Robert Bueninck (Unzer): «Le succès de l’euro numérique dépendra moins de la technologie elle-même que du fait que les consommateurs verront un avantage clair à l’adopter.» (Photo: Unzer)

Robert Bueninck (Unzer): «Le succès de l’euro numérique dépendra moins de la technologie elle-même que du fait que les consommateurs verront un avantage clair à l’adopter.» (Photo: Unzer)

Le succès de l’euro numérique dépend d’un accès facile pour les utilisateurs, d’une valeur concrète dans la vie réelle et d’une intégration fluide dans le quotidien, affirme le CEO d’Unzer, Robert Bueninck.

L’euro numérique pourrait transformer le système financier européen, mais seulement si les consommateurs voient l’intérêt de l’utiliser, prévient le CEO du fournisseur de services de paiement Unzer, Robert Bueninck. Dans une interview accordée à Paperjam, M. Bueninck a évalué l’initiative phare de la Banque centrale européenne concernant la monnaie numérique de la banque centrale (MNBC), en s’appuyant sur son expérience à la tête d’une entreprise qui a traité 22 milliards d’euros de transactions en 2024.

Située à Berlin, Unzer a étendu son empreinte avec l’ouverture d’un à Munsbach, au Luxembourg, en novembre 2024. La société propose une gamme complète de solutions de paiement et de logiciels pour les détaillants, couvrant les caisses en ligne, les terminaux mobiles en magasin et le règlement final.

«Je pense que l’euro numérique est une initiative prometteuse qui pourrait moderniser de manière significative le paysage des paiements en Europe», a dit M. Bueninck. «Mais le succès dépendra moins de l’état de préparation technologique que de la question de savoir si les consommateurs verront un avantage clair à l’adopter.»

Valeur réelle

«Il est peu probable que les consommateurs changent leurs habitudes si l’euro numérique n’offre pas un avantage clair par rapport aux solutions existantes comme Apple Pay ou PayPal», affirme M. Bueninck.

Bien que l’euro numérique puisse renforcer la souveraineté financière de l’Europe et offrir une «solution de paiement sécurisée, en temps réel et universellement acceptée dans la zone euro», cela ne suffira pas. Parlant d’expérience, «les habitudes de paiement sont profondément ancrées», a-t-il souligné, et à moins qu’il n’y ait des «avantages tangibles par rapport aux méthodes existantes», l’adoption sera lente.

Il a également mis en garde contre les défis opérationnels et techniques. «Le paysage européen des paiements étant déjà très fragmenté, il pourrait s’avérer difficile de parvenir à une adoption cohérente dans tous les États membres.» Changer les systèmes de paiement n’est pas une mince affaire. «Pensez-y comme à un réseau ferroviaire: vous pouvez changer le train, mais vous devez vous assurer qu’il fonctionne avec les rails existants – sinon, le remplacement de l’ensemble du réseau serait extrêmement coûteux et prendrait beaucoup de temps.»

Faire fonctionner l’euro numérique dans la vie de tous les jours

Un des principaux sujets de préoccupation de M. Bueninck est la manière dont les consommateurs accéderont à l’euro numérique et l’utiliseront. «Si le consommateur doit télécharger, installer et configurer un autre portefeuille numérique sur son téléphone, la barrière à l’adoption est élevée», a-t-il ajouté. De plus, «les portefeuilles ne fonctionneront pas comme des comptes bancaires avec intérêts, ils ne feront que stocker de l’argent numérique. Le transfert d’argent dans le portefeuille doit être rapide et simple, sinon les gens ne l’adopteront pas», a averti M. Bueninck.

«Quel est l’avantage de stocker de l’argent dans ce portefeuille par rapport à l’endroit où il est actuellement conservé?» Il a également noté que la BCE envisageait de plafonner le montant d’euros numériques qu’une personne peut détenir, principalement pour protéger le système bancaire. «D’accord. Mais si cette limite s’avère trop basse, cela ne fera que limiter sa légitimité en tant qu’alternative.»


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Obliger les commerçants à l’accepter

La BCE peut exiger des magasins, des restaurants et des prestataires de services qu’ils acceptent l’euro numérique, mais ce n’est que la moitié de la bataille. «Forcer les consommateurs à utiliser l’euro numérique? Ce sera un défi encore plus grand», affirme M. Bueninck. «Il faut que ce soit extrêmement facile, totalement sécurisé et que cela s’intègre parfaitement dans leur vie quotidienne. Et il ne s’agit là que d’hygiène: nous devons offrir des avantages supplémentaires.»

Si le système fonctionne bien, il pourrait toutefois susciter des changements rapides. «Si cela réussit, je pourrais facilement voir l’adoption décoller, tout comme les paiements sans contact ont explosé pendant la pandémie de Covid.»

Adoption par les jeunes générations

Alors que la gen Z et les millennials sont plus ouverts aux nouveaux outils numériques, M. Bueninck est d’avis que même eux n’adopteront pas l’euro numérique sans une raison impérieuse: «Les consommateurs doivent avoir une raison claire et convaincante de passer à l’euro.» Il reconnaît que la réduction de la dépendance de l’Europe à l’égard des systèmes de cartes internationaux et des fournisseurs de portefeuilles étrangers pourrait être un facteur déterminant, mais il met en garde: «Les consommateurs n’agissent généralement pas sur la base de considérations politiques: l’aspect pratique et la facilité d’utilisation comptent beaucoup plus pour eux.»

La suite

Si l’euro numérique s’impose, M. Bueninck estime que le commerce électronique et la vente au détail pourraient bénéficier d’un règlement plus rapide et de frais moins élevés, ainsi que de nouveaux modèles de paiement tels que l’automatisation basée sur l’internet des objets. Mais les acteurs établis pourraient être menacés. «Certains systèmes de cartes et fournisseurs de paiements transfrontaliers établis pourraient être mis sous pression si l’euro numérique offre une alternative plus simple et moins chère.»

Néanmoins, le secteur des paiements a l’habitude de s’adapter rapidement. «Le secteur des paiements évolue rapidement et a l’habitude de s’adapter aux nouvelles technologies», appuie-t-il. «Pour les prestataires de services de paiement comme nous, l’euro numérique deviendra simplement une option supplémentaire que nous proposerons en plus des méthodes de paiement que les gens connaissent et utilisent déjà.»

Unzer n’envisage pas dans l’immédiat de lancer des enquêtes auprès des utilisateurs sur l’euro numérique. «La BCE a encore trop de questions en suspens», explique M. Bueninck. La BCE souhaitant finaliser les préparatifs de la phase I d’ici octobre 2025, le calendrier du déploiement effectif reste flou. «Alors que le travail préparatoire est en cours, nous devons voir quand le déploiement complet aura lieu.»

Cet article a été rédigé initialement , traduit et édité pour le site de Paperjam en français.