«Le gouvernement fera de la mobilité l’une de ses priorités. Dans le cadre fixé par le plan national de mobilité 2035 (PNM), la politique du gouvernement sera axée sur le concept de la mobilité multimodale visant à améliorer les capacités des transports en commun (train, bus et tramway) et à développer la mobilité douce (vélos et piétons). Aussi, le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour l’amélioration du trafic routier», lit-on dans l’accord de coalition de novembre 2023. La politique du gouvernement Frieden en la matière s’articule autour de l’esprit dit des «4 D»: durabilité, décarbonation, digitalisation et dynamisme. Elle s’inscrit dans la continuité du PNM 2035 présenté en avril 2022 et fait de la multimodalité sa valeur cardinale, détaillait en décembre 2024, devant les députés, la ministre responsable, .
Question d’infrastructures
La mobilité, ce sont d’abord les infrastructures. L’accord de coalition est ambitieux sur ce point. Pouvait-il ne pas l’être? Il prévoit d’abord une augmentation des capacités du réseau ferroviaire. Au programme: densification du réseau, meilleures interconnexions et éventuellement construction de nouvelles lignes. Le gouvernement cherchera également à développer les lignes transfrontalières et affiche l’objectif d’améliorer la liaison ferroviaire Luxembourg-Bruxelles. Un serpent de mer ferroviaire… Pour ce qui est des bus, le réseau Régime général des transports routiers (RGTR) fera l’objet d’une analyse approfondie avec pour objectif de revoir entièrement les horaires des transports publics et de mieux coordonner les horaires des bus et des trains. Globalement, l’offre sera élargie.
Figure de proue de la mobilité à la luxembourgeoise avec la gratuité des transports, le tramway va voir son réseau s’étoffer. En attendant la liaison par tram entre Luxembourg-ville et Esch-sur-Alzette – un projet de loi devant être déposé devant le Parlement avant la fin 2026 –, la ligne 1 du tram va desservir l’aéroport du Findel. L’ouverture de la ligne aux passagers est prévue au premier trimestre 2026. Quatre nouvelles lignes devraient voir le jour ces prochaines années, dont deux ont déjà fait l’objet d’un dépôt de projet de loi. La première ligne, baptisée HOA, partira de la station Gare centrale à Hollerich. Elle desservira le futur quartier Nei Hollerich et rejoindra le futur pôle d’échange de Hollerich au niveau de la route d’Esch. Le budget est fixé à 29 millions d’euros.
La deuxième ligne, baptisée K2, partira de la station Rout Bréck-Pafendall pour relier le futur quartier Laangfur au Kirchberg. Budget: 106 millions d’euros. Le réseau devrait également s’étendre vers la route d’Arlon, avec une gare au niveau du stade Josy Barthel et vers la route d’Esch. Par ailleurs, l’équipement des rames en wifi devrait être bouclé par Luxtram d’ici la fin de l’année 2025.
Pour ce qui est du réseau routier, le gouvernement étudiera l’implémentation d’une gestion dynamique du trafic, une organisation plus efficace des voies de circulation et des limitations de vitesse variables adaptées aux conditions de circulation. Une interdiction ponctuelle de dépassement pour les poids lourds sera introduite sur les autoroutes les jours ouvrables à des horaires spécifiques.
La mobilité, quel chantier!
Le paysage luxembourgeois continuera à être marqué par les chantiers. Pour ce qui est des autoroutes, l’élargissement de l’A3 de deux à trois voies dans les deux sens entre la frontière française et la capitale progresse. La mise en service du premier tronçon de la capitale à l’aire de Berchem est imminente. Les travaux entamés sur l’autoroute A6 entre l’échangeur de Mamer/Capellen et l’aire de Capellen, là aussi dans les deux sens, vont se poursuivre jusqu’en 2026. Tout comme vont se poursuivre jusqu’en 2026 les travaux sur l’A4 au niveau de l’échangeur de Pontpierre.
Sur les rails aussi les travaux se poursuivent. Avec, comme conséquences concrètes, deux nouvelles interruptions totales du trafic ferroviaire entre Bettembourg et Luxembourg en 2025. La première du 5 au 22 avril, lors des congés de Pâques, afin de permettre le remplacement de rails entre Berchem et Howald, la mise en conformité de la gare de Berchem et l’élargissement du viaduc de Livange. Du 15 juillet au 16 septembre, la circulation sera de nouveau interrompue pour permettre le renouvellement de voies et l’aménagement des gares de Berchem et de Howald. Les quais numérotés de 8 à 14 de la gare de Luxembourg seront à ce même moment inaccessibles.
Interruption du service également entre Kleinbettingen et Bertrange – sur la ligne Arlon-Luxembourg, donc – du 15 au 25 février, entre Luxembourg et Kleinbettingen du 5 au 22 avril et entre Kleinbettingen et Bertrange du 24 mai au 2 juin. Sur la ligne du Nord, il n’y aura pas de trains entre la capitale et Ettelbruck du 19 juillet au 11 août. Et pour être complet, sur la ligne de Trèves, il n’y aura aucun convoi du 24 mai au 2 juin entre Sandweiler-Contern et Oetrange, ni entre Luxembourg et Wasserbillig du 23 août au 15 septembre.
La voiture, ce plaisir solitaire
Au Luxembourg, on aime les voitures. Lors de la présentation du budget 2025, le ministre des Finances, , rappelait la définition gouvernementale de la multimodalité: «Le multimodal ne signifie pas gâcher le trafic individuel. ‘Multimodal’ ne signifie rien d’autre que la meilleure combinaison possible de toutes les formes de mobilité. Et dans un pays doté de vastes zones rurales, cela inclut également la voiture.»
En octobre 2024, le Statec recensait 550.580 véhicules au pays, dont 453.614 voitures, parmi lesquelles 13.909 électriques. Avec 678 voitures pour 1.000 habitants, le Luxembourg présente la deuxième densité automobile la plus élevée en Europe, derrière l’Italie (684). Les automobilistes seront appelés à partager l’espace public. Le gouvernement prévoit des mesures de modération du trafic, avec notamment des zones à 30 km/h ou encore à 20 km/h au sein des localités et la mise en place d’espaces partagés. En contrepartie, les automobilistes pourront personnaliser leurs plaques d’immatriculation comme cela se pratique en Belgique. Contre espèces sonnantes et trébuchantes. Actuellement, la personnalisation se limite au choix de cinq chiffres, ou deux lettres et quatre chiffres. Un projet de loi en ce sens sera présenté au conseil de gouvernement rapidement.
La voiture, ce plaisir solitaire absolu, rappelle que la mobilité, c’est aussi une question de comportement de la part des usagers. Le nœud du problème est «comment leur faire préférer les transports en commun?». Par l’incitation et non la contrainte, comme l’expliquait, durant la campagne électorale, .
L’incitation, pas la contrainte
Le télétravail peut-il être une solution pertinente pour faire réduire les déplacements professionnels et frontaliers? Cela devient de plus en plus improbable. Après avoir été perçue comme la solution miracle, les entreprises font marche arrière. D’après le rapport sur le travail et la cohésion sociale du Statec publié en septembre 2024, entre 2015 et 2019, seule une personne sur cinq en emploi avait recours au télétravail. Avec les confinements et les restrictions liées au Covid, ce chiffre s’est envolé à une personne sur deux, atteignant un record historique de 52% au deuxième trimestre 2020. Depuis, si le niveau de recours au télétravail a diminué, il reste à un niveau élevé environ deux fois supérieur à celui d’avant la pandémie.
Au premier trimestre 2024, 38% des actifs avaient recours au travail à distance. Mais, outre les questions liées au traitement social et fiscal du télétravail pour les frontaliers, les entreprises reconsidèrent les avantages et les inconvénients de ce mode d’organisation de l’activité et la tendance qui se dessine est celle, sinon d’un retour pur et simple au bureau, d’une limitation stricte des nombres de jours de travail à domicile, voire, dans certains cas, notamment dans le secteur financier, des jours de présence dans les bureaux satellites qui ont fleuri ces dernières années aux frontières du pays.
Sur le front de la fluidification du trafic, «dans la mesure du possible», la construction de routes de contournement sera accélérée et planifiée de manière cohérente aux endroits les plus chargés. Des parkings relais régionaux et à proximité des frontières, bien reliés aux transports en commun, seront créés. Les places pourront y être réservées via le recours à une application mobile.
Dans cet esprit, l’application Mobiliteit.Iu sera améliorée, afin de la «rendre plus performante et plus facile à utiliser». L’Observatoire digital de la mobilité, créé en 2023 pour garantir une planification et une évaluation efficaces de la mobilité et des politiques de transport, sera renforcé.
Enveloppe budgétaire
L’effort financier en matière de mobilité est à la hauteur des engagements. Dans le budget 2024, au titre de la mobilité, les dépenses courantes ont atteint 1,6 milliard d’euros, dont 856 millions pour le rail, 547 millions pour les autobus et 24 millions pour le tramway. Les dépenses en capital – les investissements, donc – se sont élevées à 452 millions d’euros, dont, notamment, 349 millions pour le rail et 57 millions pour le tramway.
Au titre du budget 2025, 4,135 milliards d’euros ont été alloués à la mobilité, les transports et les travaux publics, soit 13,4% du budget total de l’État. Un peu plus de la moitié de ce montant – 2,2 milliards d’euros – devrait être consacré à la mobilité. Sur cette somme, les investissements représentent 444 millions d’euros, dont 372 millions pour le rail et 47 millions pour le tram. Tram dont l’extension coûtera 420 millions pour la période 2025-2028. En 2025, les CFL recevront 16 nouvelles automotrices pour un coût de 222 millions d’euros. Au cours des quatre prochaines années, l’État luxembourgeois investira environ 4,3 milliards dans le rail et les routes, 1,8 milliard via le fonds routier et 2,5 milliards via le fonds ferroviaire.
Sur les années 2024-2027, les CFL achèteront de nouveaux trains pour environ 505 millions d’euros. Au total, environ 1,9 milliard d’euros seront consacrés au développement du réseau ferroviaire sur la même période.
Vers le PNM 2040
Demain se prépare aujourd’hui. Depuis le 14 janvier et jusqu’au 30 juin 2025, le ministère de la Mobilité mène l’enquête Luxmobil. La précédente édition remontait à 2017 et avait permis la rédaction du plan national de mobilité 2035. Celle-ci permettra l’élaboration du PNM 2040 et facilitera les futures planifications stratégiques du ministère. Un échantillon représentatif de 7.860 résidents sera contacté par la société Ilres. Les sondés seront interrogés sur leurs comportements de déplacement ainsi que sur leurs besoins en matière de mobilité. L’enquête se compose de deux volets: un premier entretien téléphonique concerne les déplacements de la semaine. À l’issue de cet entretien, les participants seront invités à indiquer s’ils acceptent d’être recontactés le lundi suivant pour répondre à quelques questions sur leurs déplacements du samedi. Les résultats seront connus vers la fin de l’année. Le budget de l’opération est de 2,5 millions d’euros.
7,837
7,837 milliards. C’est l’enveloppe allouée par l’État aux Chemins de fer luxembourgeois (CFL) en contrepartie de l’exploitation du service public de transport par chemin de fer et par bus. Cette enveloppe prévue pour la période 2025 à 2039 comprend 7,145 milliards pour le transport ferroviaire et 692,123 millions pour les liaisons assurées par bus.
Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de , parue le 29 janvier. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.
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