La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté un nouveau plan de bataille autour de la compétitivité européenne qui ne renonce pas du tout au Green Deal. (Photo: Shutterstock)

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté un nouveau plan de bataille autour de la compétitivité européenne qui ne renonce pas du tout au Green Deal. (Photo: Shutterstock)

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et son vice-président, Stéphane Séjourné, ont présenté en début d’après-midi, ce mercredi, une «boussole de la compétitivité», qui promet entre autres un choc de simplification, un plan pour réduire le prix de l’énergie pour les industriels, notamment de l’acier, et… un 28e régime de législations européennes qui, pour une PME, donnera accès à tous les États membres de manière uniforme.

Le marché unique européen n’a rien d’unique? Qu’à cela ne tienne, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, va ajouter un nouveau niveau de réglementation – le 28e régime – qui permettra sur une base volontaire – de fonctionner avec des règles identiques dans les États membres et donc de s’affranchir de 27 versions des différentes réglementations. La présidente de la Commission européenne n’a pas vraiment détaillé comment cette initiative «on the top» de la législation existante allait fonctionner ni même comment les entreprises pourraient sécuriser leur environnement juridique, mais elle montre la nouvelle méthodologie que la nouvelle Commission européenne entend déployer face aux nombreuses critiques dont elle fait l’objet.

La boussole de la compétitivité présentée ce mercredi à Bruxelles se concentre sur trois piliers: combler le déficit d’innovation, avoir une feuille de route commune pour la décarbonisation et la compétitivité et réduire les dépendances et accroître les résilience et sécurité économiques. Ont été évoqués des éléments facilitateurs horizontaux et transversaux très importants: la simplification, la réduction des barrières au marché unique – notre plus grand atout dans un monde de géants – le financement de la compétitivité, les compétences et emplois de qualité et la coordination.»

«La structure industrielle de l’Europe est devenue trop statique, avec trop peu de start-up émergeant avec de nouvelles technologies disruptives», a reconnu Mme Von der Leyen. «La part européenne mondiale des demandes de brevets est à égalité avec les États-Unis et la Chine. Mais seul un tiers de ces demandes de brevets sont finalement exploitées commercialement et c’est ce qui fait la différence. Nous constatons que seule une petite part des entreprises de l’UE saisissent l’opportunité du changement numérique. Si vous regardez nos entreprises, seulement 13% utilisent l’IA. Donc, une sur sept utilise l’IA, par exemple, et tout cela doit changer.»

Les IA Factories, partie de la réponse à Donald Trump

 Comme le Luxembourg, la Commission européenne lancera cette année «une large stratégie d’IA (…) comprendra une initiative d’IA appliquée pour stimuler l’adoption industrielle de l’intelligence artificielle dans les secteurs clés. La stratégie comprendra également ce que nous appelons les usines d’IA, une initiative d’usines d’IA qui offre essentiellement à nos entreprises la possibilité, grâce à des superordinateurs, d’entraîner leurs modèles et de développer leurs modèles. Et la même chose, après avoir examiné l’IA, nous la ferons dans différents plans d’action, par exemple, concernant les matériaux avancés, la biotechnologie quantique, la robotique, les technologies spatiales.» Le Luxembourg est déjà au cœur de ce réseau d’IA Factories et a appris fin décembre qu’il aurait une des premières usines de ce type en Europe. La présidente de la Commission européenne a placé ce dispositif au cœur de la réponse de l’Europe aux 500 milliards de dollars d’investissements dans l’infrastructure de l’IA annoncés la semaine dernière par le nouveau président américain, Donald Trump.

Si l’Europe a du mal à accoucher de licornes, c’est que les start-up ne parviennent pas à convaincre des capital-risqueurs. «Si vous regardez le capital-risque mondial, seulement 5% sont levés dans l’Union européenne. 52% sont levés aux États-Unis et 40% sont même levés en Chine», a expliqué la présidente de la Commission européenne. «Nous ne manquons pas de capital. Si vous regardez l’épargne des ménages européens, elle est de 1.400 milliards d’euros par an, contre seulement 800 milliards aux États-Unis. Ce qui nous manque, c’est un marché des capitaux efficace qui transforme cette épargne en investissement et en capital-risque, ce qui est tellement nécessaire, en particulier pour les technologies de stade précoce qui ont un potentiel de rupture.»

«C’est pourquoi», a-t-elle poursuivi, «en nous appuyant sur l’union des marchés de capitaux et l’union bancaire, nous allons présenter cette année une Union européenne de l’épargne et de l’investissement. Elle créera de nouveaux produits d’épargne et d’investissement, encouragera le capital-risque et assurera que les flux d’investissement circulent sans entrave dans l’Union européenne. Bien sûr, il s’agit de capital privé. L’investissement public continuera également de jouer un rôle important si nous parlons d’investissement dans l’innovation. Et par conséquent, le prochain budget européen est notre chance de recentrer les priorités et, bien sûr, de simplifier l’accès au financement européen.»

Les ambitions vertes maintenues mais…

L’ancienne ministre d’Angela Merkel a aussi maintenu les ambitions écologiques et environnementales. Tout en apportant quelques modifications à la stratégie du Green Deal.

«Nous devons assurer la prévisibilité pour les investisseurs et les entreprises de technologies propres. L’industrie des technologies propres est à la recherche d’opportunités. L’Europe est ouverte aux affaires. Nous sommes déjà des leaders mondiaux dans les technologies propres. Si vous regardez les éoliennes, les électrolyseurs, les carburants à faible émission de carbone, plus d’un cinquième des technologies propres mondiales sont développées ici même en Europe. Nous devons donc travailler dur pour rester numéro un et, par conséquent, les premiers arrivés seront récompensés par la certitude des investissements, par la préférence dans les marchés publics et par des aides d’État simplifiées dans des secteurs ciblés. Nous travaillerons également, bien sûr, avec les industries plus traditionnelles pour les soutenir dans la transition. Je lancerai demain le dialogue stratégique dans l’industrie automobile. Nous soutiendrons cette industrie automobile tout au long de la transition profonde qu’elle subit également et nous veillerons à ce que l’avenir de la voiture reste fermement ancré en Europe. Nous allons également déployer des plans d’action sur mesure pour les secteurs à forte intensité énergétique, en ce qui concerne l’acier et les métaux ou les produits chimiques. Nous allons travailler à l’accélération des permis.»

 Autre déclaration qui parlera à nos industriels, ArcelorMittal en tête: «Nous devons également nous attaquer aux prix et aux coûts de l’énergie structurellement trop élevés dans l’Union européenne. Nous allons présenter, dans quelques semaines, un plan d’action pour une énergie abordable afin de travailler sur les problèmes structurels pour faire baisser les prix de l’énergie pour notre industrie.»

 Autant de pistes qui n’auraient pas de sens si l’UE ne retrouvait pas un peu d’autonomie dans l’accès aux matériaux rares, notamment très utiles dans les produits de technologie au sens large. «L’Europe est un champion du commerce», a insisté Mme Von der Leyen. «Nous avons des accords avec 76 pays. Nous sommes le plus grand partenaire commercial pour 72 d’entre eux, représentant 38% du PIB mondial. Il est intéressant de constater qu’en ces temps, il y a un appétit croissant pour s’engager plus étroitement avec nous, non seulement parce que notre marché est attrayant et grand, mais aussi en raison de notre réputation en tant que partenaire. L’Europe offre des conditions sans arrière-pensée. D’autres peuvent se concentrer sur l’exploitation et l’extraction. Nous envisageons d’investir localement là où se trouvent les matières premières critiques de nos partenaires, en produisant une chaîne de valeur sur place et en acheminant les produits finis vers l’Union européenne. Tout le monde y gagne. Dans cette optique, nous avons lancé une nouvelle génération d’accords commerciaux pour sécuriser l’approvisionnement en matières premières, en énergie propre et en technologies propres dans le monde entier.»

Un omnibus cachera d’autres omnibus

 Sans surprise, la Commission européenne présentera le 25 février un omnibus. Un premier omnibus. «Nous avons un signal très clair du secteur des entreprises européennes: il y a trop de complexité et la durée des permis est trop longue. Les procédures administratives sont trop lourdes. Nous devons réduire les formalités administratives. Nous commencerons par une première proposition omnibus de simplification le mois prochain. Cela comprend une simplification de grande envergure dans les domaines du reporting financier durable, de la diligence raisonnable durable et de la taxonomie. D’autres omnibus pour différents secteurs suivront. Ce sera une autre étape majeure dans la réalisation de notre objectif de réduire de 25% les obligations de déclaration de l’UE pour toutes les entreprises et, comme vous le savez, de 35% pour les PME et nous voulons aller plus loin, car la déclaration n’est pas le seul obstacle qui existe. Les autres types de coûts administratifs imposés à notre industrie nous amènent à élargir l’engagement pour couvrir 25% de tous ces fardeaux administratifs récurrents et 35% pour les PME. Notre objectif est que, d’ici la fin du mandat, nous ayons fait des propositions qui pourraient faire économiser aux entreprises plus de 37 milliards d’euros par an.»

Une union des compétences à venir

 L’Europe mettra en place cette année une Union des compétences «afin de recycler et de perfectionner la main-d’œuvre européenne dans un monde de changement technologique rapide où cela est absolument nécessaire pour réussir notre compétitivité.»

 Et la présidente de la Commission européenne a terminé son intervention de moins d’un quart d’heure avec un message plus politique encore. «Nous avons un plan. Nous avons une feuille de route. Nous avons la volonté politique. Maintenant, ce qui compte et qui compte vraiment, c’est la vitesse et l’unité. La vitesse parce que le monde ne nous attend pas. Il est donc grand temps que nous accélérions, et l’unité est importante pour réellement mettre en œuvre cette volonté politique. Il est très bon que le Conseil européen approuve fortement le rapport Draghi. Nous avons eu un débat à Budapest et la déclaration de Budapest est très claire. Les 27 dirigeants approuvent pleinement la voie à suivre.» Cela devrait également se traduire par un focus des politiques publiques européennes, autrement dit par des choix et par le renoncement du financement à certains autres programmes européens. Sans que les deux intervenants n’aient là donné davantage de détails pour l’instant.