Florence Reckinger-Taddeï (présidente de Lët’z Arles), Claudia Passeri, Krystyna Dul et Sam Stourdzé (directeur des Rencontres d’Arles). (Photo: Romain Girtgen/CNA)

Florence Reckinger-Taddeï (présidente de Lët’z Arles), Claudia Passeri, Krystyna Dul et Sam Stourdzé (directeur des Rencontres d’Arles). (Photo: Romain Girtgen/CNA)

Le 50anniversaire des Rencontres d’Arles marque un tournant enthousiasmant dans la collaboration entre l’événement phare de la photographie européenne et Luxembourg, où les travaux de Claudia Passeri et Krystyna Dul seront présentés cette année.

Cette cinquantième édition résonne en effet avec la troisième et dernière année du partenariat initial conclu entre les Rencontres d’Arles et Lët’z Arles, l’association de promotion de la photographie luxembourgeoise lors du festival. Cependant, le bilan, la qualité et la professionnalisation des profils sélectionnés sur ces trois dernières années et une volonté politique affirmée de pérenniser cette entente mutuelle augurent un avenir radieux pour les talents photographiques locaux à Arles.

Un bilan très satisfaisant

Depuis l’arrivée de Sam Stourdzé à la tête du festival de photographie, les chiffres battent tous les records de fréquentation, ne serait-ce que pour l’édition 2018: 140.000 visiteurs (12% d’augmentation par rapport à 2017) et plus de 1.340.000 visites d’expositions. Une progression de près de 70% de la fréquentation sur ces quatre dernières années.

Au sein de cette augmentation de visiteurs phénoménale, on pourrait penser que le travail mis en place par l’association luxembourgeoise ne joue qu’une part infime dans les chiffres annoncés...

Mais pas du tout, comme l’indique celui qui assure la direction des Rencontres d’Arles depuis 2014: «L’audience est tout à fait optimale pour les artistes luxembourgeois, qui bénéficient de plus d’un lieu d’exposition exceptionnel qu’est la Chapelle de la Charité. Par exemple en 2018, l’exposition organisée avec Lët’z Arles a attiré quelque 38.000 visiteurs. Celle de Robert Frank, un des grands maîtres de la photographie, en a compté 106.000. On peut donc voir que le rapport est loin d’être anecdotique. Les locomotives qui peuvent exister dans le festival entraînent l’ensemble de la programmation.»

Une sélection pointue et solide

Cette année, le jury met les artistes femmes à l’honneur avec un duo composé de Claudia Passeri, artiste plasticienne italo-luxembourgeoise à la réputation éprouvée, et la jeune Krystyna Dul, actuelle lauréate du prix stART-up Studio du fonds stART-up de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte, dans une démarche complémentaire autour de l’Histoire et de l’intimité.

La première présentera dans la nef centrale de la Chapelle de la Charité son projet photographique «Aedicula», qui s’inspire des traductions possibles du mot italien: petite alcôve sacrée et kiosque à journaux. Saint contre populaire. L’exposition s’articulera autour d’une installation composée de grands présentoirs à journaux; sur ces derniers, sans texte, sont imprimées des images prises par l’artiste à Furlo, un petit village d’Italie centrale.

Autrefois lieu de villégiature de Mussolini, le village symbolise aujourd’hui l’oubli des luttes, des sacrifices et heures sombres et l’impossibilité d’y réfléchir sereinement faute de consensus politique. «Mon but est de donner une nouvelle lecture à un lieu tourné vers le passé et engoncé dans sa nostalgie, ainsi que de me réapproprier les codes de la presse de gauche, souvent moins douée que les extrêmes populistes qui savent utiliser les icônes.»

Claudia Passeri, «Aedicula», 2018, photographie                                (Photo: Claudia Passeri)

Claudia Passeri, «Aedicula», 2018, photographie  (Photo: Claudia Passeri)

Krystyna Dul proposera quant à elle avec «Resonance» un univers intimiste tiré de l’exploration d’un lieu de vie dont le propriétaire est décédé, mais dont les traces, les passions pour le corps des femmes et les fantasmes documentés persistent.

Ainsi, en mélangeant photographies trouvées et prises de vues personnelles, l’artiste questionne le rapport au désir aussi bien du protagoniste absent que de l’observateur qui devient, en quelque sorte, complice de cette intrusion de l’artiste.

«Les obsessions de cet homme que je n’ai pas connu sont devenues les miennes. J’ai aussi senti une grande solitude et j’ai l’impression que ce processus créatif sert d’antidote à cette solitude, d’hommage à la propre approche créative de ce personnage disparu.»

Krystyna Dul, «Pube», Luxembourg, 2017 (Photo: Krystyna Dul)

Krystyna Dul, «Pube», Luxembourg, 2017 (Photo: Krystyna Dul)

Pour rappel, le jury pour cette sélection 2019 était composé de:

- Simon Baker, directeur de la Maison européenne de la photographie à Paris

- Paul di Felice, vice-président de Lët’z Arles, fondateur de Café-Crème et de l’European Month of Photography, professeur et commissaire d’exposition

- Étienne Hatt, rédacteur en chef adjoint d’artpress, responsable de la chronique photographie

- Danielle Igniti, administratrice, ancienne directrice du Centre culturel Opderschmelz et des Centres d’art de la Ville de Dudelange, commissaire d’exposition

- Steph Meyers, directeur des Rotondes

- Sam Stourdzé, directeur des Rencontres d’Arles

- Michèle Walerich, administratrice, responsable du département Photographie du Centre national l’audiovisuel (CNA) et membre du jury du fonds stART-up de l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte

Une volonté commune

Si la collaboration entre Arles et Luxembourg arrive à son terme cette année après les trois éditions prévues dans l’accord de partenariat initial, il semble clair, à entendre les représentants des deux parties, qu’elle ne s’arrêtera pas à ce premier cadre contractuel. En effet, la ministre de la Culture Sam Tanson a affirmé vouloir «institutionnaliser la présence luxembourgeoise lors des Rencontres d’Arles», félicitant l’initiative du rayonnement culturel international qu’elle a su apporter en seulement trois ans.

Du côté arlésien, Sam Stourdzé apprécie cette démarche structurelle: «Nous avons été très sensibles à la déclaration de la ministre et nous trouvons que ce programme répond à un certain nombre de besoins et de demandes, qu’il se construit de manière vertueuse et qu’il trouve son public sans pour autant faire de concession avec la qualité artistique.»

Enfin, le directeur du festival continue également ses démarches en vue d’une grande exposition Edward Steichen à chacun de ses passages au Grand-Duché, même s’il s’agit encore pour le moment d’un «projet en cours, qui n’a pour l’instant toujours aucune forme ni temporalité précises».

Arles et Luxembourg semblent donc vouloir continuer à avancer ensemble dans la mise en lumière de l’excellence photographique dont cette dernière est capable.

La ministre de la Culture Sam Tanson affirme sa volonté d’institutionnaliser la collaboration entre Luxembourg et les Rencontres d’Arles.  (Photo: Romain Girtgen/CNA)

La ministre de la Culture Sam Tanson affirme sa volonté d’institutionnaliser la collaboration entre Luxembourg et les Rencontres d’Arles.  (Photo: Romain Girtgen/CNA)

Une rétrospective des expositions présentées à Arles pour cette édition du festival et lors de l’édition 2018 – avec les artistes Pasha Rafiy et Laurianne Bixhain – sera organisée au Cercle Cité de Luxembourg à partir du mois d’octobre.