soumis à des tentatives d’intimidation lors de manifestations contre les restrictions sanitaires», indique le classement à propos du score du Luxembourg. «Bien que le gouvernement envisage de légiférer sur ce sujet, une telle activité n’est actuellement pénalisée par aucune loi existante.»

La ministre de la Justice, (déi Gréng), a déclaré les personnes faisant circuler les adresses et coordonnées privées de journalistes. Les exposant, eux et leurs familles, à des menaces. En décembre 2021, Roy Reding (ADR) avait d’un journaliste du Tageblatt dans un groupe Telegram anti-vaccin, ce qui avait entraîné des menaces de mort contre le reporter. Le député a affirmé avoir envoyé l’information par accident.

RTL domine l’information au Luxembourg. Que cela soit par la télé, la radio ou internet.

Reporters Sans Frontières

Reporters Sans Frontières a également constaté la concentration des médias au Luxembourg: «RTL domine l’information au Luxembourg. Que cela soit par la télé, la radio ou internet.» En 2021, un observatoire européen du pluralisme des médias avait critiqué le manque de diversité du paysage médiatique luxembourgeois, estimant que les médias audiovisuels, en particulier, ne répondent pas aux besoins de la population internationale du pays.

Du côté des recettes, Reporters Sans Frontières a averti que les médias luxembourgeois, nombreux pour le pays, «n’en restent pas moins sous pression, et la petite taille du Grand-Duché favorise les conflits entre le travail de la presse et les divers intérêts économiques».

Dans l’ensemble, cependant, les médias du pays «fonctionnent de manière indépendante et les journalistes jouissent d’un grand degré de liberté vis-à-vis du gouvernement et des politiciens», peut-on lire dans le classement. «La presse est très lue au Luxembourg, les journalistes y bénéficiant d’un crédit notable au sein de la population, parmi les meilleurs de l’UE selon la Commission européenne.»

Les plus mauvais pays

Ailleurs dans le monde, la situation des journalistes a été classée comme «très mauvaise» dans un nombre record de 28 pays. Dans le classement de cette année, les 10 pays les plus mauvais pour la liberté de la presse sont la Syrie, l’Irak, Cuba, le Vietnam, la Chine, le Myanmar, le Turkménistan, l’Iran, l’Érythrée et la Corée du Nord.

«La mise en place d’un armement médiatique dans les pays autoritaires annihile le droit à l’information de leurs citoyens, mais il est aussi le corollaire de la montée des tensions sur le plan international, qui peuvent mener aux pires guerres», dénonce Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières.

L’organisation a critiqué les divisions et la polarisation croissantes au sein des démocraties, alimentées par ce qu’elle appelle la «fox-newsisation», mais aussi l’utilisation abusive des médias par des régimes despotiques pour mener des actions de propagande contre les démocraties. «L’invasion de l’Ukraine par la Russie à la fin du mois de février est emblématique du phénomène», indique le rapport.

La Norvège, le Danemark et la Suède arrivent en tête du classement. Les États-Unis en occupent quant à eux la 42e place.

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.