Le forum international «Stand Speak Rise Up!» s’est ouvert ce mardi au Kirchberg, notamment avec les discours de S.A.R. la Grande-Duchesse et du Premier ministre Xavier Bettel. Une table ronde en présence de la lauréate du prix Nobel de la paix 2018 Nadia Murad a eu lieu dans l’après-midi.

Deux jours durant, l’European Convention Center Luxembourg (ECCL) accueille le forum international «Stand Speak Rise Up!» au Kirchberg, événement dédié au fléau du viol de guerre.

S.A.R. la , a ouvert l’événement par un discours, suivi de celui du Premier ministre (DP) et d’un message vidéo enregistré de Christine Lagarde, présidente du Fonds monétaire international (FMI).

Les deux lauréats du prix Nobel de la paix 2018 ont répondu présents à l’invitation de S.A.R. la Grande-Duchesse: Nadia Murad et le docteur Denis Mukwege, dont la fondation figure parmi les partenaires de l’opération.

«Brise le tabou»

Nadia Murad, jeune Irakienne yazidie, a notamment participé en début d’après-midi à une table ronde modérée par S.A.R. la Grande-Duchesse. Autour de la table se trouvaient également l’Ukrainienne Iryna Dovhan, membre de Sema, le réseau mondial de victimes et survivantes pour mettre fin au viol de guerre, la Colombienne Fulvia Chunganá Medina, coordinatrice nationale du groupe Red de Mujeres Víctimas y Profesionales, membre de Sema, Aline Munezero, assistante sociale, ainsi qu’Ekhlas Khudhur Bajoo, une Irakienne yazidie également victime de Daech.

Chacune a pu témoigner de son histoire, mais surtout insister sur l’importance de parler des violences sexuelles, de briser le tabou et de faire avancer les choses.

«Ce n’est pas facile pour une survivante de raconter son histoire, de parler aux médias ou aux politiciens», a notamment confié Nadia Murad. «Mais il faut le faire pour qu’il y ait une prise de conscience de ce que nous vivons.»

La violence sexuelle est véritablement une arme de destruction massive.

Iryna Dovhanmembre Sema

Et la lauréate du prix Nobel de la paix d’ajouter: «Cela fait presque cinq ans que le génocide yazidi a eu lieu, que les violences ont eu lieu, que l’esclavage sexuel a eu lieu. Nous avons dû émigrer, et ce sont désormais les terroristes qui vivent sur place. La seule solution, c’est la justice. Quand Daech commet ces crimes, pourquoi la communauté internationale ne fait-elle pas en sorte que justice soit faite?»

L’importance de parler de ces crimes a été rappelée par Iryna Dovhan, qui a connu la violence des soldats près de Donetsk.

«La violence sexuelle est véritablement une arme de destruction massive. Les soldats m’ont mise sur la place publique avec un panneau sur lequel était écrit ‘article d’occasion’. Les passants avaient peur et ne me regardaient pas. Cela a duré plus de cinq ans. Par chance, une photo de moi a été publiée dans le New York Times, ça m’a sauvé la vie», raconte-t-elle.

«Aujourd’hui, je ne vais pas me taire. Beaucoup de personnes ont été tuées ou torturées durant cette période en Ukraine. Nous devons tout faire pour que ma petite fille ne connaisse pas ça», a demandé à la salle Iryna Dovhan.

Le fait d’entendre des histoires similaires à la mienne me donne du courage et de la force.

Fulvia Chunganá Medinacoordinatrice nationaleRed de Mujeres Víctimas y Profesionales

Victime de violences sexuelles alors qu’elle était enceinte de quatre mois, Fulvia Chunganá Medina a également déclaré: «Le fait d’entendre des histoires similaires à la mienne, de travailler avec les réseaux d’associations en Colombie, me donne du courage et de la force. Ce qu’on nous a fait est très grave et nous devons faire entendre notre voix, parce que ce qui ne se raconte pas n’existe pas, et ce qui ne s’écrit pas n’existe pas non plus.»

L’European Convention Center Luxembourg (ECCL) accueille le forum international «Stand Speak Rise Up!» au Kirchberg. (Photo: Anthony Dehez)

L’European Convention Center Luxembourg (ECCL) accueille le forum international «Stand Speak Rise Up!» au Kirchberg. (Photo: Anthony Dehez)

Un constat partagé par Aline Munezero, une Burundaise contrainte de quitter son pays après avoir été victime de violences dans son pays. «Je suis aujourd’hui en exil et je trouve la force de parler en moi-même, pour mes filles, et parce que je me dis que si je reste enfermée chez moi à pleurer, je n’aurai aucun avenir.»

Pourquoi je souris? La raison c’est vous, et le sentiment d’humanité que vous représentez.

Ekhlas Khudhur BajooIrakienne yazidie

«J’aimerais moi aussi crier haut et fort que, tant que je serai en vie, je serai toujours debout, et je lutterai contre toute impunité et je dénoncerai mes agresseurs», appuie la Burundaise. «Eux pensaient peut-être qu’ils me donnaient une raison de me haïr, de me suicider, mais non, au contraire, ils m’ont donné la force de me battre.»

Le dernier témoignage de cette table ronde a fait écho au premier de Nadia Murad. Ekhlas Khudhur Bajoo est également une jeune Irakienne yazidie. Elle interroge, au début de son intervention, l’assistance présente par centaine ce mardi: «Pourquoi je souris? La raison c’est vous, et le sentiment d’humanité que vous représentez. L’humanité est l’arme la plus forte que nous ayons.»

«On se bat pour votre dignité»

Après des applaudissements nourris, la jeune femme de 18 ans poursuit: «Nous partageons toutes la même douleur, nous marchons main dans la main pour arrêter tout cela parce qu’ensemble, nous sommes plus fortes. Il n’y a pas assez de mots pour décrire cette souffrance, mais je ne suis pas uniquement ici pour parler de la souffrance, mais pour parler de l’espoir.»

Et S.A.R. la Grande-Duchesse de conclure cette table ronde: «Vous êtes mes grandes sœurs, et la raison de cette conférence est de vous dire que vous n’êtes pas toutes seules, et que l’on se bat pour votre dignité.»