Le premier virage à 180 degrés concerne les dépenses militaires.
À la suite de la réélection de Donald Trump, l’Europe s’est soudainement retrouvée au pied du mur. Elle ne peut désormais plus compter sur les États-Unis pour sa défense. Nous, Européens, dépendons trop des Américains pour la défense de notre continent. À ce jour, quelque 90.000 soldats américains restent postés en Europe et leur présence future est hautement incertaine.
Nous sommes également trop dépendants de la technologie américaine dans le secteur de la défense. Par exemple, lors de l’opération militaire au Mali en 2013, les Français ont dû faire appel à des avions américains pour réapprovisionner en kérosène leurs avions de chasse en plein vol. Un mois après le début de l’opération aérienne en Lybie en 2012, la coalition européenne a manqué d’obus et a dû recourir au stock des Américains. Ces faits témoignent du sous-investissement passé dans la défense.
Cela est reflété dans la part du produit intérieur brut dédiée aux dépenses militaires, qui est restée sous les recommandations de l’Otan durant de nombreuses années pour la majeure partie des pays européens. D’où la proposition de la présidente de la Commission européenne début mars de libérer à travers un plan de réarmement de l’Europe près de 800 milliards d’euro pour financer la défense. Des changements significatifs sont également évidents au niveau national, avec la décision remarquable de l’Allemagne d’assouplir le frein budgétaire inscrit dans la constitution du pays pour financer des investissements dans la défense. D’autres pays (comme le Royaume-Uni, la Belgique et le Danemark) se sont également aussi déjà engagés à augmenter leurs dépenses militaires.
Conscience industrielle
D’un point de vue industriel, il y a également un sursaut de conscience depuis peu en Europe. Bruxelles envisage d’étendre ses pouvoirs en matière de fusions afin de mettre un terme aux «acquisitions hostiles» d’entreprises européennes florissantes par des concurrents étrangers qui tenteraient d’éliminer toute forme de concurrence. De plus, nous protégeons désormais notre industrie automobile contre la concurrence féroce chinoise. Fin du mois d’octobre, l’Union européenne a imposé des droits de douane sur les véhicules électriques fabriqués en Chine qui sont importés sur le continent à la suite d’une enquête antisubventions. Cela a suivi la décision des Américains et des Canadiens d’imposer des droits de douane de 100% sur les véhicules électriques chinois. En Europe, cela signifie que certains modèles chinois sont désormais imposés jusqu’à 45% de leur valeur lorsqu’ils rentrent dans le marché unique européen.
Le nerf de la guerre
Troisièmement, on reparle de mobiliser l’épargne des Européens. Près d’un tiers de la richesse des ménages européens dort sur des comptes en banque. L’idée de la Commission européenne est d’offrir des incitants fiscaux afin d’investir cette épargne dans des projets européens, dont la défense.
Comme c’est souvent le cas en Europe, les crises nous font aller de l’avant. L’incertitude géopolitique actuelle émanant de la nouvelle administration américaine a entraîné une refonte de l’orthodoxie budgétaire allemande qui était l’une des sources de la faiblesse de l’économie de la zone euro ces dernières années. Aujourd’hui, il y a une volonté commune aux différents pays européens de réduire notre dépendance en matière de défense et de protéger notre industrie contre les prédateurs.
Dans mon prochain article, je soulèverai les questions budgétaires liées à ces nouveaux investissements dans la défense, qui vont indéniablement faire augmenter les dettes publiques.