Daniel Wagener, en train de cuire son pain devant le musée. (Photo: Paperjam.lu)

Daniel Wagener, en train de cuire son pain devant le musée. (Photo: Paperjam.lu)

Avec «Freigeister», le Mudam présente une exposition qui dévoile une sélection subjective d’artistes issus de la scène artistique luxembourgeoise dont le point commun est de tisser des liens entre le Luxembourg et l’ailleurs.

Il aura fallu pas moins de quatre commissaires pour s’attaquer à cette délicate question de la représentation de la scène luxembourgeoise pour l’exposition «Freigeister» au Mudam. Clément Minighetti, Marie-Noëlle Farcy, Christophe Gallois et Sarah Beaumont se sont concertés pour parvenir à une sélection de 14 artistes qui représentent, chacun avec leur sensibilité, un fragment de la scène artistique au Luxembourg. Une manière habile de diluer la responsabilité et les éventuelles aigreurs que l’exposition pourra susciter auprès des artistes qui n’ont pas été choisis, tout comme de mettre en avant un travail d’équipe à l’heure où (elle a choisi de quitter le musée au mois de décembre pour rejoindre son Australie natale).

«C’est une exposition avec un focus sur la scène luxembourgeoise, mais elle parle avant tout de l’art de nos jours», souligne Suzanne Cotter. Elle présente en effet une génération d’artistes, nés entre 1970 et 1990, qui viennent du Luxembourg mais qui travaillent aussi ailleurs.

«L’exposition ne se prétend en aucun cas être exhaustive», explique Clément Minighetti, curator en chef et co-commissaire de l’exposition. «Ce n’est pas une exposition panoramique, ni même un bilan. C’est un portrait subjectif d’un ensemble d’artistes qui tissent des liens entre le Luxembourg et d’autres pays, cet ailleurs qui caractérise si fortement le Grand-Duché. Cette distance permet aussi aux artistes de porter un regard critique, engagé, décalé, poétique, d’interroger le cadre des idées établies et d’agir en ‘esprits libres’, pour reprendre le terme de Friedrich Nietzsche et qui donne son nom à cette exposition.»

Un prélude à l’exposition

Pour parvenir à cette approche de la scène luxembourgeoise, le Mudam a réalisé, en amont de l’exposition, des «journées d’échange» qui se sont déroulées en septembre 2020, avril et juillet 2021. À cette occasion, des intervenants extérieurs (responsables d’associations, d’institutions, chercheurs, écrivains…) ont tenu des conférences et échangé avec les artistes sur les questions de multiculturalité, de langage, de vivre-ensemble, etc. Ces discussions et réflexions sont venues nourrir le développement de nouvelles œuvres en vue de cette exposition. «Cette exposition représente un soutien de l’institution envers les artistes en ces temps difficiles de pandémie», insiste Suzanne Cotter. Les nouvelles productions ont été possibles grâce aux apports financiers du ministère de la Culture, de la Fondation Indépendance et de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte.

Par ailleurs, ces journées de réflexion ont aussi permis de réaliser qui compose une part importante du programme associé de l’exposition. «Cet abécédaire est présenté au Mudam Studio et le public est invité à y participer en déposant sa définition personnelle de l’un des mots», explique Valérie Tholl, responsable du service des publics.

Une exposition caléidoscopique

«Freigeister» se répartit dans les deux ailes du rez-de-chaussée du musée. La scénographie a été réalisée avec l’aide du bureau Polaris, qui a permis à chaque artiste de trouver «son territoire propre, tout en entrant en résonance avec les œuvres qui l’entourent», explique Suzanne Cotter. Il en résulte une galerie relativement apaisée d’un côté et une galerie avec plus de frictions dans l’autre.

Chaque artiste est représenté avec un corpus d’œuvres, permettant d’avoir un aperçu un peu plus large de sa production. Pour certains d’entre eux, ce sont comme des mini-expositions au sein de l’exposition. C’est le cas pour Catherine Lorent ou Filip Markiewicz, par exemple, tous deux ayant d’ailleurs représenté le Luxembourg à la Biennale de Venise, tout comme Marco Godinho, également présent dans l’exposition. Pour d’autres, comme Laurianne Bixhain, Nina Tomàs ou Daniel Reuter, c’est la première fois qu’ils collaborent avec le musée.

D’une manière générale, l’exposition reflète bien la vitalité de la scène, mais aussi sa pluralité, qui est palpable à la fois à travers les sujets abordés et par les médiums utilisés. On appréciera tout particulièrement le bancomat subversif d’Aline Bouvy, la sensible série de photos de Laurianne Bixhain et son jeu de textures qui suggère des réalités différentes, la très minimaliste installation de Yann Annicchiarico ou la peinture-collage de Filip Markiewicz.

Un forum pour échanger

Pour continuer sur cette dynamique, un conséquent programme culturel a été élaboré pour inviter le public à participer à cette plateforme de réflexion dans l’objectif de créer une agora autour de l’exposition. C’est ainsi qu’un week-end de performances est prévu les 13 et 14 novembre, parallèlement à la Luxembourg Art Week. Le public est aussi invité à prendre son petit-déjeuner au musée le samedi matin, entre le 8 janvier et le 26 février, afin de participer à une plateforme d’échange où un artiste et un invité interviendront sur une thématique spécifique. De nombreuses activités sont aussi prévues autour de l’œuvre «Ket Baker» de Daniel Wagener, qui permet de fabriquer du pain dans le cadre du musée.

En complément de l’exposition, une publication a été réalisée. Elle offre une immersion dans l’univers de chaque artiste grâce à un texte écrit par les commissaires et un ensemble de visuels d’œuvres autres que celles présentées dans l’exposition. À cela s’ajoutent quatre essais issus des journées d’échange qui offrent un regard différent sur la société luxembourgeoise autour des thématiques des frontières et des migrations, des langues, du vivre-ensemble et du territoire.

Terminons en précisant qu’il est aussi possible d’acheter les multiples de Marco Godinho et Catherine Lorent à la boutique, ainsi que le pain réalisé tous les week-ends par Daniel Wagener.

«Freigeister. Fragments d’une scène artistique au Luxembourg et au-delà». Jusqu’au 27 février,